Cinéma

Congrès FNCF 2021 - Richard Patry : "Il y a clairement un sujet d’investissement dans l’exploitation"

Date de publication : 21/09/2021 - 08:03

Pour accompagner l’ouverture de ce 76e Congrès de la FNCF à Deauville, entretien avec le président de la fédération afin d'aborder avec lui les sujets phares qui animeront la manifestation : le bilan de la crise sanitaire et ses conséquences, la fréquentation depuis la reprise, la relance du secteur et le financement de l’exploitation de demain.

Quel bilan tirez-vous de ces 18 mois de crise sanitaire ?
Cette crise sanitaire est en fait intervenue dans un contexte de mutations pour notre secteur, avec un modèle émergent de diffusion d’œuvres (les plateformes de streaming, Ndlr) qui commence à prendre beaucoup de place et de temps pour nos concitoyens, et change donc la donne. Et là, éclate une crise inédite qui provoque 300 jours de fermeture ! Aujourd’hui, nous reconstruisons, nous rouvrons, non sans obstacles ni coups de frein. Mais il y a des signes positifs. La période de réouverture a une nouvelle fois prouvé que la sortie cinéma faisait partie de l’ADN de nos concitoyens. Si l’on nous donne les capacités de repartir, les gens reviennent. Le modèle de la salle survivra à cette crise : il est, et restera, un pilier de la culture française.

Quel regard portez-vous plus spécifiquement sur la deuxième réouverture des salles, intervenue il y a maintenant quatre mois ?
Nous ne nous attendions pas à un été aussi dur. Mais il y a eu des moments positifs. La réouverture avec les jauges a été plutôt facile à gérer, et la Fête du cinéma a été une divine surprise, un grand catalyseur d’espoir. N’oublions pas que l’événement coïncidait avec la fin des jauges : c’était la première fois, depuis mars 2020, que l’accès à la salle n’était pas contraint en termes de capacité. Et, au-delà de la Fête, les quelques semaines qui l’ont suivi ont été très dynamiques. Globalement, le modèle fonctionnait, nous étions prêts à tourner la page. Et puis, est arrivé le pass sanitaire, dont les conditions de mise en œuvre anticipées dans notre secteur ont, avec énormément de confusion, produit un énorme coup de frein. Nous savions que nous n’allions pas y échapper, mais espérions une application dans les cinémas en même temps que les autres secteurs, mi-août, afin de nous y préparer. Cela n’a finalement pas été le cas…
 
Comment avez-vous justement vécu la mise en place du pass sanitaire ?
Lors des trois premières semaines, nous avons vécu un moment chaotique et extrêmement confus. Nous avons été pris en otage par le débat politique autour de cette mesure, et avons même fait l’objet d’une contestation radicale par une partie du public, qui n’avait aucune lisibilité sur le sujet. Nous n’étions pas opposés au pass sanitaire, mais en faveur d’une mise en application préparée et rationnelle. Seulement, nos gouvernants voulaient un choc de communication pour renforcer la vaccination – ce qui, en soi, a fonctionné. De nombreuses erreurs ont été commises de leur côté, en termes de communication comme de mise en oeuvre. Toutefois, les pouvoirs publics ont reconnu les dommages causés à notre secteur et la nécessité de les réparer, ce qui est le plus important. Objectivement, nous avons subi un grand désordre, mais une fois le pass sanitaire généralisé, les choses se sont apaisées. La fréquentation a baissé à nouveau de façon importante à la mi-août (avec la suppression de la jauge maximale à 49 spectateurs sans pass sanitaire, Ndlr), mais a tendance à remonter depuis.
 
Vous avez chiffré le manque à gagner imputable au pass sanitaire à 7 millions d’entrées et 50 M€ de chiffre d’affaires. Vous attendez-vous, en conséquence, à une enveloppe de 50 M€ ?
Les discussions sont en cours, nous verrons bien au final. Nous ne sommes pas là pour “faire du chiffre”. Ce qui est important, pour nous, c’est de trouver le moyen de compenser les pertes, qui sont réelles, aussi bien du côté des salles que des films qui ont été sacrifiés par le pass sanitaire et pour lesquels il va falloir trouver des solutions. Cette idée de solidarité à l’échelle de la filière est importante. Cet argent, d’une certaine façon, va aussi servir à la relance, nous permettre de sortir de la crise dans une situation financière satisfaisante pour continuer à faire notre métier et reconquérir le public.
 
Craignez-vous que la "dégradation de la relation spectateur" consécutive au pass sanitaire soit difficile à réparer ?
Aujourd’hui, la tension des débuts est retombée. Parce que les contraintes sanitaires rentrent dans les mœurs, que la majorité de la population est vaccinée… Il va falloir réaliser un gros travail pour retisser les liens, mais nous allons évidemment reconstruire cette relation.
 
Les collaborateurs et personnels des cinémas en contact avec le public doivent, depuis le 30 août, présenter un pass sanitaire pour continuer à y travailler. Cette obligation pose-t-elle problème ?
Objectivement, nous n’avons aucune remontée sur ce sujet de la part de nos adhérents. Il semble qu’il y ait seulement, dans la plupart des cas, 1% voire 2% des salariés plutôt réfractaires à la vaccination, mais ce sont des situations individuelles qui sont traitées chaque fois au cas par cas. Dans l’ensemble, tout se passe bien.
 
Aucune salle française n’a, à ce jour, définitivement tiré le rideau en raison de la crise sanitaire. Certaines situations sont-elles malgré tout préoccupantes ?
Le CNC va bientôt mettre en place un dispositif d’aide sélectif dédié aux cinémas particulièrement fragilisés par la crise, qui fait partie des trois volets de soutien adoptés cet été. L’idée est vraiment de soutenir les exploitations qui auraient été moins aidées – les cinémas nouvellement créés par exemple – ou rencontreraient des difficultés vraiment importantes, afin de ne laisser personne sur le bord de la route. Nous avons calibré l’aide pour pouvoir soutenir au plus une trentaine de dossiers – je ne pense pas qu’il y en aura davantage – à travers une enveloppe d’environ 1 M€, mais qui n’est pas fermée car elle dépend du nombre de dossiers retenus.
 
Êtes-vous, plus largement, satisfait de l’accompagnement des pouvoirs publics envers l’exploitation ?
Malgré les erreurs et les conflits qui ont ponctué la crise sanitaire, l’accompagnement économique de l’État est globalement satisfaisant. Le gouvernement a été aux côtés des cinémas, à chaque fois. L’attachement de la société française au modèle de la salle a également été formidable. Ceci étant dit, il y a d’autres sujets sur lesquels nous attendons toujours des réponses…
 
Figure, parmi eux, le piratage. Différentes propositions visant à renforcer la lutte contre celui-ci, telles l’amende automatique et la mise à jour dynamique des décisions du juge, ont été retoquées par l’Assemblée nationale cet été. Comment le vivez-vous ?
Nous sommes très déçus de ne pas avoir reçu le soutien des parlementaires pour un dispositif fort – et inscrit dans la loi – de lutte contre le piratage. Nous nous sommes battus jusqu’au bout, en vain, et c’est à mon sens une erreur majeure. Mais nous allons continuer à nous battre. Des élections arrivent, nous allons remettre le sujet sur la table, encore et encore. C’est laborieux, mais nécessaire.
 
Jusqu’à l’arrivée de la crise sanitaire, l’après-VPF était systématiquement l’un des dossiers centraux de votre congrès. Alors qu’un retour à la normale semble s’amorcer, où en est-on sur ce sujet ?
Il y a clairement, aujourd’hui, un sujet d’investissement dans l’exploitation. Mais il est très peu probable qu’il y ait de nouveaux VPF, c’est-à-dire des contributions des distributeurs. Ces derniers n’en veulent pas, et sont déjà fragilisés par la crise. Seulement, un problème se pose autour du financement du renouvellement de matériel. La bonne nouvelle, c’est que nous ne sommes pas dans l’urgence. Ce renouvellement a déjà commencé voilà quelques années. Mais la question va au-delà même du matériel de projection. La salle de demain sera plus proche du citoyen, donc plus verte, ou davantage tournée vers le centre-ville… Le sujet est donc finalement plus vaste : comment financer l’exploitation de demain ?

Propos recueillis par Kevin Bertrand et Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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