Cinéma

Congrès FNCF 2019 - Richard Patry : "Nous comprenons que le modèle français doit s’adapter, mais dans le dialogue"

Date de publication : 24/09/2019 - 07:50

Cette 74e édition du Congrès de la Fédération nationale des cinémas français étant désormais lancée, retour avec son président sur quelques-uns des sujets clés pour le secteur, et notamment ses espoirs quant à la nouvelle présidence du CNC.

L’actualité la plus brûlante, c’est la nomination estivale très discutée de Dominique Boutonnat à la présidence du CNC, en remplacement de Frédérique Bredin. Que pensez-vous de cette arrivée ?
Nous ne faisons pas de procès d’intention. Aussi, nous accueillons sans a priori le nouveau président du CNC, mais également son directeur général délégué, Olivier Henrard, arrivé en début d’année. Une nouvelle équipe, formée d’interlocuteurs qui connaissent nos problématiques, est en place. Nous allons échanger et plaçons beaucoup d’espoir en eux.

Quel bilan tirez-vous des six années de présidence de Frédérique Bredin  ?
Le bilan global est plutôt positif, avec des mesures emblématiques telles que l’obtention d’un taux réduit de TVA ou la réforme art et essai. Malheureusement, son second mandat a été moins satisfaisant, laissant l’impression d’une déconnexion et d’une rigidité du Centre.

Les rapports entre l’exploitation et le CNC semblent en effet très tendus depuis quelques années…
Nous ne voulons pas tirer à boulets rouges sur le CNC. L’exploitation française ne se porte bien que si le Centre est à ses côtés. Nous souhaitons donc recréer du lien. Le CNC doit être la maison commune de tous les professionnels, sa vocation n’est pas d’être une administration déconnectée des acteurs du secteur. Le modèle français est vertueux, et nous comprenons qu’il doive s’adapter avec le temps. Mais dans le dialogue.

Les tensions se sont notamment cristallisées autour de l’aide sélective à la petite et moyenne exploitation, dont le Centre n’a pas souhaité, contrairement aux années précédentes, relever le montant de l’enveloppe au-dessus de 7 M€ en 2018. Quelle est votre position sur ce dossier  ?
Nous demandons une concertation sur ce sujet, en particulier sur les objectifs de la mission confiée par le Centre à Patrick Raude (président de la commission d’aide sélective, Ndlr). La lettre de mission du CNC fixait une priorité sur les établissements de deux à trois écrans situés en “cœur de ville”. Or cet objectif prioritaire, cumulé à la contrainte financière d’une enveloppe qui n’évolue pas, ferme la porte à trop de cinémas.

L’après-VPF a également été un sujet de tensions avec le Centre, qui a acté le retrait des distributeurs des négociations en 2017. L’Observatoire numérique de la petite et moyenne exploitation, créé l’année suivante pour réfléchir aux suites des contributions numériques, a élaboré un modèle économique visant à en prendre le relais, soumis ce printemps au CNC. Pouvez-vous nous en détailler les contours  ?
Ce modèle propose une aide au financement de la maintenance et du rééquipement des salles, basée sur le refléchage de plusieurs fonds. Plus précisément, nous savons qu’il y a des sommes non-utilisées sur le compte de soutien. Nous n’en connaissons pas le montant, mais nous savons que, tous les dix ans, il reste de l’argent. De même, plusieurs autres budgets pourraient être redirigés, comme l’activité de l’ADRC autour des VPF, qui n’a plus lieu d’être, ou encore les cotisations professionnelles, qui ont peut-être moins de sens aujourd’hui. La somme réunie par l’ensemble de ces fonds peut participer au financement d’une maintenance ou d’un rééquipement, que chaque exploitant devra compléter car elle n’a pas vocation à en couvrir l’intégralité.
L’idée est la suivante  : chacun pourrait retirer, en une ou plusieurs fois au besoin sur une période de dix ans, une somme fixée à l’avance. Globalement, nous estimons que ce fonds pourrait être doté de 8 M€ par an sur dix ans. Toutes les salles en bénéficieraient puisque toutes y participeraient, en fonction de la taille de chaque exploitation bien entendu. À ce stade, le CNC a le projet en main, nous attendons donc ses retours.

La réforme art et essai est désormais pleinement opérationnelle. En êtes-vous satisfait  ?
Nous souhaiterions profiter de cette première année sans classement (désormais établi sur deux ans, Ndlr) pour faire un premier bilan de cette réforme. Il est notamment nécessaire de se pencher sur les nouveaux effets de seuils qu’elle induit, et voir si cela ne nécessite pas des ajustements. Nous attendons les résultats de l’appel pour évaluer le nombre de salles finalement déclassées, et demanderons ensuite d’ouvrir la discussion sur les conséquences de ces déclassements.

Franck Riester, ministre de la Culture, a récemment dévoilé les grandes lignes de la future loi audiovisuelle. Parmi elles, figurent l’ouverture de la publicité cinéma à la télévision – avec quotas – ainsi que la suppression des “jours interdits”. Comment accueillez-vous ces pistes  ?
Ces annonces nous inquiètent. Même si cette loi ne bouleverse pas a priori l’exploitation en France et régit surtout les chaînes de télévision, il existe selon nous des risques de dommages collatéraux potentiellement importants. Les exploitants sont, notamment, attachés aux jours interdits. Ils ont une valeur pour nous, mais aussi pour les chaînes qui financent le plus le cinéma.
De surcroît, nous réagissons défavorablement à la méthode. On vient nous dire que le dialogue et l’accord interprofessionnel vont être au centre de tout, mais on cède tout de suite aux demandes des chaînes, la troisième coupure publicitaire, l’ouverture du cinéma à la publicité, la publicité délinéarisée, les jours interdits… Que reste-t-il à négocier  ? Nous restons par ailleurs attachés au fait qu’il n’y ait pas de fusion des obligations ni des financements, avec une vraie distinction entre cinéma et audiovisuel, pour permettre le financement des films.

La distribution indépendante a été particulièrement impactée cette année, à l’instar de Mars Films ou Océan Films cet été. Comment l’exploitation vit-elle cette situation ?
Nous en sommes évidemment préoccupés. Nous avons besoin de partenaires distributeurs forts pour défendre les films.

Propos recueillis par Kevin Bertrand et Sylvain Devarieux
© crédit photo : FNCF


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