
Cannes 2025 – Anne Émond, réalisatrice de "Amour apocalypse" : "C’est un film qui reflète un peu le chaos de notre époque"
Date de publication : 20/05/2025 - 09:15
Depuis 2005, Anne Émond, qui vit et travaille à Montréal, a écrit et réalisé sept courts métrages et cinq longs métrages, dont : Nuit #1, Les Êtres chers, Nelly et Jeune Juliette. Elle est présente pour la première fois à Cannes avec Amour Apocalypse, sélectionné dans le cadre de la Quinzaine.
Comment décririez-vous Amour apocalypse en quelques mots ?
J’espère un film drôle, décalé et tendre; un film qui se situe quelque part entre une comédie, un film catastrophe, un film d’aventure, un drame familial, une dystopie et une comédie romantique. Un film qui reflète un peu le chaos de notre époque.
Un lien éventuel avec vos réalisations précédentes ?
Oui. De film en film, je m’intéresse systématiquement à des personnages singuliers, voire ostracisés, qui se sentent toujours un peu "à côté", qui se débattent avec la vie de manière plus ou moins intense. Au niveau du ton, par contre, j’expérimente quelque chose de nouveau. Je crois que c’est mon film le plus bizarre, mon film le moins sérieux même si les sujets qu’il aborde le sont.
Quel est le point de départ du film ?
Tout a commencé en 2020, quand je me suis sentie abruptement glisser vers la dépression. J’arrivais à la quarantaine et ça ne m’était jamais arrivé auparavant, je me suis sentie bien démunie. J’étais en terrain nouveau et glissant. Comme Adam, j’ai tout essayé pour aller mieux : sport, méditation, psychothérapie, changement d’alimentation... Je refusais absolument la médication. Un ami scénariste, me voyant sombrer, m’a fait le cadeau d’une lampe de luminothérapie. Comme dans le film, elle était accompagnée d’un numéro vers une ligne de soutien. Je n’ai jamais téléphoné finalement, mais j’ai commencé à m’inventer des conversations, pour moi-même, pour m’apaiser. C’est devenu un scénario, au fil des mois.
Quelles ont été les différentes étapes de l’écriture ?
J’ai écrit seule. L’écriture a été assez longue, un peu plus de quatre années, entrecoupées de quelques projets et de la pandémie. Ce qui est fou et effrayant, c’est qu’une des scènes cruciales du film - du moins, à mon avis - celle où Adam parle à la psychiatre de son éco-anxiété, a dû être complètement réécrite entre 2020 et son tournage, en 2024. L’état du monde s’était tellement détérioré en moins de cinq ans, que toutes les données scientifiques nommées par Adam ont dû être rectifiées. Parfois, notre blague pendant la prépa était d’accélérer le processus, pour tourner ce film avant que la planète n’explose pour de vrai!
A propos de vos producteurs de Metafilms… vous aviez déjà travaillé avec eux précédemment. C’était le partenaire idéal ?
Oui nous avons tourné trois films ensemble avant celui-ci : Nuit #1, Les êtres chers et Jeune Juliette. Au fil des années, Sylvain Corbeil et moi sommes devenus des amis. Je crois sincèrement que c’est le meilleur producteur canadien en ce moment. Il est très présent au contenu, dès les prémisses du scénario, il accompagne par la suite toutes les étapes de la création du film. Sa présence et son regard sont à la fois rassurants, exigeants et aimants. C’est un vrai allié.
Sur quelle base avez-vous constitué votre casting ?
Nous connaissons bien et aimons beaucoup Patrick Hivon, ici au Québec. Pour ma part, c’est dans La femme de mon frère, de Monia Chokri ainsi que dans La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, de Xavier Dolan, que je l’ai réellement découvert. J’ai pensé à lui assez tôt dans le processus d’écriture pour le rôle d’Adam, tout en gardant la porte ouverte à d’autres idées. Ceci dit, dès notre première rencontre, dans un parc, j’ai vu Adam en Patrick. C’est quelqu’un de très intense, d’intuitif, d’hypersensible, il possède une énergie presque animale. Il était plus que parfait pour incarner Adam.
Piper Perabo également est arrivée tôt dans le processus. Dès 2021, je revoyais par hasard The Prestige, de Christopher Nolan et je n’avais de yeux que pour elle. Sa présence douce, rassurante mais solide; son côté très solaire, très vivant mais toujours naturelle : j’ai rapidement eu l’instinct qu’elle serait une Tina parfaite. Nous avons été chanceux qu’elle accepte de venir tourner ce film au Québec avec nous. À bien des égards, ce tournage a été magique. La chimie qui existe à l’écran, elle n'est pas feinte, elle est bien réelle.
Où et quand avez-vous tourné ?
Avec Olivier Gossot et Sylvain Lemaître, directeur de la photographie et concepteur artistique du film, nous voulions que chaque lieu et paysage choisis soit fortement marqué par le passage de l’humanité sur cette terre : mines à ciel ouvert, voies ferrés, pylônes, cheminées d’usine. Ainsi, les paysages d’hiver de méditation puis le champ verdoyant de la toute fin, sont les seuls lieux vierges du film. C’est là où les personnages arrivent à s’échapper. Nous voulions une atmosphère "doucement pré-apocalyptique" : peu de verdure, un smog quasi constant, des ciels caniculaires. Le film a donc été tourné entre septembre et novembre 2024, dans les banlieues de Montréal, ainsi que dans les petites villes industrielles de Sudbury et Thetford Mines.
Avez-vous mis au point une méthode de travail précise au fil de vos films ?
Malheureusement non! Pour moi, tout est toujours à recommencer, il me semble que chaque film a ses exigences et ses surprises. Chaque acteur ou actrice a sa façon d’être, de réagir. Chaque équipe forme une ambiance imprévisible. Il me semble que c’est une toute nouvelle aventure à chaque fois. C’est à la fois fort divertissant mais fort angoissant!
Quelles ont été les difficultés de tournage sur place ?
La première scène qu’on a tournée, le tout premier matin de tournage, c’est celle où Tina et Adam crèvent les pneus d’un SUV et fuient les lieux en courant avec leurs dix chiens. Nous avons dès lors compris que le tournage serait certainement un peu chaotique… Des chiens, des tempêtes, des tremblements de terre, des enfants, le tout en pellicule 35 mm dans un budget et un horaire de type "indie" : nous ne nous sommes pas ennuyés. Malgré tout, ce fut une très belle aventure humaine, l’ambiance sur le plateau était drôle et amicale. Tout le monde semblait avoir envie de tout donner pour bien raconter cette histoire.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Le 1e mai 2025, nous avons visionné la copie 0 du film en équipe!
A l’arrivée est-il semblable au film que vous aviez imaginé au départ ?
Je ne sais pas encore! Vraiment, je ne sais pas encore ce qu’on a fait.
Qu'attendez-vous de cette sélection à la Quinzaine ?
Je suis très heureuse pour l’équipe et pour les acteurs, car c’est une vitrine formidable et en effet, je crois que c’est le point de départ idéal pour cette oeuvre. C’est un film que j’ai souhaité singulier, humble et déroutant par moment. Il me semble que la Quinzaine est le bon écrin pour Amour Apocalypse, nous sommes choyés. J’espère sincèrement que le film touchera et amusera. On en a bien besoin en ce moment!
J’espère un film drôle, décalé et tendre; un film qui se situe quelque part entre une comédie, un film catastrophe, un film d’aventure, un drame familial, une dystopie et une comédie romantique. Un film qui reflète un peu le chaos de notre époque.
Un lien éventuel avec vos réalisations précédentes ?
Oui. De film en film, je m’intéresse systématiquement à des personnages singuliers, voire ostracisés, qui se sentent toujours un peu "à côté", qui se débattent avec la vie de manière plus ou moins intense. Au niveau du ton, par contre, j’expérimente quelque chose de nouveau. Je crois que c’est mon film le plus bizarre, mon film le moins sérieux même si les sujets qu’il aborde le sont.
Quel est le point de départ du film ?
Tout a commencé en 2020, quand je me suis sentie abruptement glisser vers la dépression. J’arrivais à la quarantaine et ça ne m’était jamais arrivé auparavant, je me suis sentie bien démunie. J’étais en terrain nouveau et glissant. Comme Adam, j’ai tout essayé pour aller mieux : sport, méditation, psychothérapie, changement d’alimentation... Je refusais absolument la médication. Un ami scénariste, me voyant sombrer, m’a fait le cadeau d’une lampe de luminothérapie. Comme dans le film, elle était accompagnée d’un numéro vers une ligne de soutien. Je n’ai jamais téléphoné finalement, mais j’ai commencé à m’inventer des conversations, pour moi-même, pour m’apaiser. C’est devenu un scénario, au fil des mois.
Quelles ont été les différentes étapes de l’écriture ?
J’ai écrit seule. L’écriture a été assez longue, un peu plus de quatre années, entrecoupées de quelques projets et de la pandémie. Ce qui est fou et effrayant, c’est qu’une des scènes cruciales du film - du moins, à mon avis - celle où Adam parle à la psychiatre de son éco-anxiété, a dû être complètement réécrite entre 2020 et son tournage, en 2024. L’état du monde s’était tellement détérioré en moins de cinq ans, que toutes les données scientifiques nommées par Adam ont dû être rectifiées. Parfois, notre blague pendant la prépa était d’accélérer le processus, pour tourner ce film avant que la planète n’explose pour de vrai!
A propos de vos producteurs de Metafilms… vous aviez déjà travaillé avec eux précédemment. C’était le partenaire idéal ?
Oui nous avons tourné trois films ensemble avant celui-ci : Nuit #1, Les êtres chers et Jeune Juliette. Au fil des années, Sylvain Corbeil et moi sommes devenus des amis. Je crois sincèrement que c’est le meilleur producteur canadien en ce moment. Il est très présent au contenu, dès les prémisses du scénario, il accompagne par la suite toutes les étapes de la création du film. Sa présence et son regard sont à la fois rassurants, exigeants et aimants. C’est un vrai allié.
Sur quelle base avez-vous constitué votre casting ?
Nous connaissons bien et aimons beaucoup Patrick Hivon, ici au Québec. Pour ma part, c’est dans La femme de mon frère, de Monia Chokri ainsi que dans La nuit où Laurier Gaudreault s’est réveillé, de Xavier Dolan, que je l’ai réellement découvert. J’ai pensé à lui assez tôt dans le processus d’écriture pour le rôle d’Adam, tout en gardant la porte ouverte à d’autres idées. Ceci dit, dès notre première rencontre, dans un parc, j’ai vu Adam en Patrick. C’est quelqu’un de très intense, d’intuitif, d’hypersensible, il possède une énergie presque animale. Il était plus que parfait pour incarner Adam.
Piper Perabo également est arrivée tôt dans le processus. Dès 2021, je revoyais par hasard The Prestige, de Christopher Nolan et je n’avais de yeux que pour elle. Sa présence douce, rassurante mais solide; son côté très solaire, très vivant mais toujours naturelle : j’ai rapidement eu l’instinct qu’elle serait une Tina parfaite. Nous avons été chanceux qu’elle accepte de venir tourner ce film au Québec avec nous. À bien des égards, ce tournage a été magique. La chimie qui existe à l’écran, elle n'est pas feinte, elle est bien réelle.
Où et quand avez-vous tourné ?
Avec Olivier Gossot et Sylvain Lemaître, directeur de la photographie et concepteur artistique du film, nous voulions que chaque lieu et paysage choisis soit fortement marqué par le passage de l’humanité sur cette terre : mines à ciel ouvert, voies ferrés, pylônes, cheminées d’usine. Ainsi, les paysages d’hiver de méditation puis le champ verdoyant de la toute fin, sont les seuls lieux vierges du film. C’est là où les personnages arrivent à s’échapper. Nous voulions une atmosphère "doucement pré-apocalyptique" : peu de verdure, un smog quasi constant, des ciels caniculaires. Le film a donc été tourné entre septembre et novembre 2024, dans les banlieues de Montréal, ainsi que dans les petites villes industrielles de Sudbury et Thetford Mines.
Avez-vous mis au point une méthode de travail précise au fil de vos films ?
Malheureusement non! Pour moi, tout est toujours à recommencer, il me semble que chaque film a ses exigences et ses surprises. Chaque acteur ou actrice a sa façon d’être, de réagir. Chaque équipe forme une ambiance imprévisible. Il me semble que c’est une toute nouvelle aventure à chaque fois. C’est à la fois fort divertissant mais fort angoissant!
Quelles ont été les difficultés de tournage sur place ?
La première scène qu’on a tournée, le tout premier matin de tournage, c’est celle où Tina et Adam crèvent les pneus d’un SUV et fuient les lieux en courant avec leurs dix chiens. Nous avons dès lors compris que le tournage serait certainement un peu chaotique… Des chiens, des tempêtes, des tremblements de terre, des enfants, le tout en pellicule 35 mm dans un budget et un horaire de type "indie" : nous ne nous sommes pas ennuyés. Malgré tout, ce fut une très belle aventure humaine, l’ambiance sur le plateau était drôle et amicale. Tout le monde semblait avoir envie de tout donner pour bien raconter cette histoire.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Le 1e mai 2025, nous avons visionné la copie 0 du film en équipe!
A l’arrivée est-il semblable au film que vous aviez imaginé au départ ?
Je ne sais pas encore! Vraiment, je ne sais pas encore ce qu’on a fait.
Qu'attendez-vous de cette sélection à la Quinzaine ?
Je suis très heureuse pour l’équipe et pour les acteurs, car c’est une vitrine formidable et en effet, je crois que c’est le point de départ idéal pour cette oeuvre. C’est un film que j’ai souhaité singulier, humble et déroutant par moment. Il me semble que la Quinzaine est le bon écrin pour Amour Apocalypse, nous sommes choyés. J’espère sincèrement que le film touchera et amusera. On en a bien besoin en ce moment!
Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Gaëlle Leroyer
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