Cinéma

Congrès FNCF 2023 - Quentin Bataillon : "Pour une garantie de visibilité sur les crédits d'impôts"

Date de publication : 20/09/2023 - 12:00

A l'approche du projet de loi de finances 2024, le député Quentin Bataillon (Renaissance, Loire) et administrateur du CNC dresse son regard sur les enjeux du secteur.

Quel regard portez-vous sur l'industrie cinématographique française ?
L’édition 2023 du Festival de Cannes marquera l’histoire. A travers cette manifestation, le modèle français et les salles ont été célébrés. Le fait qu'Apple ait accepté de présenter ses films pendant le Festival puis de les sortir dans les salles est un accomplissement dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Lors de la pandémie et en sortie de crise, de nombreux doutes et interrogations pesaient sur le secteur et son modèle. Aujourd'hui, nous avons une réponse claire. Le cinéma et le modèle français ont gagné.

Je me réjouis également d'une fréquentation retrouvée avec des mois de juillet et d'août avec un nombre d'entrées supérieures aux niveaux prépandémiques. Notre dynamique est bien supérieure à celles des autres pays européens.

La filière a également fait l'objet d'un vif intérêt parlementaire avec deux rapports sénatoriaux et un projet de loi. Est-ce inquiétant ?
Lorsque le Parlement s'intéresse à un sujet, c'est toujours positif. Il faut que le cinéma soit davantage présent à l'Assemblée nationale. A ce titre, j'ai proposé à la Commission des affaires culturelles de mettre en place une table ronde sur l'économie du cinéma.

Certains de ces rapports rappellent un élément essentiel : le CNC est le bras armé du soutien public au cinéma. Il est à la fois un régulateur, un modérateur, un porte-parole mais aussi une administration générale du ministère de la Culture. Il est important de le rappeler. La politique publique en faveur du cinéma se concrétise à travers le CNC. Le Centre est le meilleur outil public pour porter le 7e Art le plus haut possible. C'est à travers son engagement que la France est l'une des industries cinématographiques les plus performantes au monde, en concurrence directe avec celle des Etats-Unis.

Le rapport du sénateur Roger Karoutchi inquiète beaucoup les Sofica dont le modèle pourrait être remis en question. Partagez-vous ce constat ?
J'ai des réserves concernant ce rapport de Roger Karoutchi et notamment son analyse des Sofica. Elles sont très souvent le dernier mètre du financement des films. Ce dispositif peut être déterminant pour l'existence d'une œuvre. J'appelle le gouvernement, dans le cadre du projet de loi de finances, à inscrire les Sofica dans la durée avec les mêmes conditions dont elles bénéficient aujourd'hui. Je me tiens prêt avec Constance Le Grip à porter ce combat au nom de la majorité parlementaire à l'Assemblée nationale.

Les crédits d'impôts pourraient également être dans le viseur de Parlementaires et de Bercy.
J'ai évoqué le sujet avec le rapporteur général et Bercy et je n’ai pas de craintes concernant une éventuelle remise en question de ces outils. J’entends en revanche le souhait de Bercy de borner dans le temps l’ensemble des crédits d’impôts. En contrepartie, je demande à donner une garantie de visibilité d’une durée minimum de deux ans à ces incitatifs, dès lors que ces dispositifs sont liés à des investissements.

Si Bercy souhaite modifier les crédits d'impôts dans le cadre du PLF 2024, je demande à ce que ces mesures ne soient effectives qu'en 2026. Une visibilité est indispensable pour que ces outils soient efficaces et attractifs.

Alors que le gouvernement met en œuvre France 2030, un plan aux ambitions décuplées pour le secteur, l'absence de visibilité sur les crédits d'impôts serait totalement contre-productive. Il faut construire des studios mais aussi les remplir.

Quid des évolutions concernant les cartes illimitées préconisées par le rapport de Bruno Lasserre ?
Je salue la décision du CNC qui, par décret, va simplifier la procédure d'autorisation des cartes illimitées. Notre rôle sera de sécuriser cette initiative par la loi en veillant toujours au prix de référence.

Le sénateur Jérémy Bacchi, auteur d'un rapport reprenant de nombreuses préconisations de Bruno Lasserre, pourrait enclencher le mouvement à travers une proposition de loi.

S'il souhaite déposer un texte, je serai tout à fait disposé à en proposer la navette à l'Assemblée nationale. Je lui laisse la politesse sur le dépôt sinon je le ferai. Ce sujet est apolitique et très important. En termes de pouvoir d'achat, nous apportons une réponse aux jeunes et à l'accès du cinéma. Nous devons donner également aux salles de cinéma la capacité de répondre aux pratiques commerciales des plateformes de streaming.

La députée Sarah Legrain (LFI) a présenté une proposition de loi visant à encadrer le tarif du ticket de cinéma avec l'instauration d'un plafond fixé par décret. Quel est votre avis sur cette initiative législative ?
A mon sens, cette proposition traduit une méconnaissance du secteur et du travail exceptionnel mené par les exploitants qui représentent le premier maillage culturel de France. Il ne faut pas dévaluer ni opposer le cinéma vis-à-vis des autres propositions culturelles.

La priorité est d'aller chercher des publics particuliers comme les jeunes. La simplification des cartes illimitées permettra aux exploitants de mettre en place des offres promotionnelles pertinentes pour ce public.

Les exploitants vont devoir faire face à de nombreux enjeux à l'image de l'énergie, nécessitant des investissements très lourds. Nous devons être à leur écoute. Un plafonnement du prix de la place aurait immédiatement des effets très négatifs sur la programmation.

Le Sénat a adopté avant l'été une proposition de loi visant à plafonner le taux de location à 35% pour les cinémas des départements et régions d'outre-mer. Quelle est votre position à ce sujet ?
Il existe un vrai risque que certains films ne soient plus exploités en Outre-Mer. J'appelle à trouver un consensus entre les distributeurs et les salles, sous l'égide du CNC. Un taux de 40% me semble raisonnable pour tous.

Les engagements de programmation sont également au cœur des discussions entre distributeurs et exploitants.
Ils sont essentiels pour la diversité et l'émergence de nouveaux talents. Ces engagements doivent être réaffirmés. En tant que député de Saint-Etienne et fervent défenseur de la programmation du Méliès, je sais l'engagement de ces cinémas Art et essai pour l'épanouissement du modèle français. Ces salles font parfois face à une concurrence déloyale. Certains cinémas classés Art et essai ne s'imposent pas du tout les mêmes contraintes et exigences. S'il faut passer par la loi pour que ces engagements de programmation soient respectés, pourquoi pas. La conditionnalité des aides est également une option.

Propos recueillis par Florian Krieg
© crédit photo : Assemblée Nationale


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