
Festival de la Fiction 2025 - Zoom sur la bande originale des feuilletons quotidiens
Date de publication : 19/09/2025 - 07:31
Chaque année à La Rochelle, la Sacem met à l'honneur des compositeurs particulièrement investis dans les séries. C'est notamment le cas d'Emilie Gassin et Ben Violet. Avec leur confrère Matthieu Gonet, ils signent depuis de nombreuses années la bande originale de deux grands feuilletons quotidiens : Ici tout commence et Demain vous appartient. Ils racontent les coulisses de ce travail aussi colossal que singulier à travers cet entretien.
Depuis de nombreuses années, vous réalisez avec Matthieu Gonet la bande originale de deux grands feuilletons quotidiens : Ici tout commence et Demain vous appartient. Comment travaillez-vous sur de tels projets ?
Ben Violet : Un feuilleton quotidien, c’est une énorme machine. On n’agit pas sur l’image comme pour un film ou une série, on suit des arches. Les informations scénaristiques sont reçues en avance et, avec les monteurs musiques, les thèmes et les ambiances sont définis en amont. Ensuite, le travail se fait en partie au feeling : ce n’est pas à l’aveugle, mais guidé par notre ressenti du scénario. Après la phase de composition, notre travail est transmis au monteur, qui vérifie tout simplement si cela fonctionne.
Emilie Gassin : Nous sommes donc trois compositeurs sur ces séries avec Matthieu Gonet. Chaque mois, nous nous répartissons une partie des musiques pour avancer plus rapidement. Nous livrons un certain nombre de minutes de musique aux monteurs, présents sur les plateaux et dans les studios. Après huit ans de travail sur ces séries, nous sommes très rodés et disposons d’une direction artistique bien établie, avec un univers très spécifique pour chaque série
BV : Nous travaillons à flux tendus : un épisode est monté chaque jour. Ces cadences nous obligent à mettre en place des process presque protocolaires pour tenir la distance. Cela implique de ne pas travailler directement à l’image, ce qui prendrait beaucoup trop de temps. Les monteurs sur place collaborent avec nous depuis longtemps. Nous leur livrons des morceaux, avec les instruments plus ou moins séparés, afin de leur offrir une plus grande latitude de montage. C’est vraiment un travail de collaboration entre compositeurs et monteurs sur ce type de projet.
C'est assez paradoxal : même éloignés des studios, vous restez complètement immergés dans le collectif et vous vous situez très proches du scénario.
EG : Absolument. Nous sommes éloignés du processus, mais il est essentiel de rester au plus près de ce qui se passe. Nous sommes très liés au récit. Par exemple, lorsqu’un nouveau personnage arrive dans la série, nous lui rattachons souvent un nouveau thème.
BV : Nous faisons vraiment de la composition sur scénario.
Comment a évolué votre travail au cours des saisons ?
BV : Au départ, les premiers épisodes ont été réalisés avec beaucoup d’envie et d’entrain, mais de nombreuses erreurs ont émaillé toute la chaîne de production. Monter ce type de projet implique de gérer un risque énorme et d’accomplir un travail colossal, souvent largement sous-estimé. Avec toutes ces années d’expérience, notre façon d’écrire, de collaborer avec les monteurs musiques et notre approche de la composition sur scénario ont évolué. Nous espérons que cela se ressent dans le résultat.
EG : Au fil du temps, nous avons mis en place des processus que nous n’avions pas au départ et identifié de nouveaux besoins en matière d’ambiance. Demain nous appartient est une série qui tend vers le un thriller nécessitant des morceaux tendus et de suspense, mais aussi de la légèreté pour la dimension comédie. Chaque série conserve sa propre identité : sur Demain nous appartient, la musique est plus orchestrale et classique, avec des instruments organiques, tandis que sur Ici tout commence, davantage centré sur les jeunes, nous pouvons utiliser davantage de synthés et inclure plus de chansons.
BV : Ces éléments évoluent constamment : il faut régulièrement renouveler les sons et les méthodes de composition pour éviter la monotonie. Avec un épisode par jour, le risque de lassitude est réel. Emilie soulignait que nous composons également beaucoup de chansons pour ces séries. C’est un élément important du processus de composition. Nous avons même sorti des albums : à la fois de la musique instrumentale et des chansons. Les textes, écrits par Émilie, sont souvent rattachés à des personnages, du sur-mesure en permanence. Cela peut sembler du prêt-à-musiquer, mais ce n’est absolument pas le cas. C'est un véritable métier passion. Nous ne comptons pas nos heures.
EG : Notre travail est conséquent. Mais après huit ans sur ces projets, nous avons trouvé notre méthode pour que cela ne prenne pas tout notre temps. Avec Mathieu et Ben, nous répartissons chaque mois les thèmes à traiter, afin d’éviter les doublons et que chacun sache exactement où il va. Cela nous laisse également du temps pour d’autres projets. Il existe toujours le risque que le robinet de la créativité se bouche. Il faut alors trouver un moyen de recharger ses batteries pour repartir, car lorsqu’il n’y a pas d’idée, il n’y a vraiment pas d’idées. La créativité ne se commande pas.
Comment la renouveler justement ?
BV : Nous composons tous les jours. Nous avons créé une sorte de muscle. La musique dépasse la simple passion : c’est presque un acte spirituel et thérapeutique. Elle est vitale, et nous trouverons toujours les ressources pour générer de nouvelles idées.
EG : Nous écoutons constamment de la musique, nous regardons beaucoup de films, de séries et assistons à de nombreux concerts, ce qui nous nourrit énormément. En tant que couple, Ben et moi échangeons beaucoup : nos conversations sont toujours animées et inspirantes.
De nombreux compositeurs à l'image se plaignent d'un budget pas assez ambitieux pour les fictions. Est-ce votre cas avec les feuilletons ?
EG : Nous avons la chance de pouvoir produire nous-mêmes une grande partie des sons. À nous trois, nous couvrons un large spectre d’instruments, ce qui réduit considérablement nos besoins en budget. De plus, nous avons accès à un orchestre tous les deux mois, ce qui est un privilège rare pour une série.
BV : Comme dirait un célèbre footballeur, le métier il a changé : nous devenons aussi plus multifacettes, en composant, en produisant, et même en réalisant le mixage. Les budgets sont restreints, il faut donc accomplir la même chose avec moins. Mais ce qui a beaucoup changé, c’est que les logiciels permettent aujourd’hui de produire des maquettes, voire des versions définitives, d’une qualité très élevée.
Ben Violet : Un feuilleton quotidien, c’est une énorme machine. On n’agit pas sur l’image comme pour un film ou une série, on suit des arches. Les informations scénaristiques sont reçues en avance et, avec les monteurs musiques, les thèmes et les ambiances sont définis en amont. Ensuite, le travail se fait en partie au feeling : ce n’est pas à l’aveugle, mais guidé par notre ressenti du scénario. Après la phase de composition, notre travail est transmis au monteur, qui vérifie tout simplement si cela fonctionne.
Emilie Gassin : Nous sommes donc trois compositeurs sur ces séries avec Matthieu Gonet. Chaque mois, nous nous répartissons une partie des musiques pour avancer plus rapidement. Nous livrons un certain nombre de minutes de musique aux monteurs, présents sur les plateaux et dans les studios. Après huit ans de travail sur ces séries, nous sommes très rodés et disposons d’une direction artistique bien établie, avec un univers très spécifique pour chaque série
BV : Nous travaillons à flux tendus : un épisode est monté chaque jour. Ces cadences nous obligent à mettre en place des process presque protocolaires pour tenir la distance. Cela implique de ne pas travailler directement à l’image, ce qui prendrait beaucoup trop de temps. Les monteurs sur place collaborent avec nous depuis longtemps. Nous leur livrons des morceaux, avec les instruments plus ou moins séparés, afin de leur offrir une plus grande latitude de montage. C’est vraiment un travail de collaboration entre compositeurs et monteurs sur ce type de projet.
C'est assez paradoxal : même éloignés des studios, vous restez complètement immergés dans le collectif et vous vous situez très proches du scénario.
EG : Absolument. Nous sommes éloignés du processus, mais il est essentiel de rester au plus près de ce qui se passe. Nous sommes très liés au récit. Par exemple, lorsqu’un nouveau personnage arrive dans la série, nous lui rattachons souvent un nouveau thème.
BV : Nous faisons vraiment de la composition sur scénario.
Comment a évolué votre travail au cours des saisons ?
BV : Au départ, les premiers épisodes ont été réalisés avec beaucoup d’envie et d’entrain, mais de nombreuses erreurs ont émaillé toute la chaîne de production. Monter ce type de projet implique de gérer un risque énorme et d’accomplir un travail colossal, souvent largement sous-estimé. Avec toutes ces années d’expérience, notre façon d’écrire, de collaborer avec les monteurs musiques et notre approche de la composition sur scénario ont évolué. Nous espérons que cela se ressent dans le résultat.
EG : Au fil du temps, nous avons mis en place des processus que nous n’avions pas au départ et identifié de nouveaux besoins en matière d’ambiance. Demain nous appartient est une série qui tend vers le un thriller nécessitant des morceaux tendus et de suspense, mais aussi de la légèreté pour la dimension comédie. Chaque série conserve sa propre identité : sur Demain nous appartient, la musique est plus orchestrale et classique, avec des instruments organiques, tandis que sur Ici tout commence, davantage centré sur les jeunes, nous pouvons utiliser davantage de synthés et inclure plus de chansons.
BV : Ces éléments évoluent constamment : il faut régulièrement renouveler les sons et les méthodes de composition pour éviter la monotonie. Avec un épisode par jour, le risque de lassitude est réel. Emilie soulignait que nous composons également beaucoup de chansons pour ces séries. C’est un élément important du processus de composition. Nous avons même sorti des albums : à la fois de la musique instrumentale et des chansons. Les textes, écrits par Émilie, sont souvent rattachés à des personnages, du sur-mesure en permanence. Cela peut sembler du prêt-à-musiquer, mais ce n’est absolument pas le cas. C'est un véritable métier passion. Nous ne comptons pas nos heures.
EG : Notre travail est conséquent. Mais après huit ans sur ces projets, nous avons trouvé notre méthode pour que cela ne prenne pas tout notre temps. Avec Mathieu et Ben, nous répartissons chaque mois les thèmes à traiter, afin d’éviter les doublons et que chacun sache exactement où il va. Cela nous laisse également du temps pour d’autres projets. Il existe toujours le risque que le robinet de la créativité se bouche. Il faut alors trouver un moyen de recharger ses batteries pour repartir, car lorsqu’il n’y a pas d’idée, il n’y a vraiment pas d’idées. La créativité ne se commande pas.
Comment la renouveler justement ?
BV : Nous composons tous les jours. Nous avons créé une sorte de muscle. La musique dépasse la simple passion : c’est presque un acte spirituel et thérapeutique. Elle est vitale, et nous trouverons toujours les ressources pour générer de nouvelles idées.
EG : Nous écoutons constamment de la musique, nous regardons beaucoup de films, de séries et assistons à de nombreux concerts, ce qui nous nourrit énormément. En tant que couple, Ben et moi échangeons beaucoup : nos conversations sont toujours animées et inspirantes.
De nombreux compositeurs à l'image se plaignent d'un budget pas assez ambitieux pour les fictions. Est-ce votre cas avec les feuilletons ?
EG : Nous avons la chance de pouvoir produire nous-mêmes une grande partie des sons. À nous trois, nous couvrons un large spectre d’instruments, ce qui réduit considérablement nos besoins en budget. De plus, nous avons accès à un orchestre tous les deux mois, ce qui est un privilège rare pour une série.
BV : Comme dirait un célèbre footballeur, le métier il a changé : nous devenons aussi plus multifacettes, en composant, en produisant, et même en réalisant le mixage. Les budgets sont restreints, il faut donc accomplir la même chose avec moins. Mais ce qui a beaucoup changé, c’est que les logiciels permettent aujourd’hui de produire des maquettes, voire des versions définitives, d’une qualité très élevée.
Florian Krieg
© crédit photo : DR
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