Cinéma

Annecy 2017 - Quelle stratégie adopter pour réussir à percer en Chine ?

Date de publication : 16/06/2017 - 08:45

Le pays mis à l'honneur cette année attire les regards et attise de nombreuses convoitises en raison de l'énormité de son marché en pleine expansion. Mais travailler avec la Chine ne s'improvise pas, certaines erreurs de base étant parfois difficile à rattraper.

La Chine n'a pas seulement envoyé une importante délégation officielle à Annecy, le rez-de-chaussée du Mifa donnant l'illusion aux visiteurs de pénétrer en plein cœur du pays. Une cinquantaine de sociétés ont en effet fait le déplacement, envoyant un contingent de près de 150 personnes. Mais si les Chinois revendiquent ouvertement leur besoin d'expertise auprès des Européens et notamment des Français, collaborer à long terme sur des projets peut s'apparenter au parcours du combattant pour les producteurs néophytes.

Consultante audiovisuelle spécialisée sur le marché franco-chinois, Chloé Rui Guo a fondé sa société Chloe G. Culture afin de répondre à des besoins précis en termes de recherche de partenaires et de financements, proposant aussi bien d'accompagner les Français en Chine que les Chinois en France. Parfaitement à l'aise avec les deux cultures, la jeune femme estime que les Français sous-estiment parfois les différences culturelles. Lors de premiers voyages professionnels en Chine pour rencontrer physiquement des partenaires, échanges de cadeaux et soirées interminables au restaurant sont la règle, aborder frontalement et trop rapidement les affaires en cours étant le meilleur moyen de froisser ses hôtes chinois. Difficile à comprendre pour des Français qui entendent arriver le plus rapidement possible au but qu'ils se sont fixés, alors que, pour les Chinois, la constitution du réseau passe avant toute autre considération.

Un Focus Territory consacré à la Chine a tenté de faire le point sur le sujet en mettant l'accent sur quelques clés indispensables pour pénétrer ce marché. La table ronde réunissait deux représentantes de DreamWorks Oriental, Melissa Cobb et Peilin Chou, aux côtés de Gary Wang, réalisateur de Tea Pets – présenté hors compétition – et fondateur de Light Chaser Animation Studios, et de Chao Wu, enseignante à l'Université des études étrangères de Guangdong.

"Coproduire avec la Chine suppose avant tout une collaboration qui passe par des échanges à tous niveaux", a souligné d'entrée de jeu Melissa Cobb qui a supervisé la production de Kung Fu Panda 3. Pour DreamWorks Oriental, l'enjeu principal était d'arriver à inventer une histoire susceptible de toucher de larges pans du public chinois, tout en conservant l'universalité de son récit, sans oublier le passage obligé sous les fourches caudines de la censure. L'animation a même été doublée, notamment pour respecter les grandes différences labiales entre le mandarin et l'anglais. Un pari réussi puisque le film est devenu "le plus gros succès de l'histoire du cinéma d'animation en Chine", comme le titrait The Hollywood Reporter. Un accès direct au public chinois "encourageant pour la suite, car riche d'enseignement", précise Melissa Cobb.

Mais si un studio comme DreamWorks est capable d'engager de gros moyens, tant humains que financiers pour arriver à ses fins, il n'en est pas de même pour les producteurs indépendants, d'autant que le marché domestique chinois est difficile à pénétrer. Dans le monde bien spécifique de la réalité virtuelle, la Chine fait figure d'Eldorado avec ses 6 000 salles VR déjà déployées dans le pays. Mais la plupart appartiennent à des clubs de karaoké locaux qui acceptent difficilement de programmer des contenus étrangers. Et même si la fréquentation explose, tandis que le nombre de multiplexes ne cesse de croître, le système des quotas limite l'accès aux salles des films étrangers.

Mais la puissance de ce marché domestique s'avère également être un piège car elle n'incite pas les producteurs et les réalisateurs chinois à se soucier des spécificités du marché international, voire même à s'y intéresser. "Trouver les fonds pour un budget de 12 M$ se fait sans aucun problème sur le seul territoire chinois", souligne Gary Wang qui a monté de toute pièce son studio Light Chaser sans avoir aucun background dans l'animation, en s'inspirant notamment du parcours de Chris Meledandri. "Nous n'avons pas besoin d'entrer en compétition sur le marché international avec des studios comme Pixar, DreamWorks ou Disney. Et c'est dommage car cela aurait sans aucun doute des effets stimulants pour la créativité de notre industrie."

Les coproductions se montant sur l'animation entre partenaires chinois et étrangers reposent beaucoup sur un apport en expertise des occidentaux, la partie chinoise ayant souvent la possibilité de lever des fonds conséquents. "Lorsqu'on dirige des équipes mixtes comme j'ai pu le faire, commente Peilin Chou de DreamWorks, on constate que les Chinois ont une énorme capacité d'apprentissage. Ils apprennent très vite et comprennent rapidement les complexités de systèmes qui les sortent de leurs habitudes de travail." Car la plupart du temps les équipes et notamment d'animateurs sont particulièrement jeunes. La moyenne d'âge au sein de Light Chaser est ainsi de 27 ans. Mais l'expertise occidentale sera d'autant mieux acceptée si elle est portée par des interlocuteurs parlant couramment chinois. "Pour moi c'est le minimum, ne serait-ce que pour avoir de vrais échanges artistiques, insiste Gary Wang. Sinon c'est beaucoup plus difficile."

Patrice Carré
© crédit photo : Patrice Carré


L’accès à cet article est réservé aux abonnés.

Vous avez déjà un compte


Accès 24 heures

Pour lire cet article et accéder à tous les contenus du site durant 24 heures
cliquez ici


Recevez nos alertes email gratuites

s'inscrire