Cinéma

Congrès FNCF 2019 - Débat avec les pouvoirs publics : le CNC se veut rassurant

Date de publication : 26/09/2019 - 07:50

Au lendemain d'un Forum de discussion riche en inquiétudes pour les trois branches de l'exploitation, le débat avec les pouvoirs publics organisé ce mercredi 25 septembre à Deauville a été l'occasion pour le Centre, et plus particulièrement son nouveau président Dominique Boutonnat, de répondre aux différents sujets qui secouent actuellement le secteur.

Comme de coutume, Richard Patry a donc introduit l'incontournable Débat avec les pouvoirs publics du Congrès de la FNCF, organisé ce mercredi 25 septembre au matin. Le président de la FNCF a ainsi entamé son discours en évoquant les rapports du secteur avec le CNC, représenté sur scène par Xavier Lardoux, directeur du Cinéma, Olivier Henrard, directeur général délégué, et, bien évidemment, Dominique Boutonnat, nommé président cet été. "Je ne peux vous cacher que nous avons eu avec le CNC un certain nombre de sujets de frictions depuis notre dernier Congrès", a déclaré Richard Patry en s'adressant à ce dernier.

"Sujets de friction"

Avec, au premier rang d'entre eux, l'aide sélective. "Que de tensions, que d'incompréhensions dans ce dossier". Et Richard Patry de déplorer "l'imposition de décisions unilatérales sans concertation, que ce soit sur le budget ou les axes qui ont été donnés à la commission (...) Nous sommes convaincus que le CNC ne doit pas se comporter comme une administration rigide, mais que le dialogue et les échanges entre nous doivent être la base de notre relation".

Vient, ensuite, la réforme art et essai. "Nous avons indiqué à plusieurs reprises que le changement de catégorie d'unité urbaine et l'instauration de seuils d'éligibilité allaient produire un effet d'éviction injustifiable pour les salles des villes moyennes qui, pourtant, n'ont rien changé dans leur travail", a regretté Richard Patry, évoquant les cas de quelques dizaines d'établissements de villes miyennes risquant d'être déclassés. "La réforme ne doit pas générer de victimes collatérales, même peu nombreuses".

La président de la FNCF a, par ailleurs, déploré la baisse des subventions des salles art et essai "les plus pointues", imputable à une enveloppe insuffisante par rapport aux propositions des commissions. Et de demander, en conséquence, "une grande bienveillance de la commission d'appel qui se déroulera dans les prochaines semaines", mais aussi de 'profiter de l'absence de classement cette année pour faire un audit important de la situation et mettre en place les ajustements nécessaires".

Troisième sujet et dernier sujet de friction : les engagements de programmation. "Nous souhaitons que soient privilégiés les résultats, le bilan des salles. Le CNC ne rend publics que les engagements des salles, sans publier les résultats, qui sont eux bien meilleurs", a déploré Richard Patry, avant de synthétiser les enjeux de ces trois dossiers. "Sur ces trois sujets, ce qui manque le plus, c'est le dialogue, la concertation, l'échange, la recherche d'un consensus. Je suis certain que, sur le fond de ces trois dossiers, nous pourrons trouver très vite des points d'accord et de satisfaction".

Après-VPF et piratage également au programme

Le président de la FNCF a, par la suite, fait un point sur l'après-VPF, à travers le "modèle de plan de financement pour le renouvellement et l'entretien du matériel de projection numérique" élaboré par l'Observatoire numérique de la petite et moyenne exploitation, soumis au CNC au printemps dernier. Avec, là encore, un message à destination du Centre. "Le travail de la commission est aujourd'hui fini, au CNC de nous répondre et de passer à la phase suivante".

Après avoir évoqué la loi audiovisuelle, et plus précisément la suppression des jours interdits, Richard Patry a conclu son discours par un mot sur le piratage, précédant les interventions de la députée LREM Aurore Bergé et du président de l'Alpa Nicolas Seydoux sur le sujet. "C'est un enjeu majeur pour notre secteur. Sans le piratage, la situation économique de la télévision, de la filière vidéo, mais aussi des salles de cinéma, serait bien meilleure. Sur ce sujet, nous comptons aussi sur vous pour nous accompagner".

"Trois points à traiter rapidement", selon Dominique Boutonnat

Réagissant à la prise de parole de Richard Patry, Dominique Boutonnat a lui aussi constaté le déficit relationnel qui s’est installé entre le CNC et l’exploitation. "Notre relation doit être basée sur la confiance et dans un esprit de transparence. C’est fondamental et, avec vous, ce sera mon mode de fonctionnement", a-t-il ainsi appuyé.

Des différentes prises de paroles du secteur depuis l’ouverture du Congrès, Dominique Boutonnant a ainsi retenu "trois points à traiter rapidement". Tout d’abord, le financement du renouvellement des équipements numériques, sur lequel il s’est engagé à "mettre en place un dispositif particulier pour accompagner les salles qui en auraient besoin", et ce, "dans moins de trois mois".

Evoquant ensuite le rôle "fondamental" de l’aide sélective pour les petites et moyennes exploitations, le président du CNC a promis de "tout faire pour que cette aide soit à la hauteur des priorités, que nous définirons ensemble lors de la prochaine commission de novembre", le tout dans "un contexte budgétaire très contraint", a-t-il rappelé. "Nous devons donner plus de souplesse et de moyens à ce dispositif. Nous trouverons la solution, je le garantis, dans la concertation."

Enfin, Dominique Boutonnat est revenu sur la réforme du classement art et essai, s’engageant à en dresser "avant la fin 2019", un premier bilan. Avec l’objectif de définir "avec vous, les points d’ajustement (…) et notamment les effets de seuils". Il a en outre assuré que les subventions seraient versées plus tôt en 2020, dès le mois de mars. "J'espère que nous parviendrons même à l’avenir à la verser encore plus en amont."

Toujours au rang des annonces : le lancement d’une grande concertation interprofessionnelle du cinéma français, destinée à "prendre la mesure des changements que toute la filière vit en ce moment. Je tiens à ce que dans les semaines à venir, nous engagions tous ensemble une réflexion plus large, toute branche confondue. (…) Nous avons besoin de travailler collectivement à des axes stratégiques d’actions à mener. C’est mon mandat pour les trois prochaines années."

"Quatre principaux défis" à relever

Le président du Centre a par la suite identifié "quatre principaux défis" auxquels répondre pour valoriser la filière. Tout d’abord, la fidélisation du public dans les salles. Pour y répondre, Dominique Boutonnat souhaite notamment s’appuyer sur "les outils d’aujourd’hui : Internet et les réseaux sociaux forment le premier média d’information pour le cinéma chez les jeunes". Citant donc le Tour de France digital lancé par le Centre au début de l’année, son dirigeant affirme ainsi l’ambition de former près de 800 exploitants "d’ici la mi-2020". Il a en outre déclaré son ambition d’encourager l’innovation et le service au spectateur, notamment par le biais du Prix CNC de la salle innovante, remis en fin de journée à l'Arcadia de Riom et au circuit itinérant Cineco.

Ensuite, "l’exposition des films dans toutes les salles, auprès de tous les publics". Dominique Boutonnat a partagé le constat d’une rotation "souvent trop rapide" sur les écrans. "Les engagements de programmation doivent y répondre. (…) Nous allons vous présenter un bilan complet de ces engagements (en octobre), [qui ont] été respectés mais sont même allés parfois au-delà." Non sans évoquer une "nouvelle négociation" de ces derniers. Le CNC a par ailleurs demandé au Comité de concertation pour la diffusion numérique en salles de "travailler à un contrat type entre exploitant et distributeur" qui soit "simple, utilisable et fonctionnel".

Troisième enjeu souligné, le renforcement de la phase d'écriture, dans un contexte de stigmatisation de la qualité des films. Partant du constat statistique que "sur 220 films d’initiative française produits chaque année, 60, soit plus du quart, réalisent moins de 20 000 entrées", Dominique Boutonnat a tenu à préciser qu’il n’avait "pas d’idée arrêtée et définitive" sur le sujet de l’offre de films en salle. Non sans indiquer qu’une "politique malthusienne serait contraire à la liberté de création que nous défendons".

Parmi les éléments de réponses, il est ainsi revenu sur la concertation en court pour donner suite à l’étude produite par le CNC et la SACD en avril dernier sur l’écriture des films et des séries. Avec l’idée de "renforcer la phase d’écriture et de développement" et "y consacrer davantage de moyens", en promettant "des mesures fortes", et ce, "dès le début 2020". "Nous allons aussi étudier le plus rapidement possible les moyens juridiques de refuser des aides aux productions dont les contrats ne respecteraient pas les droits des auteurs, et notamment le droit moral."

Enfin, dernier challenge, le développement de la cinéphilie chez les jeunes générations. "Les jeunes français aiment le cinéma, mais y vont moins qu’avant et ont tendance à se concentrer sur un type de film". Le dirigeant appelle ainsi de ses voeux "un nouvel élan à la mission d’éducation au cinéma" à travers la création d’une "maison commune de l’éducation aux images", rassemblant "l’ensemble des partenaires nationaux – dont l’Education nationale – et locaux". Le projet sera lancé à la fin de l’année. En outre, concernant le pass culture, un effort sera fourni pour remonter l’offre cinéma proposée dans l’application, Dominique Boutonnat souhaitant d’ailleurs "amplifier le mouvement des médiateurs dans les salles".

Et le président du CNC de conclure son intervention sur une note optimiste : "J’ai confiance en l’avenir de la salle, qui est et reste au cœur de notre modèle d’exception culturelle française. Notre modèle est le bon, il faut l’aider à évoluer (…) sans l’affaiblir, bien au contraire."

Des "aménagements législatifs" à prévoir sur le plan de l'aménagement cinématographique

L’ouverture du débat aux échanges avec la salle a permis de revenir sur de nombreuses problématiques clés. Sujet récurrent durant les deux journées de débats, le phénomène de concentration en cours dans l'exploitation a de nouveau été évoqué, et même dénoncé, par plusieurs accrédités dans la salle. Xavier Lardoux, directeur du Cinéma du CNC, a évoqué dans ce contexte le premier rapport d’activité de la CNACi, portant sur l’exercice 2018 mais aussi sur les dix dernières années. Il a, à cette occasion, annoncé un travail avec la FNCF sur "des aménagements législatifs en matière d’aménagement cinématographique", citant trois sujets de travail : "une durée d’autorisation plus longue, passant de deux à trois ans", "un critère d’insertion urbanistique de la salle de cinéma dans son environnement" et enfin la prise en compte de "critères un peu différents de ceux qui président aujourd'hui, sur le nombre de fauteuils et le nombre d’écrans".

Concernant plus précisément l’éducation à l’image, sur laquelle il a été interpelé, Dominique Boutonnat a notamment atténué l’objectif évoqué par le gouvernement de couvrir à terme 100% des enfants en matière d’éducation artistique et culturelle. "Il ne faut pas sacrifier la qualité à la quantité. Aujourd’hui, 100%, c’est illusoire. Il faut évidemment se concentrer sur la qualité et le développement des services apportés." Le président du Centre a également approuvé l’idée que le dispositif devrait comporter un module sur le piratage. Il a en outre annoncé dans la foulée la production, potentiellement avec la Hadopi et l’Alpa, d’un petit film informatif destiné notamment aux salles.

Dans un contexte d’annonces à l’approche de la loi audiovisuelle, plusieurs accrédités ont alerté sur les conséquences potentielles d’une ouverture de la publicité TV aux annonceurs du cinéma. Les inquiétudes portent sur une éventuelle valorisation des sorties aux budgets les plus importants, au détriment des œuvres de la filière indépendante, et donc une accélération de la concentration des entrées et une éventuelle "atteinte à la diversité".
Rappelant que tout changement de régulation dans ce domaine ne passera pas par la loi audiovisuelle mais par décret, Olivier Henrard a expliqué qu’une longue concertation serait ouverte avant toute mise en pratique : "le nouveau dispositif fera l’objet d’une expérimentation, sur une période encore à déterminer". "C’est un vrai sujet, potentiellement dangereux pour la distribution indépendante, mais aussi pour toute la chaîne, car le financement des œuvres peur être indirectement concerné", a pour sa part commenté Dominique Boutonnat. "Notre travail est de faire en sorte qu’il y ait des garde-fous, à base de quotas, de tarifs ou d’autres... Dans la période de test, notre travail consistera à éviter que cela soit un problème."

Interpelé sur les dangers qui pèsent sur le modèle économique des salles indépendantes, Xavier Lardoux a pour sa part exprimé une volonté de "se focaliser sur l’économie des salles. Il est important que le CNC puisse analyser la santé précise du parc". Et le directeur du Cinéma de s’engager à ce que soit mise en place "une étude économique" sur le sujet, "sans doute avec l’Ifcic et la BPI, avant la fin de l’année".

Kevin Bertrand et Sylvain Devarieux
© crédit photo : Jean-Luc Mege


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