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Cinéma

Lumière 2018 - Jane Fonda, une lionne à Lyon

Date de publication : 19/10/2018 - 08:16

La fille de Henry Fonda, mariée à Roger Vadim, Tom Hayden et Ted Turner, s’est imposée comme l’une des plus brillantes comédiennes de sa génération. Du statut
de sex-symbol à celui d’activiste, et des rôles engagés aux emplois de grandes dames toujours indignées, c’est une authentique légende que célèbre le 10e prix Lumière.

Lady Jane Seymour Fonda voit le jour le 21 décembre 1937 à New-York, trois semaines à peine avant la sortie du dernier film de son père, Henry, J'ai retrouvé mes amours, que signent Arthur Ripley et Joshua Logan. Ironie du sort, 17 ans plus tard, c’est ce dernier qui pousse celle qui ne voulait surtout pas devenir actrice à accompagner son paternel sur une scène d’Omaha (Nebraska) pour une représentation caritative d’Une fille de la province, la pièce de Clifford Odets dont l’adaptation cinématographique valut l’année suivante un Oscar à Grace Kelly. Entre le père et sa fille plane une absence obsédante : celle de sa mère, Frances Ford ­Seymour, morte dans un hôpital psychiatrique lorsque Jane avait 12 ans et dont elle a découvert qu’elle s’était ­suicidée… dans un magazine de cinéma. Ce n’est qu’en 1960 que Jane Fonda fait ses débuts à l’écran, sous la direction de l’insistant Joshua Logan et face à Anthony Perkins, dans La tête à l’envers. Un coup d’essai qui lui vaut d’emblée le Golden Globe du meilleur espoir féminin. Dès lors, elle compte parmi les donzelles les plus en vue de sa génération et devient la concurrente de Natalie Wood, son aînée dans le métier (elle a débuté sa carrière à l’âge de… cinq ans !), mais en réalité sa cadette de sept mois.
C’est pour tourner Les félins (1964) de René Clément, dans lequel elle a pour partenaire Alain Delon, que Jane Fonda traverse l’Atlantique. Mais c’est son film suivant, le remake de La ronde de Max Ophüls, qui scelle sa rencontre avec Roger Vadim, qu’elle épouse en août 1965. Suivront La curée (1966), d’après le roman d’Émile Zola, et, surtout, Barbarella (1968). Cette adaptation kitschissime de la BD de Jean-Claude Forest (éditions Les Humanoïdes Associés), qui a usé pas moins de neuf scénaristes et dont on retient ­surtout les costumes, ou plutôt les carrosseries, harnachés sur la comédienne par Paco Rabanne, suscite la vindicte des suffragettes hostiles à la femme objet, qui plus est en l’an 4000 ! Loin de cette image sexy qui la transforme en icône de la pop culture, et avec laquelle elle prend par la suite ses distances, Jane Fonda souligne malicieusement que son personnage est aux commandes d’un vaisseau spatial, ce qui lui vaut le privilège de converser sans intermédiaire avec le président. Elle tourne aussi avec Arthur Penn (La poursuite impitoyable), Otto Preminger (Que vienne la nuit), Sydney Pollack (On achève bien les chevaux) et hérite de son engagement contre la guerre du Vietnam le surnom de “Hanoi Jane”. Coiffée à la garçonne dans Klute d’Alan J. Pakula, cheveux courts mais idées longues, elle tourne avec Jean-Luc Godard dans Tout va bien et quitte Roger Vadim au profit de l’activiste Tom Hayden. Autres temps, autres mœurs…

UNE ACTRICE CAMÉLÉON
Véritable caméléon, Jane Fonda passe du statut de militante à celui de grande prêtresse de la forme à travers un livre, puis une série de cassettes d’aérobic qui connaissent un succès considérable au tournant des années 1980 et dont elle a confectionné récemment une suite destinée à sa génération. Elle ajoute simultanément à son tableau de chasse deux westerns (Cat Ballou en 1965 et Le souffle de la tempête en 1978), quelques jolis morceaux de bravoure signés Fred Zinnemann (Julia, dans lequel elle incarne l’écrivaine Lillian Hellman, en 1977), Hal Ashby (Le retour est, en 1978, le premier projet qu’elle initie personnellement) ou James Bridges (Le syndrome chinois, 1979). Jusqu’à La maison du lac, en 1981, élégie mortifère dans laquelle Mark Rydell donne au clan Fonda l’occasion d’enterrer la hache de guerre en compagnie de l’immense Katharine Hepburn. Dix ans plus tard, en 1991, Jane Fonda divorce de Tom Hayden au profit du magnat Ted Turner, une mue étonnante sur le plan politique qui a duré le temps d’une décennie, au cours de laquelle elle renonce totalement au cinéma.

LA COMÉDIE SOURIT À JANE FONDA
Après 15 ans d’absence, qui ressemblaient à une retraite en bonne et due forme, Jane Fonda réapparaît sur les écrans en 2005 dans Sa mère ou moi !, une comédie où elle a pour belle-fille Jennifer Lopez. Un nouvel emploi perpétué par Mère-fille, mode d’emploi (2007), où elle campe cette fois la grand-mère de Lindsay Lohan. Retour en France en 2011 pour Et si on vivait tous ensemble ? de ­Stéphane ­Robelin, une comédie générationnelle dans laquelle quelques seniors imaginent une alternative à la maison de retraite : la cohabitation. Le genre a toujours réussi à Jane Fonda, auquel elle doit certains de ses succès ­personnels les plus ­éclatants : des comédies boulevardières de Neil Simon, Pieds nus dans le parc (1967) – qui lui a permis de former avec Robert ­Redford un couple glamour, recréé dans Le cavalier électrique et le drame Nos âmes la nuit – ou California Hôtel (1978), mais aussi Comment se débarrasser de son patron (1980), dénonciation de la condition féminine au travail dont elle aimerait produire un remake, ou le récent Book Club (2018).
Citée à sept reprises à l’Oscar, Jane Fonda a été couronnée pour Klute en 1972, le rôle dont elle s’avoue la plus fière (avec celui de l’héroïne de Maison de poupée de Henrik Ibsen, qu’elle a incarnée sous la direction de Joseph Losey en 1973), et pour Retour en 1979, deux films qui reflètent la persistance de son engagement politique. À son palmarès prestigieux, figurent également un David Di Donatello, une Palme d’or obtenue à titre personnel en 2007 à Cannes et le Lion d’or d’honneur qui lui a été décerné à Venise l’an dernier pour l’ensemble de sa carrière. Autant dire que le prix Lumière viendra s’ajouter, le 19 octobre, aux trophées déjà nombreux de cette octogénaire à l’affiche de la série Grace and Frankie, avec Lily Tomlin, depuis cinq saisons sur Netflix, elle qui soutient le mouvement #MeToo et n’a pas hésité à faire du porte-à-porte au printemps afin d’essayer de convaincre les soutiens de Donald Trump de réviser leur position. Mais, comme elle l’a confié dans une interview au Harvard Business Review, “les gens capables de résilience ont la capacité de transformer leurs blessures en épées et en socs de charrue”. La carrière comme l’existence de cette femme d’airain témoignent de sa capacité exceptionnelle à rebondir et à se reconstruire. Toujours avec cette franchise désarmante qui lui a permis d’exorciser les démons du passé, aussi prompte à révéler le viol qui a souillé son enfance qu’à admettre qu’elle a recouru à la chirurgie esthétique, ou à s’en vouloir de ne pas avoir dénoncé les agissements de Harvey Weinstein. Avec, à la clé, un livre de mémoires magistral : Ma vie, paru chez Plon en 2005.

FONDA-TIONS
Outre une douzaine de films interprétés par Jane Fonda (Les félins, La poursuite impitoyable, Barbarella, On achève bien les chevaux, Klute, Maison de poupée, Julia, Le retour, Le syndrome chinois, Le cavalier électrique, La maison du lac, Agnès de Dieu et Stanley & Iris), trois documentaires signés par des réalisatrices illustreront d’autres facettes de cette actrice engagée. F. T. A. (1972) de Francine Parker (dont l’acronyme signifie à la fois "free theatre associates" et "fuck the army") suit une troupe théâtrale qui présente une pièce pacifiste dans des bases militaires américaines du Pacifique en pleine guerre du Vietnam, tandis que des soldats expriment leur désir de rentrer dans leur foyer. Réalisé par la comédienne militante Delphine Seyrig, Sois belle et tais-toi (1981) illustre l’engagement féministe de Jane Fonda, l’une des 24 actrices à évoquer les contraintes du star system et la dictature de la beauté… Produit par HBO et présenté au cours de la dernière édition de Cannes Classics, Jane Fonda in Five Acts de Susan Lacy s’articule autour d’une interview fleuve de la comédienne ponctuée d’images d’archives et d’entretiens avec ses proches.
En guise de carte blanche, Jane Fonda a choisi de rendre hommage à son père, Henry. On le verra ainsi en Abraham Lincoln jeune dans Vers sa destinée (1939) de John Ford, en victime de la Grande Dépression dans le classique de John Steinbeck, Les raisins de la colère (1940), filmé par le même réalisateur, en séducteur souriant dans Un cœur pris au piège (1941) de Preston Sturges, en Faux coupable (1956) pour Alfred Hitchcock, en juré idéaliste parmi les Douze hommes en colère (1957) de Sidney Lumet, en secrétaire d’État controversé dans Tempête à Washington (1962) d’Otto Preminger, en procureur dans L’étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer, en tueur impitoyable dans le western spaghetti Il était une fois dans l’Ouest (1968) de Sergio Leone, en pater familias dans Le clan des irréductibles (1971) de Paul Newman, ou en famille dans La maison du lac (1981) de Mark Rydell.
En plus d’une master classe, prévue le 19 octobre à 15 heures au Théâtre des Célestins, Jane Fonda se livrera à un exercice public de haute voltige mémorielle, en préambule à la présentation de la copie fraîchement restaurée en 4K des Raisins de la colère, le 21 octobre à 15 heures à la halle Tony-Garnier, en clôture du 10e festival Lumière. Dans la foulée, la Cinémathèque française consacrera à son tour une rétrospective à la comédienne du 22 octobre au 5 novembre.

Jean-Philippe Guerand
© crédit photo : Andrew Eccles-August


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