
Cannes 2025 – Martin Jauvat réalisateur de "Baise-en-ville" : "J'essaye de développer une pensée sociale et politique avec légèreté"
Date de publication : 16/05/2025 - 08:57
Après avoir présenté son premier long métrage Grand Paris à l’Acid, le cinéaste a été sélectionné à la Semaine de la Critique qui programme son deuxième long en séance spéciale.
Comment décririez-vous Baise-en-ville en quelques mots ?
C'est une comédie très autobiographique qui raconte avec douceur et légèreté les galères du passage à l'âge adulte quand on est un jeune garçon un peu paumé en banlieue pavillonnaire. C'est un film qui raconte le monde du travail auquel est confrontée ma génération, mais aussi une éducation sentimentale moderne. Ça montre également les galères de transport qui accompagnent la vie en Grande Couronne, un sujet qui me tient beaucoup à cœur.
Comment vous est venue l'idée de ce personnage de Sprite ?
Sprite, c'est moi. Enfin moi je m'appelle pas Sprite, mais j'avais un pote, au lycée, Quentin Perrier, qu'on surnommait Sprite, et j’ai toujours trouvé ça très drôle. Ça faisait un moment que j’avais envie d’écrire un personnage qu’on appellerait Sprite. Sprite et moi on est très très proches. On partage cette espèce de candeur et de maladresse qui parfois nous donne l’air ridicule, mais au fond on est pas si naïfs que ça. On a pas confiance en nous, on a peur de rater notre vie et souvent on fait des bêtises en essayant de bien faire. Je me suis beaucoup inspiré d’un moment de doute existentiel que j’ai traversé au tournant de la vingtaine, quand je vivais une relation amoureuse compliquée et que je n’avais pas de taf ni de perspective d’avenir tangible. Je me suis motivé a travailler en intérim et à passer le permis de conduire pour ne pas rester chez moi à déprimer, et j’ai découvert des mondes pleins de fantaisie.
Un lien quelconque avec Grand Paris ?
Le lien est géographique d'abord. Je filme encore ma ville natale, Chelles, en Seine-et-Marne, et plus largement la Grande Couronne, autour de Marne-la-vallée. C'est là que j'ai grandi. Je raconte encore cette ambiance que je trouve unique là-bas. Et puis, c’est une comédie, qui essaye d’éclairer notre monde avec bienveillance et fantaisie. J'essaye de développer une pensée sociale et politique avec légèreté, de montrer la grande banlieue, ses joies et ses galères. J'aime ancrer des développements loufoques dans des situations et des personnages très réalistes a priori très réalistes : ici, passer le permis, aller en date et bosser en interim. Ce qui m'intéresse, c'est la poésie et la fantaisie qu'on peut trouver dans le banal. Le quotidien contient toujours un potentiel de folie. Je travaille moins le film de genre que dans Grand Paris. J'avais envie d'essayer autre chose, de travailler une autre façon de raconter une histoire plus simple, au moins en apparence. Mais je dirais que le ton global est similaire.
Le film a été de nouveau produit par Ecce Films. Qu’attendez-vous d’un producteur ?
Déjà on s'entend très bien, humainement. Et puis surtout il aime et comprend ce que je fais. Il me fait confiance et me laisse une liberté à peu près totale. Il me soutient dans mes choix tout en m'aidant ponctuellement à les questionner et ainsi, à progresser. Il est très disponible et à l'écoute et il se bat comme un ouf pour le film. Toutes ces raisons font que je considère Emmanuel Chaumet comme le producteur idéal. Et en prime il est rigolo.
Votre film fut-il difficile à financer ?
Contrairement à tous les films que j'ai pu faire, et même plus largement tout ce que j'ai tenté de faire dans ma vie, Baise-en-ville s'est déroulé très facilement. Mon premier film avait été particulièrement difficile à financer - en fait, il ne l'a même jamais été, et il existe uniquement parce qu'on a fini par tourner avec un budget de court-métrage. J'imagine que ce second film a bénéficié des galères du premier, que beaucoup de gens ont fini par voir, même si on est très très loin d'avoir fait un raz-de-marée au boxoffice. Le Pacte, mon distributeur, s'est positionné très rapidement sur le film. France 2 et Netflix ont suivi dans la foulée. Je n'en croyais pas mes yeux. On a même eu la fondation Gan et l'avance sur recettes dans la dernière ligne droite de la prépa, juste avant de tourner. Je suis passé d'un budget de 200 000 euros à 3,5 M€ en un an ! Mais je n'ai pas eu le temps de stresser parce que tout allait trop vite, j'avais trop de boulot à préparer le film pour me poser des questions.
Vous avez développé de nouveau le scénario seul. Quelles ont été les principales étapes ?
J'avais envie d'écrire un film qui s'appellerait "Baise-en-Ville" depuis plusieurs années - depuis que j'ai appris l'existence de cet objet, à vrai dire. Pendant longtemps j'ai cogité sur ce titre, sans avoir la moindre idée d'histoire. Mais le titre en lui-même invite au voyage, et à la séduction, qui a un potentiel comique certain... J'ai exploré plusieurs idées de films, plusieurs envies de genres de cinéma, aussi, et puis des personnages, des enjeux assez variés, toujours autour du concept général du « baise-en-ville ». J'ai laissé le tout mariner pendant un bon moment, et c'est seulement après la sortie de Grand Paris, mon premier film, que j'ai réussi à trouver un truc qui me semble assez drôle et solide pour mériter un long-métrage. J'en ai parlé à mon producteur, qui s'est vite montré très emballé, et je me suis lancé illico presto dans l'écriture. À partir de là c'est allé très vite. Deux mois plus tard j'avais le scénario fini, dans sa version quasi définitive. Après, en vérité je n'étais pas tout à fait seul. Déjà je parle souvent de mes idées d'histoires avec ma copine, Mahaut Adam, qui est également réalisatrice et scénariste – et accessoirement, comédienne et costumière dans Baise-en-ville. Et puis, on a énormément échangé avec Chaumet, mon producteur, dans les premières étapes d'écriture. Il était très investi, lisait vite, rebondissait, c'était un véritable ping-pong. Ensuite, on a fait relire à une amie scénariste, Maïté Sonnet, ainsi qu'à Pascale Faure, avec qui j'avais commencé à développer très en amont le projet lors d'une résidence d'écriture à Clermont Ferrand. Puis on a obtenu l'aide à la réécriture du CNC, grâce à laquelle j'ai pu faire une semaine de consultation avec le scénariste Alain Layrac, qui m'avait déjà beaucoup aidé sur Grand Paris, et qui m'a aidé à passer un cap dans la dernière ligne droite de l'écriture.
Comment avez-vous choisi vos autres comédiens ?
Ça n'a pas été simple du tout, à part pour Michel Hazanavicius, que j'ai eu la chance de rencontrer au festival d'Alès et avec qui je me suis tout de suite super bien entendu. Il me fait trop rire et je le trouvais très bon comédien dans Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf. Je lui ai proposé et ça l'a fait délirer. Il est vraiment drôle et simple donc ça m'a pas particulièrement stressé de me dire que j'allais devoir diriger un réalisateur multi-oscarisé. Au contraire, c'était hyper fluide. En revanche je n'avais pas beaucoup d'idées au départ pour les personnages principaux féminins, pour une raison très simple, c'est que jusqu'ici j'avais uniquement bossé avec des potes de ma génération. Et principalement avec des garçons. Là j'avais envie d'écrire des personnages de femmes, et de femmes d'une autre génération que la mienne. J'ai beaucoup cherché, beaucoup réfléchi, et c'est mon amie Anaïde Rozam qui m'a soufflé l'idée d'Emmanuelle Bercot, que je connaissais finalement assez peu, et qui m'a immédiatement beaucoup plu. Géraldine Pailhas, c'est une idée de Kris de Belair, qui m'a énormément aidé sur le casting.
Avez-vous tourné de nouveau à Chelles et ses environs ?
J'ai énormément tourné à Chelles, ma ville natale, et dans ses environs proches. L'intégralité du film se déroule entre Chelles et Marne-la-Vallée. Je suis très attaché aux paysages et à la beauté singulière de cette ville où j'ai grandi. Et puis je raconte des histoires très personnelles, qui s'inspirent d'expériences réelles. Il me semble donc tout à fait logique de les filmer là où je les ai vécues. Et puis il y a une atmosphère unique, entre le Truman Show et Miyazaki. En tout cas ce sont des références que j'aime bien avoir en tête quand je cherche des décors.
Avez-vous mis au point une méthode de travail spécifique liée notamment au fait que vous jouez dans vos films ?
Le fait de jouer implique une organisation particulière sur le tournage. On prépare beaucoup les plans, les positions et les mouvements des personnages avec mon chef opérateur en amont, puis dès que le plan est calé je vais devant la caméra. Derrière je fais confiance à mon équipe qui regarde. Sur ce film, Mahaut, ma chérie, qui est également réalisatrice, s'occupait des costumes mais le faisait également des retours plus larges sur ce qu'on était en train de faire, c'était précieux. Et puis j'aime bien discuter avec tout le monde de ce qui se passe, même des gens dont le poste n'est pas censé être spécialement orienté vers l'artistique. Après, moi, comme comédien, je sais précisément ce que je veux et j'y arrive assez vite. Il y a forcément quelque chose d'assez immédiat dans le fait de se diriger soi-même. Je regarde peu les prises et essaye d'enchainer. Le travail de direction d'acteurs est très fluide, sans intermédiaire, puisque je suis généralement tout proche des autres comédiens, devant la caméra. Tout est très fluide et spontané.
Des difficultés particulières pendant le tournage ?
Ça s'est très bien passé. Hormis la météo qui nous a joué de vilains tours et qui nous a forcé à sans cesse rester sur le qui-vive pour nous adapter. Et puis si, quand même, j'ai dû passer le permis à toute vitesse pour tourner les scènes en voiture. Heureusement je l'ai eu du premier coup, contrairement au personnage que j'interprète ! Et puis j'ai fait, pour la première fois des cascades. Un vrai rêve de gosse ! J'avais une dizaine de bleus, partout sur le corps, après la première journée de cascades. Curieusement, ce n'est pas sur les moments de baston que je me suis fait le plus mal, mais sur une action beaucoup plus anodine, en sortant d'une salle de bains par la fenêtre ! Ensuite j'ai marché, pieds nus, sur une guêpe entre deux prises. C'était vraiment ma journée ce jour-là.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Le film vient d'être terminé, la semaine dernière. Tout a été très long, j'ai eu 8 semaines de tournage, puis le montage a commencé dans la foulée en juillet. Et on vient seulement de le terminer !
Qu'attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la Critique ?
Au risque de manquer un poil d'originalité je pense que Cannes est un super cadre pour un film ! J'y étais venu en 2022 présenter Grand Paris et on avait passé vraiment une semaine géniale avec mes potes. C'était dingue, sans doute les meilleurs moments de ma vie. On avait tellement galéré à faire ce film... Et ça s'est passé comme dans un rêve. Je me sens extrêmement fier et redevable de l'Acid. Sans l'Acid je n'aurais jamais été à Cannes, mon premier film n'aurait peut-être pas trouvé de distributeur et ne serait jamais sorti en salles, j'en aurais sûrement jamais fait de deuxième.
J'ai hâte maintenant de découvrir la Semaine, même si je n'oublierai jamais ce que j'ai vécu à l'Acid. La Semaine, c'est une programmation d'une qualité de malade, avec une équipe géniale et une exposition complètement différente. Certains de mes films préférés de ces dernières années étaient présentés à la Semaine : It Follows, de David Robert Mitchell, Take Shelter, de Jeff Nichols, Victoria, de Justine Triet, notamment. Je ressens une fierté et une joie immenses de venir montrer mon modeste film dans une sélection aussi prestigieuse. Et puis je me dis que c'est un cadre absolument idéal pour présenter une comédie à Cannes !
C'est une comédie très autobiographique qui raconte avec douceur et légèreté les galères du passage à l'âge adulte quand on est un jeune garçon un peu paumé en banlieue pavillonnaire. C'est un film qui raconte le monde du travail auquel est confrontée ma génération, mais aussi une éducation sentimentale moderne. Ça montre également les galères de transport qui accompagnent la vie en Grande Couronne, un sujet qui me tient beaucoup à cœur.
Comment vous est venue l'idée de ce personnage de Sprite ?
Sprite, c'est moi. Enfin moi je m'appelle pas Sprite, mais j'avais un pote, au lycée, Quentin Perrier, qu'on surnommait Sprite, et j’ai toujours trouvé ça très drôle. Ça faisait un moment que j’avais envie d’écrire un personnage qu’on appellerait Sprite. Sprite et moi on est très très proches. On partage cette espèce de candeur et de maladresse qui parfois nous donne l’air ridicule, mais au fond on est pas si naïfs que ça. On a pas confiance en nous, on a peur de rater notre vie et souvent on fait des bêtises en essayant de bien faire. Je me suis beaucoup inspiré d’un moment de doute existentiel que j’ai traversé au tournant de la vingtaine, quand je vivais une relation amoureuse compliquée et que je n’avais pas de taf ni de perspective d’avenir tangible. Je me suis motivé a travailler en intérim et à passer le permis de conduire pour ne pas rester chez moi à déprimer, et j’ai découvert des mondes pleins de fantaisie.
Un lien quelconque avec Grand Paris ?
Le lien est géographique d'abord. Je filme encore ma ville natale, Chelles, en Seine-et-Marne, et plus largement la Grande Couronne, autour de Marne-la-vallée. C'est là que j'ai grandi. Je raconte encore cette ambiance que je trouve unique là-bas. Et puis, c’est une comédie, qui essaye d’éclairer notre monde avec bienveillance et fantaisie. J'essaye de développer une pensée sociale et politique avec légèreté, de montrer la grande banlieue, ses joies et ses galères. J'aime ancrer des développements loufoques dans des situations et des personnages très réalistes a priori très réalistes : ici, passer le permis, aller en date et bosser en interim. Ce qui m'intéresse, c'est la poésie et la fantaisie qu'on peut trouver dans le banal. Le quotidien contient toujours un potentiel de folie. Je travaille moins le film de genre que dans Grand Paris. J'avais envie d'essayer autre chose, de travailler une autre façon de raconter une histoire plus simple, au moins en apparence. Mais je dirais que le ton global est similaire.
Le film a été de nouveau produit par Ecce Films. Qu’attendez-vous d’un producteur ?
Déjà on s'entend très bien, humainement. Et puis surtout il aime et comprend ce que je fais. Il me fait confiance et me laisse une liberté à peu près totale. Il me soutient dans mes choix tout en m'aidant ponctuellement à les questionner et ainsi, à progresser. Il est très disponible et à l'écoute et il se bat comme un ouf pour le film. Toutes ces raisons font que je considère Emmanuel Chaumet comme le producteur idéal. Et en prime il est rigolo.
Votre film fut-il difficile à financer ?
Contrairement à tous les films que j'ai pu faire, et même plus largement tout ce que j'ai tenté de faire dans ma vie, Baise-en-ville s'est déroulé très facilement. Mon premier film avait été particulièrement difficile à financer - en fait, il ne l'a même jamais été, et il existe uniquement parce qu'on a fini par tourner avec un budget de court-métrage. J'imagine que ce second film a bénéficié des galères du premier, que beaucoup de gens ont fini par voir, même si on est très très loin d'avoir fait un raz-de-marée au boxoffice. Le Pacte, mon distributeur, s'est positionné très rapidement sur le film. France 2 et Netflix ont suivi dans la foulée. Je n'en croyais pas mes yeux. On a même eu la fondation Gan et l'avance sur recettes dans la dernière ligne droite de la prépa, juste avant de tourner. Je suis passé d'un budget de 200 000 euros à 3,5 M€ en un an ! Mais je n'ai pas eu le temps de stresser parce que tout allait trop vite, j'avais trop de boulot à préparer le film pour me poser des questions.
Vous avez développé de nouveau le scénario seul. Quelles ont été les principales étapes ?
J'avais envie d'écrire un film qui s'appellerait "Baise-en-Ville" depuis plusieurs années - depuis que j'ai appris l'existence de cet objet, à vrai dire. Pendant longtemps j'ai cogité sur ce titre, sans avoir la moindre idée d'histoire. Mais le titre en lui-même invite au voyage, et à la séduction, qui a un potentiel comique certain... J'ai exploré plusieurs idées de films, plusieurs envies de genres de cinéma, aussi, et puis des personnages, des enjeux assez variés, toujours autour du concept général du « baise-en-ville ». J'ai laissé le tout mariner pendant un bon moment, et c'est seulement après la sortie de Grand Paris, mon premier film, que j'ai réussi à trouver un truc qui me semble assez drôle et solide pour mériter un long-métrage. J'en ai parlé à mon producteur, qui s'est vite montré très emballé, et je me suis lancé illico presto dans l'écriture. À partir de là c'est allé très vite. Deux mois plus tard j'avais le scénario fini, dans sa version quasi définitive. Après, en vérité je n'étais pas tout à fait seul. Déjà je parle souvent de mes idées d'histoires avec ma copine, Mahaut Adam, qui est également réalisatrice et scénariste – et accessoirement, comédienne et costumière dans Baise-en-ville. Et puis, on a énormément échangé avec Chaumet, mon producteur, dans les premières étapes d'écriture. Il était très investi, lisait vite, rebondissait, c'était un véritable ping-pong. Ensuite, on a fait relire à une amie scénariste, Maïté Sonnet, ainsi qu'à Pascale Faure, avec qui j'avais commencé à développer très en amont le projet lors d'une résidence d'écriture à Clermont Ferrand. Puis on a obtenu l'aide à la réécriture du CNC, grâce à laquelle j'ai pu faire une semaine de consultation avec le scénariste Alain Layrac, qui m'avait déjà beaucoup aidé sur Grand Paris, et qui m'a aidé à passer un cap dans la dernière ligne droite de l'écriture.
Comment avez-vous choisi vos autres comédiens ?
Ça n'a pas été simple du tout, à part pour Michel Hazanavicius, que j'ai eu la chance de rencontrer au festival d'Alès et avec qui je me suis tout de suite super bien entendu. Il me fait trop rire et je le trouvais très bon comédien dans Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf. Je lui ai proposé et ça l'a fait délirer. Il est vraiment drôle et simple donc ça m'a pas particulièrement stressé de me dire que j'allais devoir diriger un réalisateur multi-oscarisé. Au contraire, c'était hyper fluide. En revanche je n'avais pas beaucoup d'idées au départ pour les personnages principaux féminins, pour une raison très simple, c'est que jusqu'ici j'avais uniquement bossé avec des potes de ma génération. Et principalement avec des garçons. Là j'avais envie d'écrire des personnages de femmes, et de femmes d'une autre génération que la mienne. J'ai beaucoup cherché, beaucoup réfléchi, et c'est mon amie Anaïde Rozam qui m'a soufflé l'idée d'Emmanuelle Bercot, que je connaissais finalement assez peu, et qui m'a immédiatement beaucoup plu. Géraldine Pailhas, c'est une idée de Kris de Belair, qui m'a énormément aidé sur le casting.
Avez-vous tourné de nouveau à Chelles et ses environs ?
J'ai énormément tourné à Chelles, ma ville natale, et dans ses environs proches. L'intégralité du film se déroule entre Chelles et Marne-la-Vallée. Je suis très attaché aux paysages et à la beauté singulière de cette ville où j'ai grandi. Et puis je raconte des histoires très personnelles, qui s'inspirent d'expériences réelles. Il me semble donc tout à fait logique de les filmer là où je les ai vécues. Et puis il y a une atmosphère unique, entre le Truman Show et Miyazaki. En tout cas ce sont des références que j'aime bien avoir en tête quand je cherche des décors.
Avez-vous mis au point une méthode de travail spécifique liée notamment au fait que vous jouez dans vos films ?
Le fait de jouer implique une organisation particulière sur le tournage. On prépare beaucoup les plans, les positions et les mouvements des personnages avec mon chef opérateur en amont, puis dès que le plan est calé je vais devant la caméra. Derrière je fais confiance à mon équipe qui regarde. Sur ce film, Mahaut, ma chérie, qui est également réalisatrice, s'occupait des costumes mais le faisait également des retours plus larges sur ce qu'on était en train de faire, c'était précieux. Et puis j'aime bien discuter avec tout le monde de ce qui se passe, même des gens dont le poste n'est pas censé être spécialement orienté vers l'artistique. Après, moi, comme comédien, je sais précisément ce que je veux et j'y arrive assez vite. Il y a forcément quelque chose d'assez immédiat dans le fait de se diriger soi-même. Je regarde peu les prises et essaye d'enchainer. Le travail de direction d'acteurs est très fluide, sans intermédiaire, puisque je suis généralement tout proche des autres comédiens, devant la caméra. Tout est très fluide et spontané.
Des difficultés particulières pendant le tournage ?
Ça s'est très bien passé. Hormis la météo qui nous a joué de vilains tours et qui nous a forcé à sans cesse rester sur le qui-vive pour nous adapter. Et puis si, quand même, j'ai dû passer le permis à toute vitesse pour tourner les scènes en voiture. Heureusement je l'ai eu du premier coup, contrairement au personnage que j'interprète ! Et puis j'ai fait, pour la première fois des cascades. Un vrai rêve de gosse ! J'avais une dizaine de bleus, partout sur le corps, après la première journée de cascades. Curieusement, ce n'est pas sur les moments de baston que je me suis fait le plus mal, mais sur une action beaucoup plus anodine, en sortant d'une salle de bains par la fenêtre ! Ensuite j'ai marché, pieds nus, sur une guêpe entre deux prises. C'était vraiment ma journée ce jour-là.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Le film vient d'être terminé, la semaine dernière. Tout a été très long, j'ai eu 8 semaines de tournage, puis le montage a commencé dans la foulée en juillet. Et on vient seulement de le terminer !
Qu'attendez-vous de cette sélection à la Semaine de la Critique ?
Au risque de manquer un poil d'originalité je pense que Cannes est un super cadre pour un film ! J'y étais venu en 2022 présenter Grand Paris et on avait passé vraiment une semaine géniale avec mes potes. C'était dingue, sans doute les meilleurs moments de ma vie. On avait tellement galéré à faire ce film... Et ça s'est passé comme dans un rêve. Je me sens extrêmement fier et redevable de l'Acid. Sans l'Acid je n'aurais jamais été à Cannes, mon premier film n'aurait peut-être pas trouvé de distributeur et ne serait jamais sorti en salles, j'en aurais sûrement jamais fait de deuxième.
J'ai hâte maintenant de découvrir la Semaine, même si je n'oublierai jamais ce que j'ai vécu à l'Acid. La Semaine, c'est une programmation d'une qualité de malade, avec une équipe géniale et une exposition complètement différente. Certains de mes films préférés de ces dernières années étaient présentés à la Semaine : It Follows, de David Robert Mitchell, Take Shelter, de Jeff Nichols, Victoria, de Justine Triet, notamment. Je ressens une fierté et une joie immenses de venir montrer mon modeste film dans une sélection aussi prestigieuse. Et puis je me dis que c'est un cadre absolument idéal pour présenter une comédie à Cannes !
Patrice Carré
© crédit photo : DR
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