Cinéma

Annecy 2016 - Marcel Jean dévoile les temps forts de sa 4e sélection

Date de publication : 14/06/2016 - 08:20

Le délégué artistique du festival a composé sa sélection parmi 2 600 œuvres de tous formats. Et il a choisi de mettre l'animation française à l'honneur en évitant l'écueil de l'autocélébration consensuelle.

Quelles seraient les grandes tendances de cette édition 2016 ?
Nous avons remarqué tout d'abord, en particulier dans les courts métrages, une grande sensibilité des cinéastes à l'état du monde. Cette année, beaucoup de films abordent les grands thèmes politiques qui nous préoccupent actuellement, tels que la liberté d'expression ou la question des migrants. Cela nous donne une sélection de courts métrages plus sérieuse que ce que nous avons pu avoir précédemment, les films drôles étant un peu plus rares. Quant à la sélection des longs métrages, elle se démarque surtout par la variété des genres et des styles et l'émergence de nouveaux pays producteurs. Le Canada, qui a toujours été un producteur important dans le domaine du court métrage, le devient à présent dans le long métrage avec deux films en compétition cette année. C'est une vraie nouveauté. Ensuite nous avons également noté l'arrivée de nouveaux pays comme Les Philippines et les Émirats Arabes Unis, tous deux représentés par un long métrage. Enfin, la production russe monte en puissance. Cela se sentait depuis quelques années mais à présent la qualité de l'animation 3D numérique en Russie s'est vraiment améliorée. Et cette année, nous avons sous les yeux l'aboutissement de ce développement.

Vous avez reçu cette année plus de 2 600 films d'animation internationaux, tous formats confondus. Comment s'est opéré le processus de sélection ?
Faire la sélection d'Annecy est très différent de ce qui peut se faire dans d'autres festivals, et je parle en connaissance de cause car j'ai œuvré auparavant pour différentes manifestations. La place dominante d'Annecy dans le monde de l'animation fait peser une grande responsabilité sur les épaules des sélectionneurs. C'est le seul festival à couvrir l'ensemble du spectre, du cinéma jusqu'à la télévision. Et, il y a deux ans, s'est ajoutée une compétition pour les films dits "Off-Limits", des œuvres exploratoires situées à la frontière de l'animation. Annecy est aussi à la fois un festival et un marché, regroupant les acteurs de l'industrie aux côtés des purs créateurs. Tout cela fait que nous avons le devoir d'offrir une sorte d'état du monde de l'animation. Je veux que la sélection soit comme une sorte de Polaroid de ce secteur en 2016. Donc, quand on sélectionne, on commence par prendre le pouls de ce qui a été produit. On voit l'ensemble des œuvres, les tendances qui se dégagent, qu'elles soient thématiques ou techniques, que l'on va essayer de traduire par le biais de la sélection, laquelle s'opère par des coups de cœur ou des évidences face à des films qui apparaissent très vite comme incontournables. Et tout cela se complète par une sélection de films représentatifs de l'état du monde de l'animation.

Qu'est ce qui détermine le fait qu'une œuvre soit en compétition ou hors compétition ?
Nous essayons de garder en compétition les œuvres que nous considérons comme étant les meilleures, mais à ce premier critère purement subjectif s'ajoute une série d'équilibres, géographiques ou autres. Nous voulons affirmer notre position de festival international et offrir à la fois au public et au jury le choix entre diverses tendances. Dans la compétition long métrage cette année, on remarque deux films qui sont plutôt les héritiers d'une tradition documentaire comme 25 avril ou Nuts! Le film russe Sheep and Wolves et le canadien La guerre des tuques sont deux œuvres en 3D numérique rendant parfaitement compte des progrès technologiques à travers le monde. Il y a aussi deux films qui sont très clairement des œuvres d'auteur comme La jeune fille sans mains et Window Horses tous deux produits avec des budgets très modestes. Et puis Ma vie de Courgette qui est un film très singulier, remarqué au Festival de Cannes. Enfin, on retrouve deux titres qui relèvent d'avantage de la science fiction et du cinéma fantastique, le coréen Seoul Station et l'espagnol Psiconautas. Tout cela représente un très large éventail et offre un véritable choix.

Vous avez suggéré l'année de la France. Comment avez-vous construit cet hommage en évitant l'écueil de l'autocélébration ?
Le risque, en plus de l'autocélébration, était de faire un hommage consensuel et sans surprise avec les films les plus évidents que les festivaliers, notamment français, connaissent par cœur. Nous l'avons contourné en ayant recours à des programmateurs de diverses origines, américains, suisses, neerlandais, slovènes, italiens et canadiens. J'ai décidé de rendre hommage à la France d'une façon assez ludique en offrant une vision kaléidoscopique de son animation, chaque programmateur proposant une vision particulière et donc un regard neuf. Le but est de découvrir des œuvres, voire de les redécouvrir en les contextualisant.

Et vous-même, comment définissez-vous cette animation française ?
C'est l'une des plus diversifiée au monde. Cela tient à plusieurs raisons. Tout d'abord, la force du système scolaire français, très performant et diversifié, permet de créer une base de créateurs solides. Ensuite, la France est dotée d'un système de financements publics qui est l'un des plus performants au monde, envié par beaucoup. C'est donc un pays qui est à la fois un grand producteur de longs et de courts métrages mais aussi de télévision, le tout dans des styles et des techniques très différentes. Si on prend une grande tradition cinématographique comme celle du Japon, on peut trouver dans son animation une certaine forme d'homogénéité. C'est la même chose pour certaines grandes écoles historiques comme la tchèque. Mais on ne retrouve pas cela ici. Les Français sont présents dans tous les secteurs de l'animation avec un égal succès.

L'équipe d'Annecy va être profondément remaniée dans les deux ans à venir. Qu'en est-il de votre côté ?
Je suis ici jusqu'en 2018. On verra pour la suite. Mais j'ai un contrat semblable à celui de Didier Deschamps, sans avoir l'horizon de l'Euro devant moi.

Propos recueillis par Patrice Carré
© crédit photo : G. Piel


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