Cinéma

Annecy 2023 - Wip "Slocum" : "Au début j’ai besoin de temps pour être seul à la barre"

Date de publication : 16/06/2023 - 08:18

Le film, qui donne des clés sur l’univers du cinéaste, permet à Jean-François Laguionie de revenir sur son enfance en abordant la figure paternelle.

Jean-François Laguionie est le réalisateur français ayant la plus longue filmographie en long métrage d’animation, son dernier film avant Slocum ayant été Le Voyage du Prince, présenté à Annecy en 2019, édition durant laquelle il avait reçu un Cristal d’Honneur pour l’ensemble de son œuvre.

Dans ce film largement autobiographique, Laguionie revient clairement sur son adolescence. "Il y a une dizaine d’années", raconte-t-il, "on me posait souvent la question de la mer qui revient souvent dans mes films. Je ne savais pas quoi répondre, hormis qu’étant enfant j’allais toujours en famille au bord de la mer. Et puis je me suis rappelé que lorsque j’avais dix ans, il s’est passé quelque chose que je n’ai pas bien compris avec mes parents. Ils se sont mis à construire un bateau dans le jardin de notre pavillon de la banlieue parisienne. Et je me suis demandé si ce bateau n’avait pas une histoire à me raconter. Je me suis mis à écrire cette histoire, sous forme de roman avec Anik Le Ray, puis j’ai commencé à penser à un film car ce bateau avait beaucoup plus de choses à dire que je ne le pensais. Et je pense que Slocum apporte une réponse mais je ne vais pas vous la donner maintenant".

Le film se présente comme un parallèle entre deux voyages. L’un qui reste immobile, celui du bateau inachevé et l’autre, celui de Joshuah Slocum, parti depuis le port Boston faire le premier tour du monde en solitaire à la voile à bord du Spray, le 1e juillet 1895, et qui a relaté son périple dans un journal de bord. Un héros pour François, le jeune héros du film.

Jean-François Laguionie est un cinéaste qui revendique d’avoir besoin de temps au début de ses films "pour être encore seul à la barre". Il a commencé à travailler seul en réalisant des "animatiques sauvages", dessinant librement sur des grandes feuilles en évitant le storyboarding. "Je veux que le dessin soit libre, ensuite je cadre avec mon appareil photo, puis je monte avec des voix provisoires faites par Anik et moi et une ébauche de la musique qui est pour moi essentielle au montage du film". Le fait est que la bande originale a été écrite en parallèle du scénario.
 
Animatique sauvage
"Prendre ce temps est indispensable, d’autant que l’animatique sauvage permet d’entrer tout de suite dans le film" appuie le producteur Stéphan Roelants (Melusine Productions - Studio 352). Quelques premiers crayonnés de Jean-François Laguionie sur des moments de son enfance vont ensuite servir de base de travail, sous forme d’un guide permanent. Peu à peu naissent les personnages, toujours sous le crayon de Laguionie, charge ensuite aux équipes de les transposer en 3D le plus fidèlement possible, en veillant à un rendu en trait crayon. Même chose pour les accessoires, véhicules et autres, l’inspiration de base étant le vénérable catalogue Manufrance.
L’étape suivante passe par un storyboard "malgré l’aversion de Jean-François" souligne Stéphan Roelants, qui est en fait la conformation de l’animatique sauvage, mais laquelle va donner un cadre technique pour toutes les étapes à venir.

Le bateau, véritable personnage du film, a été construit en 3D afin de créer quelque chose de réaliste. Ensuite est intervenu Pascal Gérard, le chef décorateur du studio 352 qui a enrichi les esquisses de Laguionie pour les décors clés, tout en respectant au plus près l’esprit original. Les couleurs, inspirées d’aquarelles du cinéaste, sont passées par un color-script afin d’établir toutes les ambiances, une étape fondamentale pour l’intensité de la narration.

Si l’animatique sauvage détermine le rythme de la narration, il est important de fournir le plus d’informations possibles aux animateurs, ce qui passe par sa conformation en 2D. "C’est une étape assez douloureuse pour moi" explique Laguionie "car à ce stade j’ai l’impression que les images n’avancent pas parce qu'il manque toujours des couches. Et le film me parait alors une promesse lointaine". Au moment du compositing, le cinéaste demande ensuite un post-compositing afin de pouvoir intervenir jusqu’à la fin pour des derniers réglages.

Le film est produit par Stéphan Roelants (Melusine Productions / Studio 352) et Camille Raulo (JPL Films) avec un budget relativement réduit et a été fabriqué entre Rennes et le Luxembourg. "L’amener à la vie était une vraie responsabilité de producteur" souligne Stéphan Roelants. Il sera distribué par Gebeka Films*.

* Propriété d’Hildegarde, propriétaire de LFF Media, éditeur du Film français.





Patrice Carré
© crédit photo : JPL Films; MELUSINE PRODUCTIONS / STUDIO 352


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