Cinéma

Lumière MIFC 2023 - Zoom sur la restauration d’"Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre"

Date de publication : 19/10/2023 - 08:20

La sortie de la version restaurée d’Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre a rencontré un vif succès dans les salles cet été. Une restauration haut de gamme qui a bénéficié de l'apport de l'intelligence artificielle, encadrée par l'expertise humaine.

La reprise dans les salles d’Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre a été un des faits marquants de l’été 2023, suscitant l’intérêt de près de 410 000 spectateurs. Pour cette nouvelle sortie, le film d’Alain Chabat, sorti en 2002, a fait l’objet d’une restauration complète en 4K Dolby Cinema et Dolby Atmos par Hiventy pour Pathé Films. Avec une particularité: l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour quelques plans du film.

Pathé disposait d’un master HD aux normes de 2000. Il n’y avait pas de DCP. En 2022, l’équipe de programmation avait encore recours aux copies 35 mm. “En 2002, nous étions aux prémices des films numériques. Nous tournions encore en 35 mm. Toute la postproduction avait été effectuée en numérique. Nous n’avions pas de négatif monté pour ce film”, explique Tessa Pontaud, directrice adjointe restauration-patrimoine de Pathé Films.

Un projet pharaonique
Par ailleurs, Astérix & Obélix: Mission Cléopâtre était un des premiers longs métrages tournés en argentique à être étalonné en numérique chez Duran Duboi. Pathé a tiré un internégatif en 35 mm (shoot), correspondant aux scans 2K du film étalonné. “Pour la restauration, nous aurions pu repartir de cet internégatif. Afin d’apporter au film la plus grande qualité, nous avons privilégié la meilleure source possible: les négatifs d’origine grande longueur. Nous avons souhaité apporter au film les dernières technologies: 4K, HDR et Dolby Cinema”, indique Tessa Pontaud.

Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre a été la première œuvre de patrimoine français à bénéficier de ces conditions. “Au lieu de partir d’un jeu de six ou huit bobines comme c’est le cas pour des restaurations classiques, nous avions plus de 300 bouts de négatifs répartis dans différentes boîtes. Nous avons dû tout numériser en basse définition, reconformer le film pour ensuite venir scanner en 4K 16 bits tous les plans du film en négatifs”, ajoute Benjamin Alimi, directeur de la Business Unit Classics chez Hiventy.

“Pour cette restauration, nous avons refait toute la postproduction du film, 20 ans plus tard. Avec le laboratoire, nous avons déployé de nombreux outils: des techniques artisanales comme réparer la pellicule, et les outils numériques les plus pointus avec l’IA. Cette restauration a été un immense défi technique impliquant d’importants moyens humains”, souligne Tessa Pontaud. “Cela a été un très gros projet, confirme Benjamin Alimi. Ce film résume bien ce qui fait la force du secteur de la restauration. Nous travaillons sur des technologies anciennes tout en ayant accès aux moyens de diffusion les plus modernes. Paradoxalement, le secteur de la restauration est parfois plus avancé que celui de la postproduction sur les films frais.”

Pour cette restauration, qui a bénéficié d’un retour sur film, Pathé Films a également fait appel à toute l’équipe d’origine du film: Alain Chabat, Laurent Dailland directeur de la photographie, Thierry Lebon au mixage et Cyril Contejan, directeur de la postproduction numérique.

Une meilleure définition grâce à l'IA et l'humain
Tous les plans truqués d'Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, réalisés à l’époque chez Duran Duboi, se trouvaient sur des cassettes DTF. Pathé Films voulait utiliser ce matériel plutôt que l’internégatif afin de gagner une génération. Seul hic: ces DTF ne pouvaient être lus en France. Les lecteurs DTF étaient devenus obsolètes. Pathé Films et Hiventy ont alors mené un travail de recherche à l’étranger pour ouvrir ces DTF. “La résolution de ces plans était en HD 8 bits et 1920 pixels de large. Notre contrainte était d’insérer ces plans dans une restauration en 4K 16 bits et 4096 pixels avec une définition et une texture particulières. Nous nous sommes rendu compte que l’intégration de ces plans était particulièrement rude. Il y avait un écart très important entre les VFX et une image extrêmement riche avec beaucoup de profondeur et de relief”, souligne Benjamin Alimi.

C’est face à cette situation que Pathé Films et Hiventy ont décidé, avec le directeur de la photographie Laurent Dailland, de recourir à l’intelligence artificielle à travers le logiciel Topaze “pour donner à ces 20 plans truqués sur DTF (soit deux minutes du film) une meilleure définition.” “Notre intention n’était pas de refaire les VFX. Nous voulions rester fidèles à l’œuvre et aux technologies de l’époque”, indique Tessa Pontaud.

Topaze permet de faire de l’upscale. Il va recréer de la définition, du relief et de la matière pour une meilleure intégration des plans larges. Cela a été le cas par exemple pour le plan du radeau de la Méduse et celui du chantier du palais. L’IA a été avant tout un outil au service de l’expertise humaine. “Il y a eu énormément de travail en amont sur les paramètres appliqués au logiciel afin d’avoir un résultat optimal. En aval, pour chaque plan, nous avions plusieurs versions proposées par Topaze”, spécifie Benjamin Alimi. Chaque sélection de plans a fait l’objet d’une concertation entre Pathé Films, Hiventy, Laurent Dailland et l’étalonneur Jérôme Bigueur. “L’intervention humaine reste très forte. L’IA apportait parfois trop de définition et des retouches humaines ont été nécessaires. Nous avons dû défocaliser certains plans via le logiciel d’étalonnage Resolve.”

Si l’IA a donc été une aide importante pour cette partie, elle a montré ses limites notamment au niveau du créatif et du subjectif. “L’IA ne rivalise pas avec l’œil humain. Notre appréciation subjective reste indispensable. L’IA ne peut pas apprécier la beauté de l’image. Par exemple, pour l’étalonnage, la notion d’harmonie va lui échapper”, estime Benjamin Alimi.

Pour Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre, l’IA n’avait pas vocation à faire gagner du temps à la restauration du film. Cette dernière a duré deux ans et demi. “Nous voulions prendre le temps nécessaire. Nous avons consacré cinq semaines à l’étalonnage avec quatre espaces colorimétriques différents”, précise Tessa Pontaud. “Pour d’autres films, dans certaines configurations, l’IA pourrait être un gain de temps pour les laboratoires”, indique Benjamin Alimi. Cela pourrait être le cas pour les fonds d’archives, comme les lots de VHS très abîmés. “Le contrôle humain sera toujours nécessaire, car l’IA, même si elle est en apprentissage permanent, reste une machine, elle n’a pas vocation à une sensibilité humaine”, prévient Tessa Pontaud.

De nombreux professionnels ont par ailleurs recours au logiciel de restauration Diamant qui intègre des plugins d’IA depuis deux-trois ans. Ils sont notamment utilisés pour les filtrages, avec, là encore, un encadrement humain très poussé. “L’utilisation de l’IA ne sera pas systématique pour la restauration de nos films. Depuis Astérix et Obélix: mission Cléopâtre, nous n’y avons d’ailleurs pas eu recours”, conclut Tessa Pontaud.

Florian Krieg
© crédit photo : Pathé


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