Télévision

Annecy 2025 - Les personnages au cœur de l’imaginaire de Canal+

Date de publication : 13/06/2025 - 08:27

À la tête des unités programmes, chaînes jeunesse et animation de Canal+ depuis fin 2022, Christine Cauquelin défend une ligne éditoriale claire autour des « ré-créations originales » du groupe. À l’occasion du Mifa, elle en précise les contours. 

Canal+ a développé la notion de « ré-créations originales. » Comment incarne-t-elle votre vision de l’animation jeunesse ?

Nos productions animées se distinguent par leur richesse et diffèrent nettement de celles du monde anglo-saxon. Cette singularité s’explique notamment par nos écoles, solidement implantées en France, qui cultivent une créativité graphique remarquable. Nos ré-créations originales doivent puiser dans cette créativité. Proposer cette diversité, c’est permettre aux enfants d’exercer très tôt leur capacité à choisir ce qu’ils aiment — l’animation est un des premiers espaces pour cela. Nous avons besoin de cette diversité dans les écritures visuelles et dans ces personnages non formatés. Cela passe par plusieurs axes. Lors de ma première conférence à Annecy, il y a deux ans, j’avais insisté sur ces écritures plurielles. L’an dernier, j’avais mis en avant les valeurs que portent nos personnages. On ne raconte pas des histoires uniquement pour divertir. Ces récits permettent aux enfants de développer leur esprit critique, de s’ouvrir aux autres et au monde. Ils leur offrent aussi des modèles, des personnages-miroirs de ce qu’ils vivent au quotidien. Pour cette édition 2025 du Mifa, nous allons mettre en avant ces figures qui incarnent la richesse et la pluralité des univers graphiques. Ils doivent refléter la diversité de nos écritures.

Cette ambition passe par des concepts forts également à l’image des Minus (50x11’), votre série didactique sur la transition écologique.

Tout à fait. Nous sommes ravis de proposer cette série, produite par Miam ! Animation, diffusée à la rentrée sur notre antenne. Comme d’autres, elle porte une forte dimension métaphorique. Plutôt que de s’inscrire dans un registre trop ludo-éducatif, Minus propose un récit nourri de sous-texte, auquel les enfants sont très réceptifs. Ils n’ont pas toujours besoin d’un message au premier degré : l’histoire et les personnages leur servent de véritables guides. Dans Minus, les deux héros, Oli et Titus, redonnent vie à une communauté de jouets oubliés dans un grenier. Une manière sensible de rappeler qu’on peut s’amuser avec peu, l’essentiel étant avec qui l’on joue. J’aime cette petite morale dans les propos qui aide les enfants à grandir.

Vous proposez également des personnages bien identifiés par le jeune public à l’image de la série Ki & Hi au royaume Panda (52x11’), adaptation du manga créé par le YouTuber Kévin Tran.

Nous nous réjouissons à l’idée de diffuser en octobre 2025 cette production signée Mediawan Kids & Family et portée par un mangaka français. L’œuvre propose une vision très forte sur la relation fraternelle au quotidien.

Quels résultats d’audience obtenez-vous avec cette approche éditoriale ?

Après le cinéma et les séries, nous sommes le troisième genre le plus consommé sur l’application Canal+. Entre 2023 et 2024, nous avons enregistré une hausse de la consommation de 19%. Près d’un dessin animé sur deux, visionné sur la plateforme, provient de Canal+. Ces chiffres sont significatifs. Côté linéaire, Canal+ Kids reste la première chaîne jeunesse de l’univers payant, avec +18 % de consommation. Nous sommes aussi la première offre française. Tous les feux sont au vert.

A quoi peut-on s’attendre pour la saison 2025-26 ?

Parmi les productions à venir, nous aurons Max et Lapin (26x5’), une série très tendre pour les tout-petits, adaptée des albums d’Astrid Desbordes et produite par Dandelooo. Dans la veine des fratries turbulentes, Les Danger (10x13’, feuilletonnant), produite par Tchack, suit une grande sœur téméraire et son petit frère craintif, partis à la recherche de leur mère disparue.

Nous mettrons aussi à l’honneur des personnages féminins singuliers. Dans Le champ des orages (unitaire, Sacrebleu/Take Five), Manon et Émilie tentent de sauver des animaux menacés par une ligne électrique. Dans La grande rêvasion (Autour de minuit), Andréa, terrorisée par le spectacle de fin d’année, s’évade dans un monde imaginaire au graphisme très personnel, où elle gagne confiance en elle. Nous proposerons aussi l’adaptation de la BD La rose écarlate (20x22’, Label Anim), avec Maud, justicière masquée au XVIIIe siècle, et la deuxième saison de Kididoc (52x11’, 4.21 Production), série au récit fort et ancré dans la curiosité des plus jeunes.

Il est une fois (10x7’, Have a Nice Day Films), adapté des BD de Camille de Cussac, revisite les contes et en dépoussière la morale pour la réancrer dans notre époque. Et du côté des œuvres en production, nous développons une version animée de Ducobu avec une approche originale : une série drôle et bienveillante autour de ceux que l’école n’a pas toujours su comprendre et qui réussissent autrement.

A l’image de vos séries Miffy ou Paddington, on ressent ici une volonté de développer plus largement des IP au sein de Canal+.

Ce n’est pas le cas sur tous nos programmes mais effectivement, nous nous rejoignons au sein du groupe sur certaines œuvres qui font sens pour Studiocanal et les antennes du groupe.

Quel est votre regard sur la période que traverse actuellement l’animation ?

L’animation est un secteur en pleine mutation, et cela tient à une particularité qui est à la fois une force, un problème et parfois même la solution : c’est un marché très tourné vers l’international. Dirigeant également l’unité documentaires au sein de Canal+, je mesure combien ces deux genres ont une approche différente. Dans le documentaire, les productions restent souvent très franco-françaises et peinent à s’exporter. L’animation s’exporte à un tout autre niveau que le documentaire. Elle va chercher une part importante de son financement à l’international, ce qui en fait un secteur naturellement tourné vers l’extérieur. Alors, quand les marchés internationaux ont changé de cap, cela a inévitablement créé des tensions. D’autant plus que de nombreux studios français se sont développés grâce à la sous-traitance de productions étrangères, séduites par notre savoir-faire. Lorsque l’international a commencé à ralentir, cela a donc eu un double impact : moins de

financement pour les programmes français et moins de commandes pour les studios hexagonaux. À cela s’ajoute un autre virage : alors que la France reste très axée sur la jeunesse, les marchés anglo-saxons et asiatiques ont fortement investi dans l’animation pour jeunes adultes — un segment encore peu développé en France. Cela représente un vrai décalage, mais aussi une opportunité : ce marché reste à conquérir chez nous. 2025 est clairement une année de transition.

S’ajoutent à cela des évolutions dans les modes de consommation. L’essor des plateformes a remis en question le format classique des séries en 52 épisodes, pensé pour le linéaire. Aujourd’hui, les formats sont plus variés, plus courts ou au contraire plus longs, avec un glissement vers des contenus destinés à un public plus âgé.

Malgré ces bouleversements, je reste optimiste : la France dispose d’un écosystème solide, de talents formés chaque année par d’excellentes écoles, et de marges de progression importantes sur certains segments encore peu explorés.

 

Florian Krieg
© crédit photo : Cyrille George Jerusalmi/CANAL+


L’accès à cet article est réservé aux abonnés.

Vous avez déjà un compte


Accès 24 heures

Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici


Recevez nos alertes email gratuites

s'inscrire