
Cannes 2025 – Shih-Ching Tsou réalisatrice de "Left-Handed Girl" : "Mes personnages incarnent des formes différentes de résistance silencieuse"
Date de publication : 15/05/2025 - 10:00
Collaboratrice de longue date de Sean Baker, la réalisatrice et actrice américano-taiwanaise, s’est inspirée pour sa première réalisation, présentée à la Semaine de la Critique, d'histoires vraies entendues ou vécues pendant son enfance à Taïwan.
Comment décririez-vous Left-Handed Girl en quelques mots ?
Une tempête silencieuse. C'est un portrait personnel et chargé d'émotion qui traite des tensions générationnelles, de l'identité et de la résistance silencieuse au sein d'une famille taïwanaise traditionnelle.
Comment vous est venue l'idée de ces trois personnages arrivant à Taipei ?
L'histoire m'a été inspirée par un souvenir d'enfance : mon grand-père m'avait dit un jour que la main gauche était la "main du diable". Cette idée m'a hanté et, avec le temps, elle est devenue un prisme à travers lequel j'ai commencé à comprendre le jugement générationnel, la conformité et la honte silencieuse d'être mal jugé, simplement pour être soi-même. C'est une histoire sur la façon dont les femmes de différentes générations naviguent entre tradition, contrôle et amour. Ces personnages sont inspirés de fragments de ma propre expérience et de scènes dont j'ai été témoin, chacun incarnant une forme différente de résistance silencieuse.
Vous avez coproduit le film avec Sean Baker, entre autres. Comment a-t-il été financé ?
Le film a pu voir le jour grâce au soutien important d'organismes publics taïwanais, notamment une subvention à la production du ministère de la Culture et le Fonds international de coproduction cinématographique de la Commission du film de Taipei. Leur soutien a constitué une base essentielle et a ancré le film dans ses racines culturelles. Nous avons également collaboré avec des partenaires britanniques et français, ce qui a renforcé notre stratégie internationale. Le Pacte, notre distributeur international français, s'est engagé très tôt dans le projet et s'est révélé un fervent défenseur du film. Sean Baker était initialement impliqué en tant que co-scénariste, producteur et monteur, grâce à notre longue collaboration. Les films que nous avions réalisés ensemble auparavant nous ont ouvert des portes lors des premières étapes du développement.
A-t-il été difficile de financer le film ?
Oui, c'est très difficile, surtout pour un premier long métrage solo qui n’épouse pas les normes commerciales. Mais je pense que notre honnêteté a finalement touché les bonnes personnes. Nous avons dû assembler le budget petit à petit et il y a eu des moments où j'ai pensé que le projet allait s'effondrer. Mais l'urgence de l'histoire m'a poussé à continuer. Heureusement, j'ai trouvé des alliés à Taïwan et parmi nos partenaires internationaux de coproduction.
Vous avez développé le scénario vous-même. Quelles ont été les principales étapes ?
J'ai coécrit le scénario avec Sean Baker. L'histoire est antérieure à notre première collaboration, Take Out. Nous avons créé la bande-annonce initiale en 2001, ainsi qu'un court script. Après avoir terminé Starlet, nous sommes retournés à Taïwan pour faire des recherches et avons écrit la première version du scénario. Nous avons également tourné une deuxième bande-annonce dans le même marché nocturne où Left-Handed Girl a finalement été filmé. Beaucoup des moments forts du scénario sont tirés d'histoires vraies que j'ai entendues ou vécues pendant mon enfance à Taïwan.
Comment avez-vous choisi vos actrices ?
Le processus de casting a été très intuitif. Je ne recherchais pas un professionnalisme raffiné, mais plutôt une présence brute et instinctive. J'avais besoin d'actrices capables de transmettre des émotions tacites et d'exprimer la vie intérieure de leurs personnages sans surjouer. J'ai découvert Shih-Yuan Ma (I-Ann) sur Instagram. C'est une actrice débutante qui dégage une présence naturelle et instinctive. Nina Ye (I-Jing), une star de la publicité à Taïwan, m'a été recommandée par un autre directeur de casting et m'a immédiatement impressionné. J'ai choisi Janel Tsai (Shu-Fen) après avoir lu une interview dans laquelle elle exprimait son désir de jouer un rôle qui la mettrait vraiment au défi.
N'est-il pas difficile de créer une famille fictive ?
Créer une famille fictive crédible était un défi, mais une fois les trois acteurs principaux réunis, le courant est passé. Grâce à mon casting extraordinaire, nous avons pu façonner une dynamique familiale authentique et captivante. Je leur ai donné la liberté d'explorer leurs relations de manière organique, et ils ont apporté une qualité naturelle et authentique qui a ancré le film.
Une tempête silencieuse. C'est un portrait personnel et chargé d'émotion qui traite des tensions générationnelles, de l'identité et de la résistance silencieuse au sein d'une famille taïwanaise traditionnelle.
Comment vous est venue l'idée de ces trois personnages arrivant à Taipei ?
L'histoire m'a été inspirée par un souvenir d'enfance : mon grand-père m'avait dit un jour que la main gauche était la "main du diable". Cette idée m'a hanté et, avec le temps, elle est devenue un prisme à travers lequel j'ai commencé à comprendre le jugement générationnel, la conformité et la honte silencieuse d'être mal jugé, simplement pour être soi-même. C'est une histoire sur la façon dont les femmes de différentes générations naviguent entre tradition, contrôle et amour. Ces personnages sont inspirés de fragments de ma propre expérience et de scènes dont j'ai été témoin, chacun incarnant une forme différente de résistance silencieuse.
Vous avez coproduit le film avec Sean Baker, entre autres. Comment a-t-il été financé ?
Le film a pu voir le jour grâce au soutien important d'organismes publics taïwanais, notamment une subvention à la production du ministère de la Culture et le Fonds international de coproduction cinématographique de la Commission du film de Taipei. Leur soutien a constitué une base essentielle et a ancré le film dans ses racines culturelles. Nous avons également collaboré avec des partenaires britanniques et français, ce qui a renforcé notre stratégie internationale. Le Pacte, notre distributeur international français, s'est engagé très tôt dans le projet et s'est révélé un fervent défenseur du film. Sean Baker était initialement impliqué en tant que co-scénariste, producteur et monteur, grâce à notre longue collaboration. Les films que nous avions réalisés ensemble auparavant nous ont ouvert des portes lors des premières étapes du développement.
A-t-il été difficile de financer le film ?
Oui, c'est très difficile, surtout pour un premier long métrage solo qui n’épouse pas les normes commerciales. Mais je pense que notre honnêteté a finalement touché les bonnes personnes. Nous avons dû assembler le budget petit à petit et il y a eu des moments où j'ai pensé que le projet allait s'effondrer. Mais l'urgence de l'histoire m'a poussé à continuer. Heureusement, j'ai trouvé des alliés à Taïwan et parmi nos partenaires internationaux de coproduction.
Vous avez développé le scénario vous-même. Quelles ont été les principales étapes ?
J'ai coécrit le scénario avec Sean Baker. L'histoire est antérieure à notre première collaboration, Take Out. Nous avons créé la bande-annonce initiale en 2001, ainsi qu'un court script. Après avoir terminé Starlet, nous sommes retournés à Taïwan pour faire des recherches et avons écrit la première version du scénario. Nous avons également tourné une deuxième bande-annonce dans le même marché nocturne où Left-Handed Girl a finalement été filmé. Beaucoup des moments forts du scénario sont tirés d'histoires vraies que j'ai entendues ou vécues pendant mon enfance à Taïwan.
Comment avez-vous choisi vos actrices ?
Le processus de casting a été très intuitif. Je ne recherchais pas un professionnalisme raffiné, mais plutôt une présence brute et instinctive. J'avais besoin d'actrices capables de transmettre des émotions tacites et d'exprimer la vie intérieure de leurs personnages sans surjouer. J'ai découvert Shih-Yuan Ma (I-Ann) sur Instagram. C'est une actrice débutante qui dégage une présence naturelle et instinctive. Nina Ye (I-Jing), une star de la publicité à Taïwan, m'a été recommandée par un autre directeur de casting et m'a immédiatement impressionné. J'ai choisi Janel Tsai (Shu-Fen) après avoir lu une interview dans laquelle elle exprimait son désir de jouer un rôle qui la mettrait vraiment au défi.
N'est-il pas difficile de créer une famille fictive ?
Créer une famille fictive crédible était un défi, mais une fois les trois acteurs principaux réunis, le courant est passé. Grâce à mon casting extraordinaire, nous avons pu façonner une dynamique familiale authentique et captivante. Je leur ai donné la liberté d'explorer leurs relations de manière organique, et ils ont apporté une qualité naturelle et authentique qui a ancré le film.
Où et quand avez-vous tourné ?
Nous avons tourné à Taipei, à Taïwan, principalement dans un marché nocturne local très animé pendant l'été chaud et humide. Le marché nocturne est devenu un personnage à part entière, vibrant et bruyant en surface, mais animé d'une solitude et d'émotions sous-jacentes. Nous avons beaucoup utilisé la lumière naturelle afin de préserver l'authenticité du décor. La beauté du marché nocturne réside dans son chaos, qui reflète le désordre intérieur des personnages. Nous avions très peu de contrôle sur l'environnement, ce qui était souvent stressant, mais cette imprévisibilité a également insufflé au film une énergie brute, vivante et immédiate.
Avez-vous fait des choix particuliers en tant que réalisatrice ?
J'ai volontairement constitué une équipe réduite et agile afin que nous puissions rester presque invisibles, nous fondre dans l'environnement pour capturer son énergie brute et sans filtre. L'objectif était d'observer plutôt que d'imposer, de laisser les moments réels émerger naturellement devant la caméra. Je voulais que la photographie donne l'impression de respirer avec les personnages, afin que le public puisse ressentir leurs émotions de l'intérieur. J'ai également accepté l'imperfection : si un plan était légèrement tremblant ou si une réplique était inégale mais semblait émotionnellement honnête, je la gardais. Nous avons renoncé aux répétitions afin de préserver un sentiment de spontanéité et de laisser place à des découvertes inattendues pendant la production. Les actrices ont joué un rôle essentiel dans la construction de l'arc émotionnel de leurs personnages. Elles ne se contentaient pas de jouer, elles interprétaient, incarnaient et faisaient évoluer leurs rôles de l'intérieur.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières pendant le tournage ?
J’ai tellement d’anecdotes à partager ! Tourner dans un marché nocturne animé signifiait que les gens interrompaient constamment les scènes, nous regardaient fixement, passaient devant la caméra. À un moment donné, un client a même essayé de commander à manger à notre actrice au milieu d'une prise. Mais j'ai adoré ces moments-là, ils nous ont obligés à rester alertes et réactifs. La tension que nous ressentions en tant qu'équipe reflétait souvent la tension émotionnelle des scènes. Cela a donné au film une authenticité que je ne changerai pour rien au monde.
Nous avons tourné à Taipei, à Taïwan, principalement dans un marché nocturne local très animé pendant l'été chaud et humide. Le marché nocturne est devenu un personnage à part entière, vibrant et bruyant en surface, mais animé d'une solitude et d'émotions sous-jacentes. Nous avons beaucoup utilisé la lumière naturelle afin de préserver l'authenticité du décor. La beauté du marché nocturne réside dans son chaos, qui reflète le désordre intérieur des personnages. Nous avions très peu de contrôle sur l'environnement, ce qui était souvent stressant, mais cette imprévisibilité a également insufflé au film une énergie brute, vivante et immédiate.
Avez-vous fait des choix particuliers en tant que réalisatrice ?
J'ai volontairement constitué une équipe réduite et agile afin que nous puissions rester presque invisibles, nous fondre dans l'environnement pour capturer son énergie brute et sans filtre. L'objectif était d'observer plutôt que d'imposer, de laisser les moments réels émerger naturellement devant la caméra. Je voulais que la photographie donne l'impression de respirer avec les personnages, afin que le public puisse ressentir leurs émotions de l'intérieur. J'ai également accepté l'imperfection : si un plan était légèrement tremblant ou si une réplique était inégale mais semblait émotionnellement honnête, je la gardais. Nous avons renoncé aux répétitions afin de préserver un sentiment de spontanéité et de laisser place à des découvertes inattendues pendant la production. Les actrices ont joué un rôle essentiel dans la construction de l'arc émotionnel de leurs personnages. Elles ne se contentaient pas de jouer, elles interprétaient, incarnaient et faisaient évoluer leurs rôles de l'intérieur.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières pendant le tournage ?
J’ai tellement d’anecdotes à partager ! Tourner dans un marché nocturne animé signifiait que les gens interrompaient constamment les scènes, nous regardaient fixement, passaient devant la caméra. À un moment donné, un client a même essayé de commander à manger à notre actrice au milieu d'une prise. Mais j'ai adoré ces moments-là, ils nous ont obligés à rester alertes et réactifs. La tension que nous ressentions en tant qu'équipe reflétait souvent la tension émotionnelle des scènes. Cela a donné au film une authenticité que je ne changerai pour rien au monde.
Pourquoi avez-vous choisi Sean Baker pour monter le film ?
Sean Baker et moi collaborons depuis plus de 20 ans, et comme il a coécrit le scénario, il était tout naturel qu'il monte Left-Handed Girl. Sa profonde compréhension des personnages et des rythmes émotionnels que nous avions imaginés le rendait particulièrement apte à façonner le film en post-production. Son instinct pour le rythme et la retenue narrative a été essentiel pour préserver l'intégrité émotionnelle du film.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Nous l'avons terminé quelques semaines avant Cannes. Ce fut une course contre la montre : mixage, finalisation des couleurs, peaufinage du montage. Mais je suis contente d’avoir attendu que tout soit prêt. La dernière ligne droite a été intense, mais nécessaire.
Quelles sont vos attentes concernant la sélection dans la Compétition de la Semaine de la critique
La Semaine de la critique est réputée depuis longtemps pour mettre en lumière de nouvelles voix audacieuses, et je suis honorée que Left-Handed Girl fasse partie de cet héritage. J'espère que cette plateforme donnera de la visibilité à notre film, non seulement en tant que premier film, mais aussi en tant qu'histoire qui reflète la force que beaucoup portent en silence. Je veux qu'il touche ceux qui s'y reconnaissent et qu'il contribue à faire place à des histoires plus intimes et plus spécifiques à une culture. S'il suscite des discussions sur l'identité, la famille et les pressions invisibles auxquelles les femmes sont confrontées à travers les générations, alors il aura rempli sa mission.
Sean Baker et moi collaborons depuis plus de 20 ans, et comme il a coécrit le scénario, il était tout naturel qu'il monte Left-Handed Girl. Sa profonde compréhension des personnages et des rythmes émotionnels que nous avions imaginés le rendait particulièrement apte à façonner le film en post-production. Son instinct pour le rythme et la retenue narrative a été essentiel pour préserver l'intégrité émotionnelle du film.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Nous l'avons terminé quelques semaines avant Cannes. Ce fut une course contre la montre : mixage, finalisation des couleurs, peaufinage du montage. Mais je suis contente d’avoir attendu que tout soit prêt. La dernière ligne droite a été intense, mais nécessaire.
Quelles sont vos attentes concernant la sélection dans la Compétition de la Semaine de la critique
La Semaine de la critique est réputée depuis longtemps pour mettre en lumière de nouvelles voix audacieuses, et je suis honorée que Left-Handed Girl fasse partie de cet héritage. J'espère que cette plateforme donnera de la visibilité à notre film, non seulement en tant que premier film, mais aussi en tant qu'histoire qui reflète la force que beaucoup portent en silence. Je veux qu'il touche ceux qui s'y reconnaissent et qu'il contribue à faire place à des histoires plus intimes et plus spécifiques à une culture. S'il suscite des discussions sur l'identité, la famille et les pressions invisibles auxquelles les femmes sont confrontées à travers les générations, alors il aura rempli sa mission.
Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR
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