Cinéma

Congrès FNCF 2023 – Benjamin Reyntjes (Pathé BC Afrique) : "La redynamisation poursuit sa marche en Afrique francophone"

Date de publication : 20/09/2023 - 08:22

Alors que la traditionnelle table-ronde de ce 78e Congrès de la FNCF s'attache à dresser la photographie de la reprise de la fréquentation dans les différentes régions du globe, entretien avec le directeur général de Pathé BC Afrique, qui distribue des films tricolores, mais aussi des productions étrangères doublées ou sous-titrées en français, dans une vingtaine de territoires francophones d'Afrique. 

Parmi les territoires où vous exercez en tant que distributeur, on compte le Niger et le Burkina Faso. Comment la situation géopolitique complexe de ces deux pays impacte-t-elle votre activité ?
De manière générale les salles de cinéma ferment systématiquement leurs portes lorsque le contexte local ne permet pas que l’activité se déroule en toute sécurité. Ces situations sont relativement rares et à ce jour aucun incident directement lié à l’exploitation cinématographique n’est à déplorer. Il y a actuellement deux mono écrans Canal Olympia et un Institut français équipé au Burkina Faso, et un seul écran Canal Olympia à Niamey. Par mesure de sécurité ou de solidarité, les salles ferment comme c’est le cas actuellement au Maroc ou récemment à Dakar ou Ouagadougou, pour garantir l’accueil des spectateurs sereinement.
 
La reprise de la fréquentation dans les cinémas se manifeste-t-elle dans l’Afrique francophone ?
Pour rappel, nous distribuons des films, doublés ou sous-titrés en français, dans une vingtaine de territoires africains francophones. Et nous pouvons en effet témoigner d’une reprise incontestable de l’activité dans ces marchés.

Au sein de l’offre, quels types de films sont les moteurs de cette reprise dans ces territoires ?
Dans notre périmètre, plusieurs locomotives ont permis de retrouver des niveaux de performance pré-Covid. Ce sont à peu près les mêmes titres que dans le reste du monde, soit essentiellement des superproductions à grand spectacle. On peut citer, évidemment, les blockbusters américains Super Mario Bros. le film, Fast & Furious X, Oppenheimer et Barbie. Notons toutefois que plusieurs grosses productions françaises, comme Miraculous le film, Astérix & Obélix : L’empire du milieu ou Tirailleurs, dont les résultats sont bien supérieurs à ce que génère habituellement le cinéma tricolore dans la région.
 
Y a-t-il des territoires dans lesquels la fréquentation ne redécolle pas ?
Selon notre perception, tous les marchés ont repris. Mais il faut observer cette reprise globale avec beaucoup de mesure et de discernement. Car en fait, dans certains territoires, elle est surtout portée par des surperformances locales liées à la restructuration des marchés. Plusieurs territoires ont ainsi surperformé justement parce que de nouvelles salles ouvraient, créant de nouvelles poches de fréquentation et générant de nombreuses entrées nouvelles.
 
Où en sont le rééquipement et la modernisation de ces marchés ?
Tout à fait. Au Sénégal, le Pathé Dakar, ouvert fin 2022, affiche des niveaux de performances remarquables. On peut citer aussi les ouvertures cette année du Seanema, aussi à Dakar, de la salle TMV en Algérie, et le rééquipement de plusieurs cinémas tunisiens. Sans oublier de beaux sites à venir pour Pathé ou Cinerji au Maroc. En tout, dans notre périmètre, une vingtaine de projets vont voir le jour dans les prochains mois ou années. Mais la structuration de ces marchés passe aussi par le développement du tissu de production. Dans ce sens, nous avons aussi vocation, en tant que distributeur, d’accompagner des films locaux, au Sénégal, au Cameroun, en Tunisie ou au Maroc par exemple. Nous allons nous engager sur plusieurs projets, en distribution ou en coproduction, pour encourager l’émergence de l’activité locale. La redynamisation du marché d’Afrique francophone poursuit sa marche. Nous sommes très enthousiastes sur son avenir.

L’offre en salle est-elle suffisante pour accompagner cette restructuration ?
Il demeure indispensable que de nouvelles sociétés de distribution arrivent sur ces marchés, afin justement de dynamiser et diversifier l’offre. Cela permet aux acteurs déjà implantés sur place de se mobiliser, et de revoir leurs modèles de distribution et line-up. Bien évidemment que nous inscrivons notre implantation dans une dynamique vertueuse d’accompagnement de la structuration de ces machés. Nous proposons aux salles plusieurs typologies de films, d’une grande diversité, parfois même des titres qu’ils n’auraient pas forcément exploité par le passé car ils n’auraient pas été distribué par notre concurrents. C’est déjà très positif. La diversité de l’offre s’étend. En outre, nous menons, souvent en collaboration avec nos concurrents, un travail auprès des institutions et des organismes de régulation de chacun des territoires, afin d’assurer que ces marchés soient bien équipés, formés et transparents. Cette dernière notion est cruciale, en fait, au sein de l’ADN de Pathé BC Afrique. Nous communiquons très largement sur les résultats de nos films, ce qui est aussi structurant en soi. Nous avons un besoin absolu de voir arriver des sociétés déjà installées au niveau mondial, et qui permettraient à ces territoires de mieux s’équiper. Je pense notamment à la presse spécialisée, aux outils de collecte des résultats, aux systèmes de programmation et aux systèmes de caisse, entre autres, ou encore d’outils technologiques permettant une livraison des DCP dans de meilleures conditions. Dans certains pays, nous avons aussi besoin d’agences pour organiser des évènements autour des sorties.
 
S’il doit y avoir des disparités pays par pays, que pouvez-vous nous dire des publics des différents marchés que vous couvrez ?
On constate tout de même quelques points communs. Notamment le fait que ce sont des publics bien plus jeunes qu’en France métropolitaine. Ce qui est normal car nos marchés ne sont pas aussi matures que le marché hexagonal. Pour la plupart ces spectateurs sont des occasionnels qui se fidélisent petit à petit. En fait, nous sommes constamment en train de recruter un nouveau public de cinéma, public qui avait disparu ces trente voire quarante dernières années avec la disparition des salles. Depuis une dizaine d’années, le travail des distributeurs est d’engager les spectateurs à venir en salle, pour la plupart il s’agit d’une première expérience. Ce public est aussi très familial, plutôt majoritairement masculin et surtout très connecté. C’est la raison pour laquelle les films qui marchent le mieux sont ceux issus de grandes franchises internationales ou américaines, les sagas familiales et l’animation. Aller chercher un public plus âgé, issu de générations qui n’ont plus connu l’expérience de la salle depuis des décennies, demeure un challenge. En cela, certains titres semblent plutôt efficaces, telles les comédies et comédies romantiques africaines, qui permettent de recruter un public plutôt focaliser sur des consommations domestiques, en télévision ou via des bouquets satellites, de contenus tels que des télénovelas ou des séries. Notre challenge est d’élargir ce public en allant chercher les séniors, notamment.
 
Quelles sont les prochains chantiers à accompagner à plus court ou moyens termes ?
Faire en sorte que toutes les salles soient équipées notamment de caisses électroniques. Et de même, la diffusion dématérialisée des DCP reste à développer plus largement. Nous sommes une société française mais avec des antennes locales. Il y a donc, pour nous, un enjeu de simplification et fluidification des livraisons. Nous connaissons un certain nombre de fournisseurs en France et dans le monde qui pourraient participer à cette modernisation. Elle est en tout cas essentielle pour nous permettre de bénéficier de remontées de résultats sans contraintes.
 
Bien évidemment, et c’est l’un des enjeux prioritaires pour nous : il faut faire en sorte d’améliorer la lecture, la compréhension et la transparence de ces marchés. En cela, nous avons besoin d’outils de recensement et d’analyse, apportés par des prestataires type Rentrak. Il faut des outils et des moyens professionnels, afin d’informer les acteurs de la filière et leur permettre d’affiner leurs pratiques, leurs investissements et leurs campagnes de communication.
 
Il faut aussi que des institutions se structurent localement, afin de régir ou réguler l’ensemble de ces marchés. Certains pays, tels le Maroc avec le CCM ou la Tunisie avec le CNCI, qui sont déjà équipés d’organismes de régulation. Mais la plupart des autres territoires en manquent cruellement. C’est important pour nous permettre de travailler dans de meilleures conditions, mais aussi faire circuler la valeur de la filière et apporter du soutien en fonction des besoins. Nous avons besoin du soutien des pouvoirs publics, c’est évident.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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