Cinéma

Lumière MIFC 2023 - Pauline Girardot Chevaucheur : "Il faut fédérer une filière autour de la restauration du patrimoine documentaire"

Date de publication : 19/10/2023 - 08:09

Alors que le Marché international du Film classique, dans le cadre de l'Année du Documentaire, consacre un important focus au documentaire de patrimoine, retour avec la déléguée générale de l’association Documentaire sur Grand Ecran pour en préciser les enjeux et problématiques.

Quelle est l’action de l’association Documentaire sur Grand Ecran (DSGE) autour du documentaire de patrimoine ?
Documentaire sur Grand Ecran assure depuis 32 ans la diffusion du cinéma documentaire en salles, d'abord par un catalogue de films, aujourd'hui riche de 270 films documentaires de patrimoine et d'actualité, le travail de programmation de films sous formes de cycles ou de doubles séances qui mettent en regard des films de patrimoine et des films en avant-premières. Ces doubles séances sont appelées Doc&Doc au Forum des Images, et chaque années certains de ces programmes sont repris par notre réseau de programmateur.rice.s en France et deviennent des "Double jeu". DSGE agit donc sur le documentaire de patrimoine à travers la conservation de copies (Beta, 35mm, 16mm...) et leur circulation partout en France.
 
Comment le catalogue de l’association se compose-t-il ?
La constitution du catalogue fait suite à l'activité de distribution qu'a eu l'association pendant une quinzaine d'année puisque les distributeurs s'engageant sur du documentaire était rares. L'association a ainsi acquis les droits de nombreux films qui sont finalement entrés dans la case patrimoine avec le temps, et d’autres œuvres importantes qui n'ont jamais été diffusées en France, comme les films de Johan van der Keuken par exemple. Aujourd'hui, même si l'activité de distribution commerciale s'est arrêtée, DSGE continue de nourrir la collection de films en prospectant des cinéastes documentaires surtout étrangers, qui seraient passé sous le radar de la distribution commerciale à l'époque. Récemment nous venons ainsi d'acquérir les droits de six films d'Ignacio Agüero, cinéaste très important au Chili et réputé en Amérique latine mais qui n'avait jamais été distribué en France.
 
Pourquoi distinguer le documentaire au sein de l’ensemble patrimoine cinématographique, français comme mondial ?
De la même manière que l'industrie, l'économie et la réception du cinéma documentaire diffère de la fiction, ces distinctions se répercutent et sont même amplifiées dans le cas du patrimoine. Le cinéma documentaire étant relativement récemment reconnu comme du cinéma, les films ne sont souvent jamais sortis en salle à leur époque et ont été placés du côté de l'audiovisuel, de l'archives ou de la trace historique.
 
Quelles principales problématiques relevez-vous aujourd’hui autour de la conservation et la restauration du patrimoine documentaire en France ?
Elles découlent de ce manque de considération du documentaire comme œuvre. La non-sortie en salles à l'époque et les coupures dans la chaine des ayants-droits (car souvent négligés) rendent la plupart des restauration inéligibles aux aides publiques. Ces règles sont tout à fait logiques dans le cas de la fiction mais ne s'adaptent pas aux films documentaires. Ainsi, même pour la restauration d'un film important comme F for Fake d'Orson Welles, nous nous sommes alliés à La Cinémathèque française qui a fait un formidable travail de levée de fonds privés pour financer la restauration. Sans eux, sans des partenaires aussi importants, une restauration de film documentaire dans un parcours classique peut être très compliquée, surtout quand nous avons acquis des droits sans être directement les descendants des cinéastes. Cette situation est encore accrue dans le cas d'acquisition de films étrangers.
 
Quel regard portez-vous sur la diffusion du patrimoine documentaire, et que pourrait être encore envisagé pour la favoriser ?
La diffusion du patrimoine documentaire est souvent placée du côté de l'action culturelle, par des associations, des cinémathèques comme des distributeurs. L'actualité est souvent l'occasion de cycles thématiques et de programmations dans des lieux en majorité non-commerciaux. Même des distributeurs qui travaillent le documentaire de patrimoine passent par ces séances non-commerciales et des diffusions dans des institutions publiques. Ce qui favoriserait la diffusion du patrimoine documentaire serait déjà de fédérer les différents moyens de restauration afin d'organiser une filière qui comprennent les enjeux techniques et juridiques des restaurations de documentaires. La restauration est cruciale pour une ressortie en salle et une diffusion large des films.
 
Quelle sera l’actualité de votre association dans les prochains mois ?
Dans les prochains mois, DSGE organise une tournée pour le Mois du Film documentaire, soutenue par la Cinémathèque du Documentaire, d'Ignacio Agüero en France afin de présenter son cinéma à l'occasion de la commémoration du coup d'Etat militaire de 1973. Un Double jeu est aussi proposé aux salles de cinéma autour de la sortie le 29 novembre d’Edouard Louis ou la transformation de François Caillat, accompagné de La sociologie est un sport de combat (2001) de Pierre Carles. Pour asseoir notre soutien à l'industrie documentaire, nous avons créé à partir de décembre les Rencontres de DSGE, réflexions sur le champ documentaire, au Forum des Images où nous invitons des professionnels à débattre et partager leurs expériences sur des enjeux propres au documentaire avec le grand public et notamment les étudiants. La Rencontre de DSGE du 13 décembre porte sur "ce que l'animation apporte au documentaire", le 13 mars 2024 sur "la place des festivals dans l'économie du documentaire" et le 19 juin sur "Libération, une histoire de la critique documentaire" avec Antoine de Baecque. Nous continuons les Doc&Doc chaque premier mardi du mois au Forum des Images, et surtout Best of Doc, notre festival de reprises de documentaires sortis l'année passée, en mars, sur deux semaines et dans une soixantaine de salles en France.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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