Cinéma

Lumière MIFC 2023 - Patrimoine documentaire : une histoire qui reste à parfaire

Date de publication : 17/10/2023 - 08:10

Le MIFC questionne cette année la place du documentaire dans la filière du cinéma de patrimoine. Deux tables rondes sont notamment consacrées à un état des lieux et à la circulation des œuvres. Si un gros travail de référencement a été mené, et continue encore, certaines informations manquent toujours à l’appel.

Le lancement de l’Année du Documentaire (conjointement par le CNC, la Scam et la Cinémathèque du Documentaire) a été l’occasion pour les organisateurs du MIFC d’aborder frontalement le patrimoine documentaire, jusqu’ici peu évoqué sur le plan éditorial, hormis lors d’une étude de cas en 2015. "Il nous a paru d’autant plus important de le traiter, que le format a le vent en poupe, comme on a pu le constater avec des sorties de films frais qui ont été assez marquantes" explique Juliette Rajon, directrice du MIFC. "Cela nous a amenés à nous questionner sur la place du documentaire dans cette filière du cinéma de patrimoine". 

Cinq temps forts sont organisés à Lyon, à commencer par une double table ronde consacrée au genre, lequel sera aussi présent lors de la table ronde juridique organisée avec la Sacd sur le thème des extraits, particulièrement utilisés par les documentaires de cinéma. A ce sujet un entretien est organisé avec l’un de ses plus ardents défenseurs, Bruno Deloye, directeur des chaînes Ciné+ Classic et Club. Et en guise d’écho, le festival Lumière propose une sélection composée d’une dizaine de films inédits.  Sont mis aussi en avant ceux de Wim Wenders Prix Lumière de cette édition : Chambre 666, Tokyo-Ga, Buena Vista Social Club (photo) et Nick's Movie coréalisé avec Nicholas Ray.

Les deux tables rondes principales sont l’occasion de faire un état des lieux chiffré de l’état de la conservation du patrimoine documentaire, mais aussi des catalogues existant ainsi que de la diffusion sur tous supports, sur les plateformes, en salles tout comme en festivals.

Le fait est que le fonctionnement de la cinémathèque du documentaire diffère de celui des cinémathèques traditionnelles. Sa création en 2017, sous forme de GIP, est partie d’un constat, le fait "qu’il n'existait pas de structure dédiée à la diffusion du patrimoine documentaire pris dans une acceptation large allant du patrimoine historique au films documentaires récents en quête d'une 'seconde vie'. Fort de ce constat, plusieurs partenaires (Scam, CNC, Bpi, BNF, Sacem, le groupe France Télévisions, Images en bibliothèques, film-documentaire.fr, et Ardèche Images), rejoints ensuite par le groupe Audiens et la chaîne Arte, se sont regroupés sous la forme d'un Groupement d'Intérêt Public (GIP) pour unir leurs forces et mutualiser leurs moyens afin de rendre plus visible et accessible la création documentaire, en facilitant la circulation des œuvres sur tout le territoire national, à Paris et comme en régions " résume Anne Moutot, directrice par intérim de la structure présidée par Julie Bertuccelli et dirigée par Philippe Bachmann.

Mais pour faire circuler les œuvres, encore faut-il savoir où se trouvent leurs éléments, quel est leur état et qui sont les ayants-droits. Une base de données en ligne opérée par le site Film-documentaire.fr, référence 63 000 titres, français mais aussi étrangers, audiovisuel et cinéma confondus. 42 300 fiches sont illustrées par des photos (soit près de 70 % de l’ensemble) et 14 430 extraits vidéo et bandes annonces sont intégrés aux fiches des œuvres. 4 350 sociétés de production françaises et 3 800 sociétés étrangères sont répertoriées, de même que 16 600 autres structures (financeurs, éditeurs, diffuseurs...), ces dernières étant référencées automatiquement dès qu’elles sont liées au générique d’au moins un titre. Et la base de données s’enrichit sans cesse, un travail de prospection étant mené envers les œuvres non encore répertoriées.

Selon des estimations globales seule 50% de la production documentaire aurait été ainsi identifiée et référencée. Pour retrouver des copies et remonter la chaîne des droits, la Cinémathèque du Documentaire est en relation avec les grands pourvoyeurs du cinéma de patrimoine, comme la direction dédiée du CNC, la Cinémathèque française et celle de Toulouse, mais aussi des structures privées telles que Gaumont-Pathé Archives, Lobster ou encore Ciné-archives. Elle se met aussi souvent en rapport avec des fonds étrangers, comme la en Italie Cinémathèque de Bologne, l'Istituto Luce, les archives de la Rai et la Cineteca Nazionale, l'ONF au Canada ou encore la Cinémathèque Suisse.

La plupart du temps les programmateurs doivent effectuer un véritable travail de détective. Et même si la France semble donc, encore une fois, avoir été assez exemplaire en matière de répertoriage et de collecte, le nombre de chantiers de restauration reste limité en raison de la faiblesse des moyens disponibles. "L’économie du documentaire est très différente de la fiction en cela qu'elle a très peu de numérisation et encore moins de restauration puisque les ressorties sont extrêmement rares", précise Pauline Girardot Chevaucheur, déléguée générale de Documentaire sur grand écran. "C'est une économie qui repose presque entièrement sur du non-commercial et de l'action culturelle".

Depuis près de 30 ans, l’association que dirige Pauline Girardot Chevaucheur accompagne le retour du documentaire en salle sur l’ensemble du territoire national, via la diffusion de films auprès du grand public et le développement d’une offre de services en direction des professionnels. "Le problème propre au patrimoine, mais qui se retrouve amplifié dans le documentaire est celui du suivi des droits" explique la déléguée générale. "Par ailleurs tout ce qui a trait à la restauration ou à la conservation des œuvres relève beaucoup d’initiatives individuelles. Retrouver des films pour les faire circuler est donc parfois très complexe. Et cela peut concerner des grands noms. Nous aimerions programmer prochainement Ce monde-ci, un documentaire de Naomi Kawase qui date de 1996, mais il s’avère très difficile à trouver. Un autre exemple parlant concerne Claire Denis. Nous avions en option son film Vers Mathilde. Or il n’existe qu'en 35 mm et on ne trouve aucun lien. Il y a eu une édition DVD mais pour la trouver j'ai dû faire appel au réseau de vidéothécaires jusqu'à ce qu'un quelqu'un de la BNF me dise en avoir une copie en dépôt légal. Cela illustre le manque de moyens du secteur".

Patrice Carré
© crédit photo : Road Movies Filmproduktion


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