Cinéma

Semaine 2019 - Amin Sidi-Boumédiène : "Comment surpasser un contexte violent quand on est fragile"

Date de publication : 20/05/2019 - 12:19

Le réalisateur présente son premier long métrage, Abou Leila, à la Semaine de la critique, confirmant l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes algériens.

Tout d'abord, question basique, comment vous est venue cette idée de film ?
Ma génération a besoin d'évoquer la période du terrorisme en Algérie dans les années 1990. Mais je voulais m’éloigner de la simple chronique sociale et politique pour mieux parler des fondements de la violence et avoir un point de vue à la fois plus humain et plus artistique. Cela me permet surtout d'aborder le vrai sujet qui m’intéresse, à savoir comment réussir à surpasser un contexte violent quand on est fragile émotionnellement.
 
Comment avez-vous développé le scénario ?
J’ai d’abord écrit un court en 2009 qui était centré sur la fin du film. Puis une première version du long avec l'introduction du personnage de Lotfi et de tout le road trip de la première partie en 2013. Après avoir tourné mes courts métrages, j’ai repris le scénario en 2015 et l’ai mieux développé jusqu’en 2017. Le gros du travail a été de réduire la matière que j’avais, à savoir plus de 200 pages et de trouver un équilibre entre la première et la deuxième partie.
 
Vous aviez déjà travaillé avec Yacine Bouaziz de Thala Films… Comment s’est faite la rencontre avec InVivo ?
Nous avons rencontré Louise Bellicaud et Claire Charles-Gervais d’In Vivo Films à la Cinéfondation à Cannes en 2016.
 
Sur quelle base avez-vous choisi vos comédiens ?
Le casting du film a été très compliquée car le personnage joué par Slimane Benouari était difficile à cerner et presque "irréel". J’ai tout de suite su que je ne pourrais pas prendre des non-professionnels comme je le voulais au départ car il fallait une grande endurance et une parfaite compréhension des enjeux (complexes) du film.
Slimane Benouari joue au théâtre depuis des années mais n’a jamais eu la chance d’avoir un rôle important au cinéma. Je l’ai rencontré lors du casting et sa présence à l’écran m’a tout de suite subjugué. De plus, il a une réelle capacité à exprimer des choses sans prononcer le moindre mot et n’a pas peur d’exprimer des sentiments forts. Il est à la fois capable de se montrer fragile et d’exprimer une grande violence.
Quant à Lyes Salem, il est plus connu que Slimane et c’est également un réalisateur reconnu, quoique son style est différent du mien. C’est précisément cette envie de se frotter à un nouvel univers qui l’a motivé à jouer le personnage de Lotfi. Il fallait un acteur de sa trempe pour incarner ce personnage complexe et il l’a fait avec beaucoup de cœur et d’implication. Je suis vraiment très fier de ces deux acteurs différents mais complémentaires. Et notre collaboration fait partie de mes plus beaux souvenirs de tournage.
Quant aux autres acteurs, à part l’excellente Meryem Medjkane que je connaissais déjà, je les ai découvert en casting avec une envie de donner leur chance à beaucoup d’acteurs venant du théâtre et de l’intérieur du pays. J’avais envie, comme pour chacun de mes courts métrages, de varier les "tronches" et de ne pas tomber dans la facilité. Là encore, je pense avoir été gâté car ils se sont tous énormément impliqués dans le projet même quand ils n’avaient qu’une seule scène à jouer !
 
Des difficultés particulières lors du tournage ?
Je ne m’étendrai pas sur les difficultés rencontrées car forcément, avec un budget moitié moindre que celui prévu à la base, on a dû énormément s’adapter et travailler deux fois plus pour que cela ne se voit pas à l’écran. Il y a eu, comme sur tous les tournages, autant de joies que de souffrances, mais globalement je trouve que l’équipe s’en est très bien sortie et ce grâce à une réelle croyance en ce projet.
Nous avons tourné dans trois régions du désert algérien : Béni Abbas dans la partie nord du Sahara (à environ 1 000 km d’Alger), puis dans la région de Timimoun dans le centre, et enfin à Djanet, dans l’extrême sud (à 2 000 km d’Alger et proche de la frontière libyenne). Le but était de varier les paysages pour donner une impression de long périple sans avoir besoin de multiplier les lieux de tournage. Pour cause de budget, nous avons dû resserrer pas mal de décors et les repérages ont été très longs afin de réussir à harmoniser les besoins de la mise en scène et la réalité du terrain et de la production.
    
Le film a beaucoup changé depuis les premières versions du scénario ?
Il est assez proche du scénario. J’ai seulement retravaillé tous les dialogues avec les acteurs concernés. Le plan de travail ultraserré nous a ensuite obligé à respecter le texte au maximum pour ne pas perdre de temps. La mise en scène était pensée avec précision, mais il m’arrivait souvent de trouver l’inspiration définitive le matin même sur le plateau. Le processus fut forcément long car, avec peu de moyens, il faut redoubler d’efforts et d’astuces. Mais, à l’arrivée, beaucoup de scènes sont exactement comme je les imaginais.
    
Qu'attendez-vous de cette sélection cannoise ?
Rien de plus que de pouvoir montrer Abou Leila au plus grand nombre et surtout donner sa chance à un film inclassable, très difficile à "vendre".

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo :


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