Cinéma

Lumière MIFC 2022 - Régine Vial : "Nous sommes attachés à la reconnaissance d’une œuvre"

Date de publication : 18/10/2022 - 08:45

Sortant d’un succès classique en salle avec La maman et la putain, Les Films du Losange poursuit sa redécouverte de Jean Eustache avec de la nouvelle copie restaurée de Mes petites amoureuses, présentée ce lundi 17 octobre à Lumière. Entretien avec la directrice de la distribution de la structure sur les enjeux de cette réédition, et sa stratégie patrimoniale globale.

Vous avez présenté, hier, la copie restaurée 4K de Mes petites amoureuses de Jean Eustache dans le cadre du Festival Lumière, que représente pour vous cette opportunité ?
Le Festival Lumière, auquel nous sommes très fidèles chaque année, est le rendez-vous essentiel pour le cinéma de patrimoine en France. Après l’ouverture de Cannes avec La maman et la putain, le film suivant que nous avons restauré de Jean Eustache, Mes petites amoureuses, a tout naturellement sa place à Lyon. Il est très important pour nous de le faire voir ou revoir dans des salles pleines, réceptives à l’émotion, à l’originalité et à la beauté des œuvres. C’est un lieu de renaissance.
 
La maman et la putain fut un grand succès du cinéma de patrimoine en salle cette année, avec 35 000 entrées, quelles sont vos attentes pour Mes petites amoureuses ?
Mes petites amoureuses sortira accompagné de La maman et la putain et des 8 autres films de Jean Eustache qui sont en cours de restauration. Nous attendons pour juin 2023 un événement autour de l’œuvre entière de Jean Eustache, ses documentaires, ses courts et moyens-métrages que l’on pourra revoir dans de très bonnes conditions et dans le monde entier. Les films seront ensuite vus en Blu-ray, à la télévision puis sur les plates-formes.
 
En quoi ce film peut parler à un public d’aujourd’hui ?
Mes petites amoureuses est un grand film sur l’enfance, intemporel, qui se passe en province, à Narbonne. C’est un récit extrêmement touchant qui raconte la dureté de la vie avec franchise, mais aussi une éducation sentimentale, une découverte du cinéma qui amène rêve et poésie au petit Daniel. On peut le voir comme le petit frère des Quatre cents coups de Truffaut, de Mouchette de Bresson et de L’enfance nue de Pialat, et c’est en cela qu’il peut toucher infiniment le public, notamment les jeunes. Son mélange de lumière et d’âpreté n’a pas pris une ride. Notre rêve serait qu’il rentre dans le dispositif de Collège au cinéma.
 
A la lumière de ce succès, la stratégie des Films du Losange a-t-elle évolué concernant le cinéma classique et de patrimoine ? Est-ce un axe que vous allez renforcer dans votre éditorial en salle ?
Oui, c’est un travail d’éditeur qui nous passionne. Nous avons actuellement 330 longs-métrages et 30 courts-métrages dans notre catalogue, qui regroupe le plus possible l’intégralité de l’œuvre des auteurs : Jean Eustache donc, Eric Rohmer et Barbet Schroeder bien sûr, Michael Haneke, Lars von Trier, Wim Wenders, Mia Hansen-Løve, Alain Guiraudie, Tony Gatlif, Nicolas Philibert, Guy Debord, Jacques Rivette, Otar Iosseliani, Romain Goupil et bien sûr Roger Planchon, cher aux Lyonnais ! Ces films sont montrés dans le monde entier, sont présentés dans les cinémathèques, sortent en salles, en coffret DVD/Blu-ray, sont diffusés à la télévision et sur les plateformes. Au-delà de la notoriété d’un film, nous sommes attachés à la reconnaissance d’une œuvre. Le succès de La maman et la putain nous conforte dans notre envie de ressorties événements. En plus de la rétrospective Jean Eustache, nous ressortirons en salles en 2023 l’intégrale des longs-métrages de Lars von Trier restaurés en 4K.
 
Pour revenir à l’œuvre de Jean Eustache, quel est le programme pour les films à venir, que pouvez-vous nous préciser sur leurs sorties ?
Nous prévoyons en juin une rétrospective en 10 films : Les mauvaises fréquentations, Le Père Noël a les yeux bleus, La rosière de Pessac, Le cochon, Numéro Zéro /Odette Robert, La maman et la putain, Mes petites amoureuses, Une sale histoire, La rosière de Pessac 79 et Les photos d’Alix. Nous aimons l’idée d’un rendez-vous à donner au public le même mois de l’année où il a fait un si bel accueil à La maman et la putain. Dans un esprit qui est celui du Festival Lumière, nous avons tant aimé faire présenter le film par des artistes d’aujourd’hui : Claire Denis, Gaspar Noé, Nadav Lapid, Catherine Corsini, Arthur Harari, Thierry de Peretti, Serge Bozon, Agathe Bonitzer, Nicolas Pariser, les frères Larrieu, Guillaume Brac et bien d’autres ! Nous aimerions prolonger l’expérience avec les autres films d’Eustache puisque chacun a ses admirateurs illustres : Philippe Katerine pour Le cochon, Justine Triet pour Numéro Zéro /Odette Robert, Noémie Lvovsky pour Mes petites amoureuses, Alice Diop et Jacques Audiard pour Une sale histoire, etc. Nous essaierons ainsi de faire voyager la parole des réalisateurs d’aujourd’hui sur les films d’hier, en France et à l’étranger. L’intégrale des films a été achetée dans 17 territoires étrangers, certains distributeurs et éditeurs s’étant manifestés avec beaucoup d’émotion dès l’annonce de notre acquisition, tels que Janus Films/Criterion aux Etats-Unis, I Wonder en Italie ou Mermaid au Japon.
 
En termes de restauration, quels furent les principaux challenges rencontrés sur le catalogue Jean Eustache ?
Le premier fut de récupérer le matériel original des films stocké depuis plus de quarante ans dans des laboratoires dont certains n’étaient plus en activité. Une partie de ce matériel, notamment les magnétiques son, étaient abîmés, vinaigrés, et donc peu utilisables. Par chance, sur La maman et la putain, nous avons pu travailler à partir du négatif son. Sur d’autres films, nous remercions tous les partenaires qui nous ont donné accès à leur matériel original : les Archives du film et le CNC, ainsi que la Cinémathèque française. Boris Eustache nous a aidés pendant ces restaurations par la connaissance profonde qu’il a des films, sur le tournage desquels il a souvent été présent au côté du réalisateur et du chef opérateur. Jacques Besse a supervisé l’étalonnage de La maman et la putain et Mes petites amoureuses, et Robert Alazraki est en charge de l’étalonnage des 8 autres. Nous remercions bien évidemment le CNC pour son soutien financier essentiel à ces restaurations coûteuses, avec un retour 35mm, la Cinémathèque Suisse, et Chanel pour son soutien à La maman et la putain. Ce projet a été mené dans un grand esprit de fidélité et de respect de l’œuvre d’Eustache grâce au travail de Eclair Classics – L’Immagine ritrovata pour l’image et de L.E. Diapason, en la personne de Léon Rousseau, pour le son. Nous espérons ainsi que l’œuvre pourra voyager dans le monde entier.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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