Cinéma

Lumière MIFC 2023 - Des efforts à faire pour le cinéma de patrimoine en ruralité

Date de publication : 20/10/2023 - 08:05

Coorganisée par l’ADRC et l’Afcae dans le cadre du parcours exploitants du Marché international du Film classique, une table-ronde scrutait, ce jeudi 19 octobre, l’exposition et la diffusion du cinéma de patrimoine en zones rurales.

Modérée par Isabelle Gibbal-Hardy, exploitante du cinéma Grand Action à Paris et membre de l’Afcae, le rendez-vous exploitant de ce 11e MIFC réunissait sur scène Rodolphe Lerambert, responsable du département patrimoine de l’ADRC, Pierre Nicolas, coordinateur des groupes Action Promotion et Patrimoine Répertoire de l’Afcae, Mariana Giana, exploitante du Cinéma-Théâtre de Tonnerre dans l’Yonne, et Jean-Pierre Surle, exploitant du Pestel de Die dans la Drôme.

La première partie de ce rendez-vous fut l’occasion de souligner de nombreux chiffres livrant une photographie du sujet sur le terrain. Chiffres qui diffèrent en effet selon la définition du terme-même de ruralité. Ainsi, si l’on se base sur la définition de l’Insee, qui qualifie de rurale une commune n’appartement pas à une unité urbaine de plus de 2 000 habitants (soit 88% des communes en France, pour 33% de la population en 2017) ; 249 de ces communes sont équipées d’une salle de cinéma, et 47 d’entre elles, soit 18%, bénéficient d’une intervention de l’ADRC Patrimoine.

Le CNC a pour sa part une définition différente, basée sur son célèbre classement alphabétique. Ainsi, les communes et unités urbaines de moins de 20 000 habitants (de catégorie E, donc) sont 971 à abriter une salle de cinéma, dont 294 (soit 30%) ont bénéficié l’an dernier d’une intervention ADRC Patrimoine. L’ADRC relève un total de 1 339 Programmations Patrimoine, soit 26% du total national.

Ces communes de catégorie E abritaient en outre, en 2022, 54,6% des cinémas classés art et essai (soit 697 établissements), pour 26,6% de la fréquentation. Et sur les 439 salles labellisées Patrimoine/Répertoire, 200 sont situées dans des zones urbaines de catégorie E, soit 45% du total.

"Place non négligeable"
"Quand on se penche sur les chiffres, en se basant sur le classement des salles en 2022, les salles de catégorie E sont au cœur de l’écosystème art et essai. Et le constat se corrobore pour les salles labelisées Patrimoine/Répertoire", a relevé pour sa part Pierre Nicolas. "Les salles de catégorie E occupent ainsi une place non négligeable jouent un rôle majeur dans la diffusion du cinéma art et essai, et l’Afcae continue, par ses actions, à valoriser leur travail."

Pour autant, cette table-ronde a permis aux intervenants institutionnels de mettre en avant trois constats liés à l’exposition du cinéma de patrimoine en ruralité. Tout d’abord, la diffusion dans les territoires ruraux des films d’art et essai est moins présente que dans les villes moyennes et grandes. Ensuite, l’action de diffusion de films de patrimoine apparaît plus limitée dans les zones rurales à faible densité de population.

Enfin, la programmation des circuits itinérants, situés généralement en zone très rurales, est assez peu développée en matière de patrimoine, à l’exception des séances estivales de plein air. Une situation qui pourrait être amenée à évoluer dans les mois et années à venir, selon de premiers échanges, semble-t-il fructueux, entamés sur le sujet entre l’ADRC, l’Afcae et l’Association nationale des cinémas itinérants (Anci).
 
Sur le terrain
Le rendez-vous fut l’occasion de zoomer sur deux expériences de terrain significatives. Tout d’abord, celle du Cinéma-Théâtre de Tonnerre, mono-écran situé dans une commune de 4700 habitants, classé art et essai et labellisé Jeune public, et qui compte près de 70% de sa programmation en art et essai. Le cinéma bénéficie en outre d’un complément de programmation par une association cinéphile locale mais aussi du travail de son association régionale, les CIBFC (Cinémas indépendants de Bourgogne-Franche-Comté), qui organise des tournées thématiques et intègre des films de patrimoine dans ses prévisionnements.

Mais aussi le Pestel de Die en région Auvergne-Rhône-Alpes ; mono-écran fondé voilà 80 ans exploité en DSP par Jean-Pierre Surle depuis 2015. Soit 207 places dans une commune de 5 000 habitants et une communauté de commune de 12 000 (le cinéma le plus proche est à 37km). Un établissement classé avec les trois labels, qui propose pour sa part une programmation patrimoniale notamment dans le cadre d’un ciné-club mensuel impulsé par son exploitant.

Parmi les difficultés rencontrées par les deux exploitants, les témoignages ont ainsi souligné la limitation éditoriale qu’impose de fait le format du mono-écran, du fait qu’une séance patrimoniale attire moins de spectateurs qu’un film frais, mais également le travail d’accompagnement et d’animation obligatoirement renforcé pour évènementialiser la séance de cinéma classique. Des choix éditoriaux qui ont un coût non-négligeable, surtout dans des zones rurales ne bénéficiant pas de postes d’animateur, et quand le distributeur exige un MG – ce qui arrive encore souvent pour les films classiques ou de patrimoine, selon les témoignages des exploitants dans la salle.

Ce, quand bien même l’ADRC peut parfois prendre en charge certains frais, notamment pour le déplacement des intervenants, si le cinéma est adhérent. L’Agence a par ailleurs rappelé qu’elle comptait dans son catalogue pas moins de 1 400 titres accessibles pour ses adhérents sans MG.

Sylvain Devarieux
© crédit photo : 'Cinq tulipes rouges' de Jean Stelli - Pathé Films


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