Cinéma

Cannes 2025 – Eva Victor réalisatrice de "Sorry, Baby" : "C’est un film sur le chemin sinueux et lent vers la guérison"

Date de publication : 22/05/2025 - 10:30

Eva Victor s’est fait remarquer dans le monde de la comédie grâce à des vidéos devenues virales. Sorry, Baby qu’elle a écrit, réalisé et dans lequel elle tient le rôle principal, qui a été présenté au festival de Sundance, est le film de clôture de la 57e Quinzaine des Cinéastes.

Pouvez-vous décrire Sorry Baby en quelques mots ?
Sorry, Baby est un film sur le chemin sinueux et lent vers la guérison.

Comment avez-vous imaginé le personnage d'Agnès et son histoire ?
Agnès (j'adore l'ajout de l'accent grave, très chic) est un personnage que j'ai écrit pour qu'il soit plus direct que moi. Je voulais créer un personnage intelligent et introverti, mais aussi sec et sans concession. Elle traverse une période particulière de sa vie où elle lutte simplement pour survivre au quotidien, elle essaie juste de donner un sens à ce qui lui est arrivé.

Y a-t-il un lien avec vos vidéos précédentes ?
Je pense que mes vidéos m'ont beaucoup aidée à trouver l'humour dans des choses qui ne sont pas toujours drôles, et à monter une séquence pour qu'une blague fonctionne. Ça m'a aussi permis de m'entraîner à observer mon jeu et à savoir comment l'ajuster.

Quelles ont été les différentes étapes du processus d’écriture ?
J’ai écrit le scénario moi-même, seule dans une cabane dans le Maine en hiver. Mon chat était là. Les différentes étapes de mon processus… Beaucoup de promenades, beaucoup de lecture, beaucoup de réflexion, beaucoup de conduite. Puis, quand il était temps de mettre tout cela sur papier, beaucoup d’écriture, de sommeil, de nourriture, de réécriture. Toutes ces choses normales et peu romantiques. Le travail fastidieux et glorieux.

Comment travaillez-vous avec vos producteurs ?
Mes producteurs posent de très bonnes questions. J'ai compris que leur façon de donner des conseils consiste à poser des questions, afin de me pousser à trouver ma propre réponse. Ils ont compris qu'il s'agissait d'un projet très sensible et personnel pour moi, et je me suis sentie très protégée et en sécurité tout au long du tournage, sans jamais être traitée comme un enfant. Je leur suis vraiment reconnaissante d'avoir cru en moi avant d'avoir eu la preuve que j'étais capable de le faire. Je pense que la façon dont un producteur montre son respect à un cinéaste, c'est en étant honnête. Même quand c'est difficile.

Était-il évident pour vous que vous alliez jouer Agnès ?
Je n'ai jamais écrit ce film en pensant qu'il serait réalisé. Mais j'ai écrit le rôle d'Agnès pour moi-même, oui. Et quand est venu le moment de lui donner une voix, je l'ai fait. J'étais convaincue que je devais le faire.

Comment avez-vous trouvé les autres acteurs ?
Les autres acteurs sont arrivés de différentes manières : notre directrice de casting, Jessica Kelly, m'a présenté Naomi Ackie, qui est une personne très spéciale et extrêmement importante qui fait de ce film ce qu'il est. J'ai écrit une lettre à Lucas et je n'arrive toujours pas à croire qu'il ait accepté. Je suis tombée amoureuse de Kelly grâce à une cassette. J'ai aussi écrit une lettre à John. Et Louis est un ami, alors je lui ai demandé s'il accepterait de le faire. Ensuite, j'ai demandé à mes amis de la scène comique new-yorkaise de venir dans le Massachusetts pour jouer certains des autres rôles, et j'ai engagé des acteurs locaux de Boston. Tout le monde est tellement bon.

Où et quand avez-vous tourné ?
Nous avons tourné à Ipswich, dans le Massachusetts. Je voulais que ça ait un côté universitaire, ancien, institutionnel et beau. Le film se déroule dans le Maine, donc je voulais capturer cette atmosphère particulière de la côte de la Nouvelle-Angleterre. Je me suis inspiré de films comme Manchester by the Sea, et de l'ambiance grise, bleue et froide de l'hiver. Ça donne l'impression que chaque personne est toute petite dans un monde immense et gris.
Je voulais également situer le film dans un lieu qui me permette de jouer sur toute la palette des tons, de la comédie romantique à l'horreur. Bien sûr, le film n'est ni l'un ni l'autre, mais le cottage peut sembler être un nid douillet et chaleureux quand Lydie est là, et se transformer en une maison effrayante et froide, remplie de bruits fantomatiques quand Agnès est seule.

Avez-vous développé une méthode de travail particulière ?
J'étais à la fois derrière et devant la caméra, nous avons donc dû trouver un rythme particulier. D'une certaine manière, cela s'est avéré moins efficace, car je tournais la scène, puis je regardais le résultat pour voir si des ajustements étaient nécessaires. Mais j'ai également découvert une certaine efficacité, car je me notais mes performances, ce qui évitait tout problème de traduction. Je changeais simplement ce qui devait l'être.
Mes producteurs et ma directrice de la photographie ont joué un rôle essentiel dans ce processus, ils étaient mes yeux quand je ne pouvais pas voir. À la fin du tournage, ma directrice de la photographie et moi n'avions même plus besoin de discuter, elle connaissait si bien mes goûts qu'elle savait ce que je voulais modifier avant même que je n'arrive devant le moniteur.

Des difficultés particulières pendant le tournage ?
Il faisait très froid. Nous avons tourné une scène sur la plage et il y avait une alerte à l'ouragan, je crois. Dans tous les gros plans, Naomi et moi avions le nez qui coulait, nos cheveux nous fouettaient le visage et nous avions la bouche engourdie. C'est là tout le pouvoir de la post-production : nous avons supprimé le vent et ajouté des bruits d'oiseaux et le bruit apaisant de l'océan, et cela a donné une belle journée d'hiver, avec une brise légère.

Quand le film a-t-il été terminé ?
Nous l'avons tourné en février et mars 2024, puis nous avons finalisé le montage à l'automne de la même année. Nous avons travaillé sur le mixage jusqu'à environ deux semaines avant de partir pour Sundance au début de cette année.

Le résultat final est-il similaire au film que vous aviez imaginé au départ ?
D'une certaine manière, c'est exactement ce que j'avais imaginé. Mais il y a des choses qui me semblaient essentielles dans le scénario, mais une fois au montage, on s'est rendu compte que ça diluait l'émotion de l'œuvre.
Le film commence à vous parler pendant le montage, et il commence à rejeter certaines choses. C'est une expérience assez surréaliste. Le film devient une voix dans la pièce qui plaide pour que certaines choses soient faites d'une certaine manière. Au final, le cœur du film bat au même rythme que le scénario. C'est le même sentiment.

Comment avez-vous réagi en apprenant cette sélection à la Quinzaine ?
C'est un rêve devenu réalité en tant que cinéaste et en tant que réalisatrice d'être à Cannes dans cette section. Je suis née à Paris, donc la France est comme une deuxième maison pour moi, et Cannes, c'est vraiment un rêve qui se réalise. Je n'arrive toujours pas à y croire. Merci de m'avoir invité. Je ne pense pas que je m'en remettrai un jour.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR


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