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Cinéma

Lumière 2016 - Portrait de Catherine Deneuve, lauréate du 8e prix Lumière

Date de publication : 14/10/2016 - 08:30

Passée du statut de star à celui d’icône en un demi-siècle, la muse de Truffaut, Buñuel et Téchiné rejoint au panthéon du prix Lumière, qu’elle recevra ce soir, six réalisateurs et un acteur-réalisateur qu’elle a eu dix fois pour partenaire, Gérard Depardieu.

Clint Eastwood, Milos Forman, Gérard Depardieu, Ken Loach, Quentin Tarantino, Pedro Almodóvar, Martin Scorsese… Catherine Deneuve inscrit cette année ses pas dans ceux d’une cohorte de talents reconnus universellement. La juste consécration d’une carrière exemplaire qui n’a connu aucune des zones d’ombre et des traversées du désert qu’endurent souvent les actrices pour des raisons qui relèvent davantage de l’horloge biologique que du talent. Bon sang ne saurait mentir. Sa grand-mère était souffleuse, son père, dont elle revendique l’ironie, Maurice Dorléac, reconnu comme une ­sommité du doublage, sa mère Renée ­Simonot, dont elle a adopté le nom de jeune fille, est aujourd’hui âgée de 105 ans et fut pensionnaire du Théâtre de l’Odéon. Sans mentionner sa sœur aînée, Françoise Dorléac, qui lui a mis le pied à l’étrier et a incarné sa jumelle née sous le signe du taureau dans Les demoiselles de Rochefort, avant de trouver la mort à 25 ans. C’est d’ailleurs à son côté qu’elle tourne Les portes claquent avant de se faire remarquer dans L’homme à femmes, notamment par la journaliste de France-Soir, France Roche, qui la juge “discrète, sans être empaillée, proprette sans être banale, ingénue sans être niaise, et jolie, si jolie, sans avoir l’air de le savoir”.

Sous la houlette de Roger Vadim, qui la dirige dans Le vice et la vertu, libre adaptation du marquis de Sade où elle personnifie la pureté face à Annie Girardot, Catherine Deneuve est remarquée par Jacques Demy qui lui confie le rôle principal des Parapluies de Cherbourg, Palme d’or au Festival de Cannes 1964, précédé du prix Louis-Delluc et suivi de cinq nominations aux Oscars, qui la lancent sur le plan international. Roman Polanski (Répulsion), Luis Buñuel (Belle de jour et Tristana), Marco Ferreri (Liza et Touche pas à la femme blanche), Jean-Paul Rappeneau – qui l’encourage à parler plus vite dans La vie de château et Le sauvage –, François Truffaut (La sirène du Mississippi et Le dernier métro) l’entraînent dans des recoins inexplorés qui contribuent à sa réputation et placent sa carrière sous le signe des auteurs. À la pureté de son visage et à la lumière qu’elle irradie répondent leurs fantasmes. Devenue l’égérie d’Yves Saint Laurent, Catherine Deneuve sait vivre avec son temps et s’engager, que ce soit en signant le “manifeste des 343 salopes” demandant la légalisation de l’avortement, en 1971, en militant pour l’abolition de la peine de mort ou contre les violences faites aux femmes, voire en prêtant sa voix à des ouvrages publiés par les Éditions des Femmes.

Toujours en mouvement, la comédienne se régénère au contact de ses metteurs en scène et de ses partenaires. Là où beaucoup de ses contemporaines cèdent au conformisme pour continuer à exister coûte que coûte, elle a choisi d’aller toujours de l’avant et sait reconnaître le talent, sans jamais apparaître là où on l’attend. Sa carrière américaine se résume essentiellement à un film avec Robert Aldrich (La cité des dangers), quelques œuvres mineures et un projet jamais abouti avec Alfred Hitchcock. En Italie, ce sont Dino Risi et Mario Monicelli qui la sollicitent. Au fil des ­décennies, elle a ainsi été dirigée par des auteurs aussi différents que Claude Lelouch (Si c’était à refaire et À nous deux), Claude Berri (Je vous aime), François Dupeyron (Drôle d’endroit pour une rencontre), Régis ­Wargnier (Indochine et Est-Ouest), Manoel de Oliveira (Le couvent, Je rentre à la maison et Un film parlé), Leos Carax (Pola X), Philippe Garrel (Le vent de la nuit), Raoul Ruiz (Généalogies d’un crime, Le temps retrouvé et Les lignes de ­Wellington), Lars von Trier (Dancer in the Dark), Benoît Jacquot ­(Princesse Marie et 3 cœurs), François Ozon (8 femmes et Potiche), Thierry Klifa (Le héros de la famille, Les yeux de sa mère et Tout nous sépare), Christophe Honoré (Les bien-aimés), Pierre Salvadori (Dans la cour), Jaco van ­Dormael (Le tout nouveau testament), Paul Vecchiali (Le cancre) ou Martin Provost (La sage-femme), tout en répondant aux sollicitations des réalisatrices Agnès Varda (Les créatures), Nadine Trintignant (Ça n’arrive qu’aux autres), Nicole Garcia (Place Vendôme), Tonie Marshall (Au plus près du paradis), Valérie Lemercier (Palais royal !), Marjane Satrapi (Persépolis), Julie Lopes-Curval (Mères et filles), Emmanuelle Bercot (Elle s’en va et La tête haute) ou Florence Quentin (Bonne Pomme). Son secret : un désir qui ne s’est pas davantage émoussé que celui des cinéastes qu’elle inspire, à l’instar de sa collaboration emblématique avec André Téchiné qui compte aujourd’hui pas moins de sept films, d’Hôtel des Amériques (1981) à L’homme que l’on aimait trop (2014).

“Ma nature c’est davantage de faire du cinéma que d’être actrice.”

S’il est un emploi que les cinéastes associent volontiers à Catherine Deneuve, c’est celui de monarque. Tout commence en 1970 avec la reine bleue de Peau d’âne, un moment déterminant de sa carrière, dont elle incarnera le côté obscur 30 ans plus tard dans Le petit poucet d’Olivier Dahan, tout en campant la reine Anne d’Autriche dans D’Artagnan. Et puis, il y a aussi ce surnom de reine blanche qu’elle porte dans le film homonyme. Et encore la souveraine Eugénia de Palais Royal !, Cordelia, la reine d’Angleterre d’Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté ou Catherine II de Russie dans Dieu aime le caviar. Des têtes couronnées qui lui siéent à merveille. Depardieu n’a-t-il pas déclaré un jour d’elle spontanément qu’elle était l’homme qu’il aurait voulu être, elle qui a affirmé un jour : “Ma nature c’est davantage de faire du cinéma que d’être actrice.”  Selon Arnaud Desplechin, qui l’a dirigée, quant à lui, dans… Rois et reine et Conte de Noël, Catherine Deneuve “a choisi la légèreté contre la lourdeur, l’émotion contre le pathos, le romanesque contre le romantisme, la forme droite contre le kitsch”.

Concernant ses propres films, l’actrice les revoit rarement, en prétextant manquer de temps, car, souligne-t-elle : “Je ne suis pas du genre à ­m’asseoir et à réfléchir sur ce qui a été fait. D’ailleurs, je ne suis pas certaine que cela me permettrait de continuer à avancer…”  François Truffaut disait d’ailleurs d’elle : “Je suis convaincu que le spectateur trouve son bonheur simplement à regarder Catherine et que cette contemplation ­suffit à rembourser le prix du ticket d’entrée.” Pourtant, elle l’affirme depuis des lustres : “Je sais quand je m’arrêterai. Le jour où j’aurai ­l’impression que je m’ennuie. C’est un métier trop dérisoire pour accepter de s’y laisser enfermer.”  Pas question pour elle de se soumettre à une autorité quelconque. “La reconnaissance, les prix, les machins, tout ça n’est pas du tout mon truc, déclarait-elle il y a tout juste vingt ans. Les photos sur papier glacé vous figent assez comme ça. J’ai toujours résisté à la momification. À l’exception du buste de Marianne”,  auquel elle a servi de modèle en 1985. Et des trophées pour l’ensemble de sa carrière qu’elle a glanés dans les plus prestigieux festivals internationaux auxquels vient s’ajouter aujourd’hui le prix Lumière qui lui sera décerné ce 14 octobre.

À propos de la sélection de films choisis par Catherine Deneuve pour le Festival Lumière :

“Mes choix d’actrice sont aussi des choix de spectatrice, déclarait Catherine Deneuve
à Libération en 1998. Je suis capable d’aller voir un tout petit film indépendant qui se joue dans une seule salle à midi et la même semaine un gros machin, par exemple un film de Tim Burton, que j’adore.” Une dichotomie qui affleure de la sélection soumise au festival Lumière par cette comédienne qui goûte plus que toute autre l’intimité des salles obscures. “J’y suis chez moi. Quels que soient la ville et le pays. J’adore les salles. J’espère qu’elles survivront longtemps, malgré les possibilités, de plus en plus attrayantes, de faire son cinéma chez soi.”
Sa sélection ne compte aucun réalisateur avec lequel elle a eu l’occasion de tourner au cours de sa carrière. Ensuite parce qu’elle reflète l’exigence et la curiosité toujours en éveil d’une comédienne qui n’est montée qu’une seule fois dans sa vie sur une scène, encore était-ce pour dire un texte français (Je me souviens de Georges Perec) devant l’auditoire italien d’un festival culturel toscan. Enfin, parce cette inconditionnelle de Bresson, Kubrick et Resnais s’est peu épanchée sur ses goûts cinématographiques, sinon lorsqu’elle a eu l’occasion de siéger dans un jury voire de présider celui du Festival de Cannes, en 1994, qui attribua sa Palme d’or à Quentin Tarantino pour Pulp Fiction, ou celui de la Mostra de Venise, en 2006, qui couronne le cinéaste chinois Jia Zhangke pour Still Life. Ne figurent parmi ce panthéon que deux cinéastes contemporains, Martin Scorsese (Casino, 1995), qui a déclaré à son propos qu’“elle a une compréhension tellement aiguë de la manière dont sa beauté transparaît sur l’écran qu’elle réussit le surprenant exploit de la subvertir et en même temps de la garder intacte et rayonnante” ; et Raymond Depardon, représenté par sa trilogie documentaire Profils paysans : l’approche (2001), Profils paysans : le quotidien (2005) et La vie moderne (2008), réalisateur qui l’a toutefois surprise dans Reporters (1981) en proie aux paparazzis. L’autre metteur en scène français de cette sélection, Jean Renoir, est représenté par un film indien : Le fleuve (1951). Quant aux trois autres films qu’elle a choisis, ils sont l’œuvre d’un directeur d’actrices émérite, George Cukor, qui dirige un casting exclusivement féminin dans Femmes (1939), des duettistes britanniques Michael Powell et Emeric Pressburger à travers leur adaptation mémorable des Contes d’Hoffmann (1951) et d’Elia Kazan avec Le fleuve sauvage (1960).

Jean-Philippe Guerand
© crédit photo : Patrick Swirc


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