Cinéma

Congrès FNCF 2016 - Après-VPF, art et essai et piratage agitent le Forum de discussion

Date de publication : 28/09/2016 - 08:29

S’inscrivant dans la prolongation des réunions de branches tenues le matin même, le traditionnel Forum du Congrès des exploitants fut l’occasion pour les adhérents de la FNCF de se pencher sur les sujets forts d’une année copieuse pour le secteur.

Plongés dans une ambiance à la fois studieuse et quelque peu tendue pour ce 2jour de Congrès, les exploitants ont une nouvelle fois investi le grand auditorium du Centre international de Deauville (CID) pour leur traditionnel moment d’échange avec les exécutifs de leur fédération. Comme à l’accoutumée, ce fut au président de cette dernière, Richard Patry, d’ouvrir le rendez-vous par un remerciement soutenu aux partenaires, suivi par un moment d’hommage, minute de silence comprise, aux regrettés disparus cette année.

La grande exploitation “unanime” sur la chronologie des médias

Le dirigeant a par la suite laissé l’auditoire à Laurence Meunier, rapporteure de la branche grande exploitation, qui a listé quatre problématiques prioritaires pour ses membres. À commencer par le récurrent et épineux sujet de la chronologie des médias, quelques jours après une déclaration du groupe Canal+ demandant un raccourcissement de la fenêtre de diffusion en pay-TV à six mois. Une demande jugée “inacceptable”, selon la rapporteure, qui décrit “une position unanime au sein de la branche” sur le sujet. Cette dernière “refuse catégoriquement” que cette fenêtre d’exclusivité évolue, ce qui impliquerait indirectement de “bouger les autres”. Et Laurence Meunier de rappeler le refus de la branche de voir une nouvelle fois “écornée” la fenêtre cinéma.

Le récent accord sur les engagements de programmation et de diffusion s'est également invité dans les débats au sein de la branche. Ses membres restent ainsi “perplexes quant à la démarche des Assises du cinéma, qui a évité d’aborder un problème central”, à savoir le “trop grand nombre de sorties”. “Est-ce raisonnable de voir 700 films sortir chaque année ?” a interrogé la rapporteure.

Sur le sujet lui aussi récurrent du piratage, la branche a tenu à formuler son “inquiétude” quant au manque d’initiatives concrètes pour contrer le phénomène dans l’Hexagone, dont les représentants publics pourraient “s’inspirer des mesures prises à l’étranger”, citant notamment le modèle allemand.

Enfin, la grande exploitation s’est exprimée sur l’“enjeu majeur” des VPF et la question que pose l’avenir après la fin du système de contributions. Ce dernier “ne couvrant que les investissements matériels, l’exploitation supporte seule les charges supplémentaires” entraînées par la transition numérique, a relevé Laurence Meunier. Parmi les pistes envisagée, la branche penche ouvertement pour la mise en place “d’un mécanisme unique pour toutes les salles françaises”, afin de remplacer le dispositif actuel, dans le but d'éviter la “double peine” que représenteraient, selon les membres de la grande explotiation, ces nouvelles charges d’exploitation couplées au coût du renouvellement du matériel. La branche a également appuyé la nécessité de développer un “outil de régulation pour éviter l’anarchie de la programmation” dans un marché où l’offre s’envole d’année en année.

La moyenne exploitation dégage une solution à l’après-VPF

Prenant le relais pour la moyenne exploitation, Marie-Laure Couderc s’est, elle aussi, longuement étendue sur l’après-VPF. La rapporteure a notamment mis l’accent sur le fait que “la numérisation de nos établissements a induit des surcoûts, notamment de maintenance”. D’où, selon la branche, un “effet pervers” de la numérisation : la perte de maîtrise de son matériel technique, “le changement de pièce maintenant systématique nous [astreignant] à faire intervenir obligatoirement nos prestataires”.

Partant du constat que “ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura plus de VPF”, la moyenne exploitation a dégagé trois problématiques : comment réguler les sorties ? ; comment supporter les coûts induits ? et comment financer le renouvellement pérenne du matériel qui a déjà commencé ? S’inscrivant dans la continuité des propos tenus dans nos colonnes par son président, la branche a incité les parlementaires à s’emparer de cette question, dégageant au passage une solution possible.

Elle propose ainsi que les distributeurs “abondent à hauteur de 250 € par sortie nationale un fonds de péréquation géré par le CNC”. Celui-ci générerait, selon elle, 20 M€ – “soit la moitié du coût des VPF actuels –, répartis entre toutes les salles de cinéma françaises”. La branche estime que la participation de ce fonds “à la pérennité de notre installation numérique” serait de 4 000 € par an et par salle, soit “ce que nous estimons nécessaire pour l’entretien et le renouvellement de nos matériels”. Un moyen également, selon elle, “d’éviter une liberté totale des sorties et une rationalisation des plans de sortie”.

Se faisant l’écho de discussions – tendues – survenues lors des commissions de branche le matin-même, Marie-Laure Couderc a exprimé les craintes de la moyenne exploitation concernant le rapport Raude et la réforme de l’art et essai à venir. En l'occurence, qu’une frange importante de la branche soit exclue du classement art et essai si certaines propositions étaient retenues.

À l’image de la grande exploitation, le piratage fut également abordé dans le rapport de la moyenne exploitation, selon laquelle “il n’a jamais été aussi simple de pirater”. Et cette dernière de demander également “la mise en place d’un système coercitif d’amendes comme c’est le cas en Allemagne”.

L’épineuse question des séances de plein-air a également fait l’objet d’une vive intervention de la branche, la rapporteure insistant sur l’urgence de faire “qu’une loi régule ces dérives de plus en plus présentes et pour certaines même installées dans la durée”.

Marie-Laure Couderc de conclure donc en demandant, non sans humour, que le seuil des CDAC soit redescendu à un fauteuil, afin d’être “mieux protégée à travers le mécanisme des autorisations administratives”.

La petite exploitation à l’heure du bilan

Une année après son intervention remarquée au 70Congrès, la branche de la petite exploitation s’est tout d’abord livrée, par la voix de son rapporteur Laurent Coët, à un bref bilan du suivi des sept points de revendication qu’elle avait alors listés.

À propos de “l’incompatibilité du plein programme” par rapport à la réalité du travail de ses adhérents, la branche a salué la récente recommandation de la médiatrice du cinéma sur les monoécrans. “Nous ne pouvons que nous réjouir du travail d’écoute et de concertation entrepris par Laurence Franceschinni. La publication de la recommandation sur l’exposition des films dans les cinémas monoécran est une avancée saluée par tous”, a déclaré le rapporteur, qui a toutefois affirmé une “volonté que cette recommandation soit élargie à tous les établissements réalisant moins de 80 000 entrées par an”.

Regrettant peu après de ne voir “aucune mesure concrète” entreprise par rapport à sa demande de taux de location réduit en 5semaine, le rapporteur s’est par contre félicité “de l'instauration d'engagements pour les distributeurs afin de restaurer enfin la diffusion des films art et essai porteurs dans les agglomérations de moins de 50 000 habitants", avec la volonté de voir ce sujet “prolongé par une réflexion collective sur la programmation des établissement de la petite exploitation”.

Concernant la revendication d’une “saisine adaptée de la médiatrice du cinéma”, la branche a déclaré “nécessaire l’aide d’associations ou de regroupements juridiques” dans toutes les démarches judiciaires et de médiation de ses membres.

Relevant ensuite un manque d’uniformité dans les pratiques des distributeurs quant à la communication des DCP, ainsi que les “coûts trop élevés” de la transmission dématérialisée à son échelle, la petite exploitation a réitéré sa demande de “concertation professionnelle pour uniformiser l’accès aux DCP”.

Enfin, après avoir salué “l’initiative les distributeurs” par rapport à ses demandes de matériel publicitaire adapté, la branche a appelé de ses vœux des actes concrets de la part du CNC sur plusieurs sujets clés, dont l’éducation à l’image : “Nous souhaitons que la commission d’éducation à l’image de la fédération soit une vraie force de proposition écoutée par les pouvoirs publics.”

Le rapporteur s’est par la suite arrêté sur plusieurs “inquiétudes et chantiers importants qui suscitent un intérêt primordial dans la branche”. À commencer par l’après-VPF, auquel elle propose de remédier par la création d’un “nouveau fonds de soutien dédié à la maintenance et aux investissements numériques, [un] IPN (investissement permanent numérique), qui pourrait permettre aux salles, quelle que soit leur taille, de pouvoir faire face”.

Les exigences de Canal+ sur la chronologie des médias n’ont pas été oubliées car “cette modification risquerait de bouleverser et donc de fragiliser toute la filière cinématographique” – ; la lutte contre le piratage – “à quand des décisions courageuses de nos politiques ?” – ; les projections en plein-air – “face à la multiplication des projections amateurs […], il est essentiel que les Drac aient un pouvoir décisionnel” – ; et la future réforme sur l’art et essai – “les subventions doivent rester incitatives pour toutes nos formes d’établissements”.

Une étude du CNC sur les coûts de maintenance du numérique

Réagissant aux prises de parole de la salle, Xavier Lardoux, directeur du cinéma du CNC, a dégagé trois “sujets importants” : les Assises du cinéma, l’après-VPF et la réforme de l’art et essai. Concernant le deuxième point, le Centre a bon espoir d’avoir “une photo de l’amortissement du parc” d’ici fin 2016, permise par l’adoption en janvier d’une recommandation relative à la transparence du paiement des VPF émise par le Comité de concertation pour la diffusion numérique en salle.

Et Xavier Lardoux d’annoncer que le CNC va mener en fin d’année une étude sur les coûts de maintenance afférents au numérique pour mieux comprendre et anticiper ces coûts et le renouvellement du matériel. 

Dans la salle, les réactions ne se sont pas fait attendre. Comme du côté de Sylvain Clochard, exploitant à Nantes, qui s’est notamment interrogé sur la nécessité de lier deux problématiques –une contribution aux charges d’exploitation et une régulation du marché –, dans la même négociation dans le cadre des discussions interprofessionnelles. “Le lien entre les deux n’est pas nécessaire, nous pouvons régler les deux différemment”, a déclaré l’exploitant. “Un mécanisme de rééquilibrage sera nécessaire. Nous pouvons imaginer faire d’une pierre deux coups, sous la forme d’un droit d’entrée à la salle, qui solutionne les deux problématiques”, a réagi pour sa part Yves Sutter, président de la grande exploitation.

Xavier Lardoux s'est de nouveau exprimé sur le rapport Raude et la proche réforme de l’art et essai, rappelant notamment l’annonce faite par Frédérique Bredin en mai, aux rencontres cannoises de l’Afcae, à savoir l’augmentation de 500 000 € de l’enveloppe art et essai. “Mais je me bats pour que cela soit beaucoup plus”, a-t-il assuré. Le directeur du cinéma du Centre a d’ailleurs précisé que la concertation n’était “pas terminée”, certifiant, en réaction au rapport de la moyenne exploitation, que “l’idée n’est pas d’exclure [des salles] mais de tirer tout le monde vers le haut, de renforcer l’art et essai tout en le simplifiant et en le modernisant".

De nombreux exploitants se sont, pour leur part, exprimés sur le sujet des séances improvisées, en plein-air ou dans des salles de fêtes ou communales, organisées par certains services et associations en accord avec les municipalités locales. Mais aussi régulièrement dans un cadre scolaire, privant les salles environnantes d’un public jeune jusqu’ici acquis et sur lequel nombre d’entre elles comptent. En la matière, que ce soit du côté des exploitants ou de leurs “concurrents”, une certaine méconnaissance de la législation en vigueur transparaît des débats. “L’éducation à l’image doit être faite dans nos lieux… et non sur une banquette de fortune dans une salle des fêtes”, a tenu à appuyer Richard Patry.

Convention collective : quatre nouveaux postes en cours de définition

Prenant la parole au nom de la commission des questions sociales, dont elle est responsable, Odile Tarizzo est revenue sur quatre dossiers en cours. Les discussions autour des nouveaux métiers de la convention collective, toujours en cours, ont en effet esquissé la définition de quatre nouveaux postes liés à l’arrivée du numérique ainsi que de leur périmètre. De son côté, la négociation annuelle obligatoire est toujours en cours, avec quelques éléments arrêtés, dont une inflation à 0,5%, et d’autres anticipés, dont les coûts futurs de la cotisation pour la pénibilité. Odile Tarizzo s’est également arrêtée sur l’avenant de contrat de complément d’heures, devenu pérenne fin juin et la disparition des conventions collectives liées aux services administratifs des théâtres cinématographiques, dans un contexte de réduction globale des branches professionnelles voulue par le gouvernement.

En fin de rencontre, Vincent David d’Audiens est venu évoquer le service Cinélio Santé. Angelo Cosimano et Éric Chérioux de la CST sont intervenus pour faire un point sur le nouveau label Excellence des salles de cinéma ainsi que sur la transition à venir entre le DCP InterOp et le nouveau DCP SMPTE. L’architecte Frédéric Namur s’est présenté pour détailler l’action des Écrans de la paix, un projet associatif de cinéma itinérant pour la diffusion de films dans les camps de réfugiés du nord de l’Irak. Julie Gayet lui a ensuite emboîté le pas pour dévoiler la nouvelle Fête du court métrage.

Kevin Bertrand et Sylvain Devarieux
© crédit photo : S.De.


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