Cinéma

Cannes 2017 : entretien avec Juliette Grandmont, productrice de "I Am Not a Witch"

Date de publication : 25/05/2017 - 08:15

Avec ce premier opus présenté à la Quinzaine, la réalisatrice zambienne Rungano Nyoni livre une vision décapante de l'Afrique.

Comment avez vous fait la connaissance de Rungano Nyoni ?
Le projet a été initié, développé et produit en délégué par la France. J'avais vu son court métrage Mwansa the Great dans un festival en Grèce. La réalisatrice, Rungano Nyoni, a ensuite reçu un premier mail de ma part pour le peu énigmatique, disant : "Je suis une productrice française, actuellement en tournage en Chine, j'ai vu votre court en Grèce, je peux venir vous rencontrer à Londres, je voudrai produire tous vos prochains films en Zambie ou ailleurs." Rungano a d'abord cru à un spam !
 
Qu'est ce qui vous a donné envie de produire I Am Not a Witch ?
Nous avons l'habitude de voir beaucoup de films : au cinéma, en festivals, sur nos écrans. Et on se sent parfois un peu anesthésiés par le nombre. Quand j'ai vu son court métrage Mwansa the Great, j'ai ressenti une émotion oubliée depuis l'enfance. Son cinéma provoque l'émerveillement, la fascination de celui qui voit du cinéma pour la première fois. Il y a cette magie.
 
Comment sont venus vos partenaires financiers ? 
Le premier financement est venu du CNC et de l'Institut français, avec l'aide aux Cinémas du monde, sous la présidence d'Abderrahman Sissako, et le World Cinema Fund du Festival de Berlin, avec le coproducteur allemand Unafilm, puis Hubert Bals Fund+Europe. La société londonienne de production et distribution Soda Pictures, nous a rejoint et a apporté la majorité du financement avec le British Films institut, Film Agency for Wales, et la chaîne Film4.
 
Le processus d'écriture a été long ?
Nous avons développé les premières idées au sein de la résidence de la Cinéfondation en 2013, puis développé véritablement des traitements et première version au sein du Moulin d'Andé, l'année suivante. Le premier scénario comportait des problématiques très réalistes, sociales et urbaines. Mes questions butaient toujours sur les différences culturelles :  Rungano a eu alors la magnifique intelligence de transporter l'histoire dans un "ailleurs". Les problématiques réalistes ou politiques sont alors devenues compréhensibles ou ressenties grace à une histoire transposée dans un monde recrée.

Rungano est partie des mois au Ghana pour filmer des villages de sorcières afin d'alimenter son nouvel arrière plan narratif. Nous avons aussi enrichi ce monde au gré de nos sessions de pitch du projet ! À Durban, où nous avons remporté le prix IFP Noborder, et à Locarno où nous sommes reparties avec le grand prix Open Doors et le prix Arte.
 
Des difficultés particulières pour monter ce film ?
Ca a été très rapide, à partir du moment où nous étions sures du scénario ; l'engouement était tel autour du projet et de la proposition de cinéma de Rungano. Nous avons levé 1,2 millions entre mai et juin de l'année dernière. En même temps nous préparions le tournage, afin de tourner avant la saison des pluies. Ayant tourné et travaillé avec beaucoup de pays très divers (Australie, Chine, Pologne, Inde, Maurice, Allemagne, Luxembourg, République tchèque, Kazakstan, Tadjikistan, Russie, Chili, Argentine, etc.), le tournage en Afrique n'a pas été un choc, en tant que tel. La réelle découverte pour moi sur ce film a été celle du système de production anglais.
 
Vous étiez présente sur le tournage ? Des anecdotes particulières ?
Entre juin et novembre, j'y ai passé en tout, un mois et demi, dans la capitale de Lusaka et ses alentours. Nous avons tourné avec des comédiens allant de sept à 80 ans venant des villages reculés de Zambie, et une équipe en majorité zambienne qui n'avait jamais vu un tournage. Le reste de l'équipe et du matériel étaient Anglais, Sud-Africains et Français. Et, le chef opérateur, David Gallego, venait de Colombie !

Le rôle principal est interprétée par Maggie, neuf ans. Un jour de juin, sur une île du plus grand lac zambien, elle a vu arriver "un homme rond et un grand blanc" qui prenaient des photos. Elle s'est pointée devant l'objectif, avec un air farouche. Après plusieurs mois de casting, Rungano est revenue sur cette image, a compris que c'était elle, son personnage principal, depuis le début. Depuis, Maggie est scolarisée à Lusaka, parle quelques mots d'anglais, et prendra pour la première fois l'avion pour venir en France, au Festival de Cannes.
 
Le film a été présenté dans les WIP des Arcs... dernière étape finale ?
Les Arcs a été un véritable déclencheur. Nous avons présenté six minutes de rushes aux WIP et avons eu énormément de propositions de vendeurs français ou anglais. Nous travaillons depuis avec Kinology, Grégoire Melin et Gaëlle Mareschi, dont la vision du film, ainsi que l'énergie, nous ont conquis. Ils ont été de véritables partenaires sur toute la fin de la production du film, dont le montage image s'est intégralement déroulé à Paris.
 
Cette sélection à la Quinzaine a une signification particulière pour vous ?
Pour Rungano et moi. Pendant l'écriture, alors que Rungano trépignait d'impatience pour tourner, on lui a proposé de coréaliser un court métrage de la Film Factory, programme dirigé et produit par Dominique Welinski, présenté depuis ces dernières années, à la Quinzaine. Nous sommes très touchées d'être accueillies par cette sélection à nouveau.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo :


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