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Cinéma

Congrès FNCF 2017 – Cédric Aubry : "La moyenne exploitation ne se sent pas assez épaulée dans son quotidien"

Date de publication : 26/09/2017 - 08:31

De la réforme art et essai à l’après-VPF en passant par la chronologie des médias, le président de la branche moyenne exploitation de la FNCF fait le point sur les multiples dossiers qui ont ponctué l’année écoulée, non sans alerter sur les difficultés que rencontre aujourd’hui la branche.

Fin août, la fréquentation affichait un léger recul de 0,8% sur les huit premiers mois de 2017. La moyenne exploitation s’inscrit-elle dans cette tendance ?
Effectivement, nous subissons également un tassement de la fréquentation. L’été n’est pas du tout à la hauteur des espérances suscitées par la proposition de films. Il semble apparaître un désintérêt progressif d’une partie du public pour certaines franchises américaines. Par ailleurs, le secteur art et essai est particulièrement touché, ce qui fragilise fortement la trésorerie de nos exploitations.

L’art et essai a justement été l’un des sujets phares de l’année pour la moyenne exploitation, la réforme du classement des salles instaurant notamment des seuils-planchers pour les cinémas des catégories C (20%), D et E (15%), parmi lesquels figurent bon nombre d’établissements généralistes classés de la branche. Comment accueillez-vous cette mesure et, plus largement, la réforme dans son ensemble ?
Même si la moyenne exploitation a affiché une solidarité sur les grandes lignes de la réforme, il apparaît clairement que celle-ci va impacter financièrement une grande partie de ces salles classées. En effet, ces seuils vont être compliqués à atteindre pour certaines exploitations ou à maintenir pour d’autres. Il est évident que les entrées art et essai des salles généralistes ne sont pas extensibles, en raison de bassins de population insuffisants. De fait, cette réforme va impacter la marge des salles, qui vont devoir mécaniquement augmenter leur nombre de séances et de films art et essai sans pour autant augmenter leurs recettes. Le CNC n’a pas assez mesuré l’impact économique de cette réforme sur nos exploitations ! Le deuxième point inquiétant, mais il y en a d’autres, est le passage progressif de toutes les communes en regroupement d’agglomération. Cela va progressivement faire changer les indices de référence de nos exploitations et exclure nombre de salles dans les années à venir. C’est inacceptable !

Autre dossier brûlant, celui de l’après-VPF, sur lequel l'IGF et l'IGAC ont rendu leur rapport durant l’été. Comment accueillez-vous leurs préconisations, parmi lesquelles figure le non remplacement des VPF ?
Bien que l’on puisse à peu près partager l’analyse faite par ce rapport, il apparaît cependant que les conclusions qui sont préconisées ne sont absolument pas en adéquation avec l’analyse. La donne est pourtant simple : l’arrêt des VPF correspond à une économie de 40 M€ pour la distribution quand le surcoût avéré pour l’exploitation est de 40 M€. C’est un transfert de charge manifeste ! Pour ce qui est de la moyenne exploitation, chaque semaine qui passe, des salles sont amorties et se retrouvent sans VPF. Pour elles, cette situation ne peut perdurer. Je rappelle que les acteurs de la moyenne exploitation sont pour beaucoup très lourdement endettés, afin de moderniser leurs salles et permettre à la fréquentation d’être à des niveaux inégalés en Europe ! Elle représente par définition la majeure partie des exploitants indépendants. Nous sommes ainsi isolés dans nos démarches de financement, et par définition sans aucune aide de fonctionnement des collectivités. Il est évident que nous devons progressivement nous rééquiper. Des pannes de plus en plus régulières remontent de la part des salles de la moyenne exploitation, il est faux de laisser penser qu’il n’y a pas dès aujourd’hui de problème de rééquipement ! Or, il apparaît très compliqué pour nous de trouver auprès de nos partenaires bancaires les crédits de financement de ce rééquipement sans pouvoir adosser un système équivalent aux VPF. Ne pas s’emparer de ce dossier revient donc à fragiliser lourdement la moyenne exploitation ! Le CNC doit en prendre conscience.

La chronologie des médias a elle aussi agité l’été, via le rapport concocté sur ce sujet par le Sénat. Quel regard portez-vous sur ses préconisations ?
Lors des auditions au Sénat, il est apparu que l’ensemble de la filière cinéma souhaitait conserver, comme c’est le cas dans la plupart des pays, une fenêtre d’exclusivité de la salle à quatre mois. Je rappelle tout d’abord à cette commission que l’exploitation est le premier financeur de la filière et que, à ce titre, il n’apparaît pas opportun de raccourcir son exclusivité, mais bien au contraire de la renforcer. De plus, le législateur doit comprendre qu’il s’agit également d’une défense d’un mode de société. En effet, l’enjeu sociétal ne me semble pas assez mis en avant. Renforcer la salle de cinéma, c’est faire le choix d’une société du partage. Du partage de l’émotion collective, c’est un fait, mais également de la sortie : en famille, entre amis, entre amoureux… Entre alors toute la dimension sociale et économique de la salle pour chaque canton, du petit resto qui l’accompagne, du bar en fin de séance… Arbitrer en faveur des salles de cinéma équivaut à conserver une dynamique de territoire ! La salle de cinéma reste le partenaire le plus solide pour la filière. Sa fenêtre d’exclusivité doit impérativement être sacralisée.

Un sujet semble revenir de plus en plus régulièrement au sein de la moyenne exploitation : la multiplication des séances non commerciales – souvent en plein air –, perçues comme une concurrence déloyale. Est-ce vraiment une tendance de fond et, si oui, en quoi est-elle préoccupante ?
Nous devons tous être unis, et surtout vigilants, afin d’éviter une uberisation de notre profession. Seules les salles de cinéma garantissent une remontée de recettes cohérente. Je ne parle même pas des conditions de sécurité d’accueil du public, auxquelles nous nous conformons contrairement à nombre de ces projections ! La moyenne exploitation est bien souvent très endettée. Dans nos villes, nous pouvons être rapidement confrontés à une multitude d’initiatives qui, cumulées, peuvent représenter un manque à gagner important pour nos établissements ! Nos équilibres financiers sont fragiles. Il convient d'en prendre conscience et de nous protéger.

Lors de l’assemblée générale du syndicat Cinéo en juin, sa présidente Marie-Christine Désandré s’est inquiétée de la tentation, pour de nombreux exploitants indépendants, de revendre en fin de carrière leurs salles à des circuits, qui leur proposent souvent des prix très attractifs. Elle rejoint en cela Marie-Laure Couderc, qui déclarait dans nos colonnes, en septembre 2015 : "À mon sens, la moyenne exploitation se fera à terme racheter par la grande." Est-ce une source d’inquiétude importante pour la branche ?
La moyenne exploitation ne se sent pas assez épaulée dans son quotidien. Les mesures telles que l’abaissement aux complexes de six et sept salles des engagements de programmation, la réforme art et essai, la stagnation de la concertation sur l’après-VPF, voire les perspectives sur la chronologie des médias, inquiètent fortement les chefs d’entreprise qui composent notre branche ! Si, effectivement, des mesures accompagnant nos spécificités ne sont pas amorcées rapidement, il est évident que nombre d’exploitants indépendants vont progressivement céder leurs salles à des circuits. Aujourd’hui, je le répète, la moyenne exploitation est un acteur économique et sociétal significatif. Le CNC doit donc s’interroger sur le soutien qu’il lui apporte.

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR


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