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28       DOSSIER                                   70 ANS















                                                         Isabelle

               © SERGE ARNAL POUR “LE FILM FRANÇAIS”  GIORDANO                                                                              © SERGE ARNAL POUR “LE FILM FRANÇAIS”




                I. G. : Pour moi, UniFrance c’était Toscan. Une association & TOUBIANA
                                                                             Serge





                Avant d’écrire les pages actuelles de l’association,
                quelle vision aviez-vous d’UniFrance ?

                très liée au nom de Daniel. Une association que j’avais
                suivie quand j’étais journaliste, avec laquelle j’étais par-  À l’occasion des 70 ans d’UniFrance, sa directrice générale
                tie dans différentes manifestations, dont Sarasota. Je n’ai
                malheureusement pas eu le temps d’aller à Acapulco ou   et son président reviennent sur l’histoire de l’association,
                dans d’autres endroits assez mythiques qui ont visible-
                ment laissé beaucoup de bons souvenirs dans la tête des   Daniel Toscan du Plantier et l’avenir.    VINCENT LE LEURCH
                exportateurs et des producteurs. L’image globale était un
                mélange de glamour et de panache. J’ai eu l’occasion d’en
                parler souvent avec Régine Hatchondo. De mon point de   I. G. : Entièrement d’accord avec Serge. J’ajoute quand même   avec un fort intérêt pour les services publics, je pense
                vue, UniFrance faisait rayonner le cinéma français avec   que les artistes sont aussi une incarnation forte. Les noms   que l’atout majeur d’UniFrance est bien cette molécule
                éclat, à l’image de ce qu’avait insufflé Toscan.  auxquels je pense en premier sont Isabelle Huppert, Agnès   qu’évoque Serge, et qui s’appuie à la fois sur le privé et le
                S. T. : Pour moi aussi, l’image d’UniFrance est liée à la per-  Varda, Olivier Assayas pour n’en citer que quelques-uns. Il   public. Cette structure doit même faire réfléchir la réforme
                sonnalité de Daniel Toscan du Plantier, dont le mandat à la   est important de dire que nous fêtons aussi 70 ans de voyages   de l’État. Nous sommes aussi le hub des vendeurs, une
                tête de l’association a duré longtemps. Je me souviens être   de cinéastes et d’artistes français. Cet anniversaire n’est   puissance économique saluée partout dans le monde, ce
                                            e
                allé lui rendre visite dans son bureau du VII  arrondissement   pas uniquement celui d’une institution mais aussi celui du   tissu de PME et de grosses sociétés est très vivant. Nous
                de Paris, Villa Bosquet. Il était chez lui et UniFrance était   cinéma hexagonal. J’aimerais que les artistes s’emparent de   avons les meilleurs vendeurs au monde.
                fait pour lui. Il avait la carrure, il avait symboliquement rang   ce moment important qui nous permet de nous rassembler,
                d’ambassadeur, il rayonnait et faisait rayonner le cinéma   mais aussi de réfléchir à la place du cinéma français dans le   Quel sera le visage d’UniFrance dans dix ans ?
                français, embarquant tout le monde avec lui. C’était une   monde, la façon dont il est montré. UniFrance est la maison des   I. G. : J’espère que nous sommes en train de dessiner
                période flamboyante d’UniFrance. Une année, je crois que   artistes. Les gens du métier doivent se dire que c’est chez eux.  l’avenir dès maintenant, avec les groupes de travail que
                c’était en 1989, il était très énervé du fait que le film de                        nous mettons en place, ou un service numérique en train
                Chabrol, Une affaire de femmes, n’avait pas été sélectionné   Avez-vous, chacun, un souvenir particulier   de grossir. La prise en compte des nouvelles formes de
                au New York Film Festival. Il m’avait emmené avec lui, me   d’UniFrance qui vous tient à cœur ?  distribution, ne rien s’interdire : UniFrance sera encore
                demandant de faire une étude sur comment était perçu   I. G. : L’un de mes premiers voyages avec UniFrance, comme   plus digitale dans dix ans. J’ose espérer que ce soit un
                le cinéma français à New York. À l’époque, je dirigeais   je le raconte dans le livre bilingue que nous publions pour   endroit d’accueil de la jeune génération pouvant converser
                Les Cahiers du cinéma. J’ai dû écrire quatre feuillets… On   l’occasion*, a été à Busan en Corée, le plus grand festival en   avec les autres. Nous avons installé un groupe de tra-
                se promenait dans New York, avec Isabelle Huppert et Marin   Asie, et la projection en plein air est un moment magique   vail, baptisé Le Lab, où de jeunes producteurs réclament
                Karmitz, mais Toscan ne décolérait pas ! C’est cette ténacité   et  légendaire.  Il  y  a  6 000  places  assises.  Et  entendre     l’expérience de producteurs plus chevronnés racontant
                dont je me souviens. Il a laissé une empreinte forte.  6 000 Coréens hurler de rire lors de la projection des Garçons   leurs secrets. Enfin, l’avenir dira où nous devrons un peu
                                                          et Guillaume à table ! de Guillaume Gallienne (de la Comédie-  plus appuyer nos actions, Chine, États-Unis, ailleurs ?
                Donc, selon vous, la meilleure incarnation   Française) a été une expérience unique. Je pense aussi à   Peut-être même aurons-nous un bureau en Afrique ?
                d’UniFrance€dans toute son histoire       Agnès Varda, qui nous a quittés récemment et qui, lors d’un   S. T. : L’évolution se fera en fonction du cinéma.  UniFrance
                a été Daniel Toscan du Plantier…          voyage à New York, a pris sous son aile et embrassé Emma-  est tellement liée à la façon dont nous faisons du cinéma
                S. T. : UniFrance a connu plusieurs présidents, en général   nuelle Bercot, Cécile de France, toute la jeune génération.   en France. La structure est suffisamment souple pour
                des producteurs. Mais lui n’était pas là en tant que simple   C’était un moment charmant et très porteur pour l’avenir.  évoluer en fonction des besoins des professionnels.
                  producteur, il était une personnalité capable d’embarquer   S. T. : Je me souviens d’un déplacement à Yokohama, pour   L’un des points actuels concerne les séries que certains
                tout le monde avec lui. Il s’est beaucoup impliqué sur de   présenter Pierrot le fou de Godard. La salle était pleine, car   nous demandent d’inclure dans nos manifestations. Des
                nombreux dossiers, comme celui du Gatt, de l’exception   Godard jouit d’un grand prestige au Japon, comme dans la   séries réalisées ou incarnées par des gens du cinéma. Il
                culturelle. Il avait cette capacité à mobiliser autour du cinéma   plupart des pays dans le monde. Une autre fois, j’étais allé à   me semble qu’il ne serait pas illogique de leur faire une
                français les acteurs et les réalisateurs, et bien sûr les poli-  New York pour un débat organisé par UniFrance, invité par   place aux côtés des films. Le débat est ouvert. UniFrance
                tiques. Il parlait à Mitterrand, à Chirac… Il était l’interlocuteur   Isabelle, sur la cinéphilie. J’ai mis du temps à comprendre   a acquis des savoir-faire, une expertise qui peuvent béné-
                à un niveau que personne n’avait avant et, à mon avis, que   à quel point l’exportation était essentielle à l’économie du   ficier à la création.
                personne n’aura après.                    cinéma français, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de   * “Le cinéma français voyage” (éd. Le Cherche Midi).
                                                          nos frontières. Pour moi, UniFrance a longtemps eu une
                                                          image corporatiste, alors que c’est bien plus que ça.
                                                          Quel est le secret de la longévité de l’association ?
                                                          S. T. : La structure même d’UniFrance est très solide. C’est
                                                          à la fois une association professionnelle avec des collèges
                                                          (producteurs, talents et exportateurs) et une tutelle (le CNC)
                                                          qui finance en grande partie. C’est une molécule extrême-
                                                          ment composite dont l’ADN est très solide. UniFrance est
                                                          intrinsèquement lié à la nature même du cinéma français.
                                                          C’est son bras armé pour l’exportation.
                                                          I. G. : Venant de France Inter où j’ai animé pendant cinq
                                                          ans une émission qui s’appelait Service public, donc
                17 mai 2019
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