Cinéma

Lumière MIFC 2023 - Il était une fois la Suède

Date de publication : 18/10/2023 - 08:05

À la pointe du cinéma scandinave, la Suède a imposé sa différence à travers des réalisateurs comme Mauritz Stiller, Viktor Sjöström, Ingmar Bergman, Bo Widerberg et Mai Zetterling, mais aussi deux stars légendaires : Greta Garbo et Ingrid Bergman. Panorama et historique de ce cinéma à l’honneur du 11e MIFC.

Le cinéma suédois est né seulement un an et demi après l’invention des frères Lumière, à l’instigation d’un certain Ernest Florman qui a immortalisé, le 13 juillet 1897, L’arrivée du roi du Siam à Stockholm, projeté pour la première fois six jours plus tard. Il faut toutefois attendre une quinzaine d’années de plus pour que le 7e art local trouve son allure de croisière, à l’instigation de Victor Sjöström (1879-1960) et Mauritz Stiller (1883-1928) qui débutent l’un et l’autre en 1912 et marquent la période du muet par leurs audaces narratives et esthétiques. Au point que le producteur Louis B. Mayer les invite à Hollywood où le premier tourne au moins deux chefs-d’oeuvre, La lettre écarlate (1926) et Le vent (1928), tandis que le second exige de venir accompagné de Greta Garbo qu’il a mis sur orbite dans La légende de Gösta Berling (1924).

Pendant ce temps-là, en Suède, la relève se fait attendre, bien que Gustaf Molander (1888-1973) révèle quant à lui une autre future star en la personne d’Ingrid Bergman dans Intermezzo (1936) et aborde à peu près tous les genres, en mettant le pied à l’étrier à un jeune scénariste lui aussi nommé Bergman, mais prénommé Ingmar.

La période de la Seconde Guerre mondiale s’avère paradoxalement faste pour le cinéma suédois qui fait fi de la neutralité du pays pour dénoncer le totalitarisme nazi et remonter le moral de ses concitoyens, à l’instigation de nouveaux talents tels qu’Alf Sjöberg (1903-1980), lauréat de deux grands prix à Cannes pour Tourments en 1946 et Mademoiselle Julie en 1951, et Arne Mattsson (1919-1995) dont Elle n’a dansé qu’un seul été décroche l’Ours d’or à Berlin en 1952.
 
Génération sixties
L’actrice de renommée internationale Mai Zetterling passe derrière la caméra dans les années 1960 et signe une poignée de longs métrages féministes dont Les amoureux, en compétition à Cannes en 1965, Docteur Glas, sélectionné en 1968 mais jamais projeté pour cause d’interruption du festival, Les filles (1968) et Amorosa, en compétition à Venise en 1986.
 
Les années 1960 voient l’émergence d’une nouvelle génération dans l’ombre écrasante d’un glorieux compatriote devenu l’un des maîtres du cinéma mondial, Ingmar Bergman. Lauréat du prix qui porte son nom en 2003 pour son combat contre les coupures publicitaires des films diffusés à la télévision suédoise, Vilgot Sjöman (1924-2006) vaut à l’une de ses égéries, Bibi Andersson, l’Ours d’argent 1963 de la meilleure actrice à Berlin pour son premier film, La maîtresse, avant de connaître une renommée mondiale avec Je suis curieuse - édition jaune (1967) et… Édition bleue (1968).
 
Marqué quant à lui par la Nouvelle Vague, Bo Widerberg (1930-1997) s’impose sur un registre plus social qui lui vaut le grand prix cannois en 1969 pour Ådalen 31 et le prix du jury en 1971 pour Joe Hill. Jan Troell, né en 1931, est pour sa part l’auteur d’un chef-d’oeuvre en deux parties : Les émigrants (1971) et Le nouveau monde (1972).
 
La relève suédoise
Non contente de répandre ses talents à l’international, la Suède a également exporté bon nombre de comédiens outre-Atlantique, parmi lesquels les interprètes d’Ingmar Bergman occupent une place de choix, qu’il s’agisse de Bibi Andersson (Quintet de Robert Altman), Lena Olin (The Reader), Max von Sydow (L’exorciste de William Friedkin) ou Erland Josephson (L’insoutenable légèreté de l’être). Mais ils sont loin d’être les seuls, comme l’atteste le succès sur des registres divers et à des époques différentes d’Anita Ekberg (La dolce vita), Maud Adams (Octopussy), Britt Ekland (The Wicker Man), Alicia Vikander (Oscar 2016 de la meilleure actrice dans un second rôle pour The Danish Girl), Noomi Rapace (Millenium), Rebecca Ferguson (Ilsa Faust dans la franchise Mission: Impossible), Malin Åkerman (12 heures), Dolph Lundgren (de Rocky IV à Expendables), Bo Svenson (Le maître de guerre), Joel Kinnaman (RoboCop), Peter Stormare (John Wick 2), Michael Nyqvist (Une vie cachée) et évidemment Stellan, Alexander, Gustaf et Bill Skarsgård.

Parmi les réalisateurs, la relève est assurée par des francstireurs dont le plus insaisissable est Roy Andersson (né en 1943), stakhanoviste de la pub qui mûrit ses œuvres atypiques avec la patience d’un moine cistercien, au point de ne signer que six longs métrages en un demi-siècle dont A Swedish Love Story, grand prix à Berlin en 1970, Chansons du deuxième étage, prix du jury à Cannes en l’an 2000, Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence, Lion d’or à Venise en 2014, et Pour l’éternité, Lion d’argent de la mise en scène à la Mostra 2019.
 
Citons encore Lasse Hallström (né en 1946) que le succès de Ma vie de chien (1985) a propulsé vers Hollywood, Lukas Moodysson (né en 1969), révélé par Fucking Åmål (1998), et bien sûr le doublement palmé Ruben Östlund (né en 1974) qui présidait cette année le jury cannois. La page Bergman semble bel et bien tournée, même si son œuvre n’a certainement pas encore dévoilé tous ses secrets.

Jean-Philippe Guérand
© crédit photo : Carlotta Films


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