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                Séance spéciale
                QUE SEA LEY



                LEUR CORPS EST À ELLES
                Fils du réalisateur argentin Fernando E. Solanas – lui-même habitué de Cannes,
                où il a présenté plusieurs films en compétition, parmi lesquels Le Sud (prix de
                la mise en scène en 1988) et Le voyage (grand prix de la CST en 1992) –, Juan
                Solanas a reçu le prix du jury 2003 pour son court métrage L’homme sans tête,
                puis a montré son premier long, Nordeste, en 2005 à Un certain regard, suivi
                d’Upside Down (2012). Au moment où son père présente Le grain et l’ivraie, le
                documentaire à charge qu’il a consacré aux ravages de l’agriculture transgénique,
                c’est lui aussi cette forme qu’il adopte pour rendre compte dans Que sea ley de
                l’impact réel de la légalisation de l’avortement sur la société argentine votée le
                14 juin 2018. Huit mois durant, le cinéaste a parcouru 4 000 kilomètres à travers
                le pays pour sonder les femmes sur cette révolution des mœurs qui marque
                l’aboutissement d’un long combat.                  J.-P. G.                                                                 © DR

                                                                                          Séance de minuit
                                                                                          LUX ÆTERNA


                                                                                          HISTOIRES DE SORCIÈRES
                                                                                          C’est la troisième fois que Gaspar Noé, primé à la Semaine de la critique
                                                                                          pour Carne en 1991 et Seul contre tous en 1998, a les honneurs d’une
                                                                                          séance de minuit, après le tollé provoqué par Irréversible en 2002, et la
                                                                                          projection en 3D de Love en 2015. Un an après avoir présenté Climax
                                                                                          à la Quinzaine, le réalisateur d’Enter the Void (en compétition en 2009)
                                                                                          revient avec Lux Æterna, un moyen métrage décrit par Thierry Frémaux
                                                                                          comme “un essai sur le cinéma, sur la cinéphilie et sur l’hystérie des
                                                                                          plateaux” à travers la rencontre sur un tournage de Béatrice Dalle et
                                                                                          Charlotte Gainsbourg qui “se racontent des histoires de sorcières”. Une
                                                                                          mise en abyme qui réunit la comédienne déjà vue en séance de minuit
                                                                                          dans The Blackout d’Abel Ferrara en 1997 et Trouble Every Day de Claire
                                                                                          Denis en 2001, et celle qui décrocha le prix d’interprétation féminine pour
               © DR                                                                       Antichrist de Lars von Trier en 2009.        J.-P. G.







               Hors compétition
               LES PLUS BELLES ANNÉES D’UNE VIE



                L’AMOUR… TOUJOURS !
                Palme d’or à 28 ans pour Un homme et une femme (1966), Claude Lelouch a montré
                plusieurs de ses films à Cannes dont sa suite, Un homme et une femme, 20 ans
                déjà en 1986, et aujourd’hui Les plus belles années d’une vie, “cet épilogue qui
                n’est surtout pas une fin”. Très attaché aux symboles, le réalisateur y retrouve
                Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant, ce film constituant l’ultime composition
                de Francis Lai, disparu en novembre dernier et relayé par Calogero. “J’ai toujours
                essayé d’être un homme de mon temps, ajoute Claude Lelouch. Nous avons tourné
                avec des caméras numériques principalement (des Sony F55), et même avec des
                smartphones (iPhone Xs Max) pour les séquences les plus intimes. Ces nouvelles
                caméras, j’en ai rêvé toute ma vie ! Je suis passé par tous les formats : le 8 mm,
                le 16 mm, le 35 mm, le super 35 et même le 70 mm. J’ai passé ma vie derrière
                des caméras souvent lourdes, encombrantes. De la Caméflex (pour Un homme
                et une femme notamment) en passant par l’Arriflex (à partir de La bonne année),
                qui était déjà une révolution à l’époque ! Pour filmer la chair de poule au plus
                près – ce qui reste pour moi l’aristocratie de ce métier –, il est essentiel de libérer
                les acteurs. Aujourd’hui, ces caméras numériques et le smartphone permettent
                cette quête de vérité !” Reste que le plus difficile a été d’obtenir “l’accord de Jean-
                Louis Trintignant et d’Anouk Aimée. Ils avaient très peur, 52 ans après, de ne
                pas être à la hauteur. Le film, tourné dans l’ordre chronologique, s’est nourri de
                cette réalité, du trac de se retrouver. Cette énergie que retrouve Jean-Louis en
                jouant au contact d’Anouk est née au fur et à mesure du tournage. C’est comme
                le reportage d’une rencontre. J’essaie de ne pas être un metteur en scène… mais
                un metteur en vie ! Filmer la spontanéité est une obsession chez moi, à mi-che-
                min entre le mensonge et la vérité. Donc j’essaie d’être le coach idéal pour mes
                acteurs, en leur permettant d’aller au bout de leur vérité, de leurs cicatrices et de
                leur joie.” De Cannes, il déclare : “Comme je suis très joueur, j’ai bien l’intention
                de fréquenter ce ‘casino’ jusqu’à ma dernière image” et “comme je vois la ligne                                             © METROPOLITAN FILMEXPORT
                d’arrivée se rapprocher doucement, j’ai envie de faire plaisir à ma boulimie de
                cinéma… et me shooter de plus en plus !”
                                                    Propos recueillis par J.-P. G.
                                                                                                                                    18 mai 2019
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