Cinéma

Lumière MIFC 2022 - Gian Luca Farinelli : "Ici, on retrouve une famille"

Date de publication : 18/10/2022 - 08:25

Grand habitué du Festival Lumière et de son marché, le directeur de la Cinémathèque de Bologne, Gian Luca Farinelli, est cette année le grand témoin du MIFC. L’occasion de découvrir un homme qui pense le cinéma de patrimoine avec enthousiasme et contemporanéité.

Comment appréhendez-vous ce rôle de Grand Témoin cette année au Marché international du film classique (MIFC) ?
C'est un grand honneur pour un grand nombre de raisons. Parce que Lyon, pour quelqu'un qui vit le cinéma comme moi, c’est la ville des frères Lumière, le berceau du 7e art. Je viens ici depuis de nombreuses années, je connais très bien le travail de l’Institut, de Bertrand Tavernier et de Thierry Frémaux. C’est un festival à la programmation exceptionnelle, un travail de qualité dont je me suis régulièrement inspiré, où tout le monde partage cette valeur du patrimoine. C’est la rencontre de toutes les passions mais aussi de tous les métiers, notamment grâce au Marché du film. C’est vraiment le lieu où il faut être. Et particulièrement en ce moment où tout le monde vit un moment difficile, où l’avenir inquiète. Ici, on retrouve une famille qui sait que ce cinéma classique peut nous aider à regarder vers l’horizon avec un peu moins d’angoisse.
 
Pourriez-vous revenir un peu sur votre parcours ?
J'ai commencé très jeune. Au lycée, j’organisais déjà un ciné-club et j'ai commencé à travailler à la Cinémathèque de Bologne en tant qu’assistant du programmateur de la nouvelle salle qui venait d'ouvrir en 1983. En 1986, alors que je travaillais sur le patrimoine de la Cinémathèque, est venue l’idée d’un festival, Il Cinema Ritrovato. L’envie était de revenir sur l’histoire du 7art. C’est depuis devenu, comme Lumière, un événement de référence. À la fin des années 1980, on s’est aperçu qu’il n’y avait pas de laboratoires de restauration en Italie donc on a eu l’idée de créer le nôtre, Il Immagine Ritrovata. En 2000, après le départ en retraite de Vittorio Boarini (disparu l’an passé, ndlr), je suis devenu le directeur de la Cinémathèque. C’est à ce moment-là que nous avons commencé à faire des projections publiques de grands classiques du cinéma le soir lors du festival, sur la Piazza Maggiore, qui peuvent attirer jusqu’à 8 000 personnes. L’idée était d’en faire un festival à la fois pour les professionnels, mais aussi populaire puisqu’Il Cinema Ritrovato attire quelques 150 000 spectateurs chaque année. Enfin, je suis depuis mars 2022 le président de la Fondation du cinéma de Rome.
 
Selon vous, quelles sont les missions premières de la Cinémathèque de Bologne ?
La mission la plus importante est d'établir un rapport entre le public contemporain et le cinéma du passé à travers la programmation, à travers les rencontres, à travers le travail de restauration mais aussi en mélangeant le cinéma du passé et le cinéma du présent pour montrer les liens, parfois évidents, qui se tissent entre eux. L’autre mission essentielle de la Cinémathèque est de travailler à la conservation du patrimoine. Assurer un futur à ces films anciens grâce à des archives, des lieux à la hauteur de ces trésors et une capacité à collecter et classifier, non seulement les œuvres, mais aussi les photos, les affiches, les scénarios ou encore les caméras. En gros, tout ce qui fait cinéma. Il faut aussi comprendre que le cinéma n’est pas une affaire nationale mais internationale, dès ses débuts. Dans un monde où la guerre prend toute la place, où les populismes et les nationalismes se renforcent, le cinéma reste un langage compris de tous. Il est notre meilleur moyen de se rencontrer et de découvrir la culture des autres. C’est en ça que cet art, et notre travail, me paraît aussi essentiel.
 
Le MIFC fête sa 10e édition. Qu’est-ce qui a changé pour la Cinémathèque depuis 2013 ?
Déjà, on a remarqué une véritable augmentation de la fréquentation de la Cinémathèque. Par ailleurs, et c’est très important pour nous, il y a de plus en plus de personnes qui travaillent dans les laboratoires. C’est bien la preuve que l’industrie autour du cinéma classique est loin d’être en berne, bien au contraire. Et cela notamment grâce à l’avènement du numérique qui a permis de digitaliser une grande partie du patrimoine mondial. Le numérique a vraiment permis une ouverture exceptionnelle. Nos parents n’ont jamais eu accès, comme nous, aux images du siècle précédent. Dans l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu de moment pareil. Ce n’est pas un détail, c’est énorme d’avoir accès à ces images rarissimes qu’avant on ne pouvait voir que de manière exceptionnelle. D’ailleurs, la raison pour laquelle j’ai commencé mon ciné-club au lycée n’était pas de pouvoir faire voir les films aux autres mais pour que nous, moi et mes amis, puissions y avoir accès. À l’époque, il n’y avait pas de DVD ou de Netflix. Désormais, tout est accessible, en quantité et en qualité. Ce patrimoine est une source d’inspiration incroyable et c’est un territoire immense que l’on ne peut explorer en une seule vie. Ce patrimoine cinématographique, c’est de l’art mais c’est aussi une fabuleuse documentation sur l’histoire des hommes et des femmes du monde entier. Et je pense que ça ne fera qu’augmenter, car c’est la première fois que nous avons cette chance. Donc ce n’est que le début, pas la fin.
 
Quelle influence a eu la Cinémathèque de Bologne sur l’industrie du patrimoine ?
Aucune (rires). On a eu un rôle important en Italie car nous avons été les premiers à dire qu’il fallait restaurer le patrimoine italien, dans son entier, pas seulement les œuvres célèbres. On a aussi amené un peu de France en Italie en sortant ces films en salles, car chez nous, ça ne se faisait pas. D’un point de vue international, je pense qu’on a pu apporter une expertise sur la restauration des œuvres. Enfin, il me semble qu’Il Cinema Ritrovato a démontré qu’il était possible de faire un festival de cinéma de patrimoine populaire. Pour le reste, il faut savoir rester humble.
 
Sur quelles restaurations travaillez-vous actuellement ?
Nous sommes actuellement en train de travailler sur plusieurs films d’Alberto Sordi dont nous fêterons le centenaire l’année prochaine. Avec plusieurs metteurs en scène italiens, comme Gianni Amelio ou Paolo Virzì, nous travaillons également sur la restauration de leurs premiers films. Nous sommes aussi en collaboration permanente avec Pathé mais aussi Martin Scorsese avec sa World Cinema Foundation. Enfin, nous restaurons des classiques de l’histoire du cinéma italien avec les films de Pietro Germi.

Propos recueillis par Perrine Quennesson
© crédit photo : L'Immagine Ritrovata


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