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Cinéma

Annecy 2020 online - Emmanuel-Alain Raynal (SPI) :"Sortir l’animation de son ghetto"

Date de publication : 18/06/2020 - 09:00

(Modifié) - A l’occasion du Mifa en ligne, le vice-président animation du Syndicat des producteurs indépendants (SPI) fait un premier bilan de la crise sanitaire sur l’animation, "un ensemble de techniques avec chacune sa spécificité", et non un genre, martèle Emmanuel-Alain Raynal.

De tous les sujets qui agitent l’animation au sortir du confinement, qui a globalement moins affecté le secteur comparé à d’autres, quel est celui qui mobilise le plus le SPI animation ?
L’animation s’est en effet mieux sortie du confinement que la prise de vue réelle, pour l’instant. L’ensemble de ses techniques se prête plutôt bien au télétravail. Il faut néanmoins noter le cas particulier de la 3D en long métrage, pour des questions notamment de bande passante, et de la stop motion, où l’on retrouve les caractéristiques du tournage live. Certains longs métrages ont été complètement arrêtés. Je pense à Interdit aux chiens et aux Italiens d’Alain Ughetto (présenté en Work in Progress au festival d’Annecy, et dont le studio Foliascope vient d’annoncer la reprise, Ndlr). La situation est donc plus nuancée selon les techniques. Car l’animation est un ensemble de techniques avec chacune sa spécificité. Et si elle s’en est certes plutôt bien sortie pendant le confinement, la crise du Covid-19 n’est pas terminée, et nous sommes encore inquiets pour l’avenir.

Pour quelles raisons ?
De façon générale, nous redoutons la baisse des revenus publicitaires et donc du chiffre d’affaires des chaînes de télévision (à partir duquel sont calculées leurs obligations d’investissement dans la production de l’année suivante, ndlr), et, côté cinéma, la baisse des investissements des financeurs privés, tels que les distributeurs, les vendeurs internationaux… Enfin, la crise ne se limitant pas à la France, elle va inévitablement impacter les investisseurs étrangers. Le SPI en appelle à un plan d’action pour tous les genres et pour toutes les techniques, afin de pallier ces déficits de financement, mais aussi l’augmentation des coûts de tournage, liés à la crise sanitaire.
Ces demandes portent notamment sur l’augmentation du crédit d’impôt audiovisuel. Pour le cinéma, nous préconisons de faire passer le crédit d’impôt de 30 à 40%. Nous demandons également au CNC de rehausser le taux d’intensité des aides publiques pendant la période de relance.
Concernant plus spécifiquement l’animation, nous prônons la redéfinition du film à petit budget. Actuellement, ce dispositif permet d’avoir une dérogation concernant l’intensité de l’aide publique pour les longs métrages à moins de 1,25 M€. Or ce seuil ne correspond absolument pas à la réalité des coûts de l’animation. Nous demandons donc à ce qu’il soit rehaussé à 4 M€ pour les œuvres d’animation. Cette demande avait déjà été formulée, à l’occasion du plan animation du CNC pour le cinéma. Elle est plus que jamais une priorité, notamment pour les longs métrages d’auteurs et adultes, dont les budgets sont élevés et qui bénéficient encore trop peu d’investissements privés. Si les vendeurs internationaux et les distributeurs mettent moins d’argent sur ces films, suite à la crise du Covid-19, alors nous ne voyons pas comment nous réussirons à les financer.

A l’heure où nous nous parlons, la question de France 4 n’est toujours pas tranchée : extinction de son signal le 9 août ou pas ? Quelle est votre position aujourd’hui sur ce dossier, pour lequel vous vous êtes montrés au départ plus nuancés que d’autres organisations ?
Nous avons toujours été contre la suppression de France 4, et cela dès son annonce, il y a trois ans. Dès 2018, le SPI a été consulté, aux côtés du SPFA, par le ministère de la Culture sur l’impact de la suppression de France 4 sur l’animation, et nous avions déjà regretté le manque de concertation autour d’une décision qui est tombée comme un oukase. Et en même temps, nous nous nous sommes toujours félicités que France Télévisions investisse dans le non linéaire et ne rate pas le coche de la révolution numérique. La complémentarité entre les deux renforce l’offre et permet de toucher davantage de public.
Vu le contexte actuel, nous pensons qu’il est encore plus important de maintenir France 4. Dans cette attente, nous nous félicitons des annonces liées à la ligne éditoriale de ce que pourrait être la future France 4. Il est essentiel de proposer aux jeunes publics une offre ludo-éducative et des programmes de divertissement avec des lignes narratives et graphiques différentes et complémentaires de celles des chaînes privées.

Plus largement, comment réagissez-vous aux informations selon lesquelles la loi audiovisuelle ne sera plus débattue mais passera par des ordonnances, et la réforme de l’audiovisuel public enterrée ?
Pour nous, l’urgence, c’est que les plateformes irriguent, par leurs obligations d’investissement, tous les genres et toutes les techniques. Et donc que la directive SMA soit transposée au plus vite. Pour le reste, nous avons transmis au gouvernement et au législateur de nombreux amendements souhaitables au projet de loi initial, dont certains avaient déjà été retenus lors de l’examen en commission. Nous serons très attentifs à la manière dont le texte évoluera en fonction des choix de l’exécutif et du Parlement pour son mode de rédaction - débat ou ordonnances - et son calendrier - été, automne 2020, printemps 2021?

Les plateformes représentent-elles une aubaine pour l’animation adulte en particulier, beaucoup représentée au sein de vos adhérents ?
Les équipes de Netflix nous ont confirmé qu’ils recherchaient des programmes d’animation adulte. On sent le même engouement du côté de HBO Max ou de la Fox. Nous pouvons également féliciter notre service public pour s’être rapidement positionné sur cette cible. C’est le cas de France Télévisions historiquement, via les Nouvelles Ecritures, et maintenant la plateforme Slash, où sont notamment proposées des séries comme La petite mort et Lastman. On peut aussi citer Culottées, disponible sur Francetv et sur France 5. Un investissement à la hausse sur les programmes adultes serait cependant bienvenu. Saluons également la diversité de la ligne éditoriale d’Arte qui investit à la fois sur le court métrage d’animation, le documentaire animé, la série courte, de plus en plus sur l’unitaire de 90 minutes en animation, et bien sûr, dans le long métrage d’animation adulte. Leur investissement annuel est très important pour le secteur.

Concernant le dossier de la représentation de l’animation aux César, d’abord défendu collectivement dans le cadre de la rénovation des nouveaux statuts de l’Académie, le SPI et la SRF ont fait part de leur opposition à un collège animation et effets spéciaux, option finalement retenue dans le projet actuel. Votre réaction ?
Nous saluons la volonté de rénover les César. Il y avait urgence. Pour nous, il était important que cette réforme s’inscrive dans un débat collectif et serein. Cette concertation a été malheureusement compliquée parce qu’elle est tombée en plein milieu du confinement. Or ce sujet est symboliquement très important pour le cinéma en général et pour l’animation en particulier.
Le SPI a en effet d’abord affiché une position commune avec un certain nombre d’organisations représentatives du cinéma d’animation. Nous avions des divergences concernant la méthode mais un seul objectif partagé : celui d’une représentation de l’animation au conseil d’administration de l’Académie des César. En parallèle des discussions sur cet accord, une lettre ouverte portée par le SPFA demandant la création d’un collège animation et VFX a circulé. Celle-ci donnait l’impression qu’une seule voix existait sur le sujet, alors qu’à l’époque, il y en avait trois : une qui prônait la création de ce collège, une deuxième pour ce collège, sans les VFX, et une troisième, dont le SPI faisait partie, qui demandait à ce que les représentants de l’animation soient élus au sein des collèges existants. Certains membres du SPI et de la SRF ont donc réagi à la circulation de cette lettre ouverte avec appel à signatures, en faisant circuler à leur tour une tribune défendant leur position.
Pourquoi ? Pour nous, je le répète, il est très important d’affirmer que l’animation n’est pas un genre, mais un ensemble de techniques et d’expressions graphiques, avec ses spécificités. Je ne connais que trois genres cinématographiques - la fiction, le documentaire et l’expérimental - et des genres narratifs - le polar, le film d’horreur, la comédie…
Par ailleurs, pour nous, cinéma d'animation et effet visuels ne sont pas la même chose, même si nous défendons que les professionnels des VFX aient leur place au sein de l'Académie et de la cérémonie
Un grand nombre de personnalités du cinéma d’animation partagent notre avis : Sébastien Laudenbach, Rémi Chayé, Claude Barras, Gagnol et Felicioli, Anca Damian, Michel Ocelot, Lorenzo Mattotti, Benoît Chieux… Autant de réalisateurs qui ont signé cette tribune. Jérémy Clapin a quant à lui décidé de signer les deux, pour signifier que la question méritait débat.
Enfin, dans la dernière phase de la concertation, nous avons demandé à ce qu’un débat sur la représentation de l’animation soit organisé au sein de l’Académie. Notre souhait était de pouvoir soumettre les trois courants à ses membres, de manière à ce qu’ils puissent voter démocratiquement et sereinement. Cette proposition portée par l’Acid, l’Afca, la SRF et le SPI n’a pas été entendue. Nous le regrettons. Néanmoins, une nouvelle voix s’est fait entendre : une voix qui veut dessiner l’avenir de l’animation en la faisant sortir de son ghetto. Une voix qui veut replacer l’animation au cœur du cinéma et de l’audiovisuel, et non comme un genre, à la périphérie du cinéma.

Combien comptez-vous de membres aujourd’hui ?
55, avec l’arrivée, récemment de Cosmic Productions, Doncvoilà, Tchack et Toon Factory. Nous comptons parmi nos membres des sociétés qui produisent de l’animation adulte, comme de l’animation jeune public. Du côté des techniques, nous pouvons également noter une spécificité sur la stop motion avec quatre producteurs (Foliascope, Xbo Films, JPL Films et Komadoli) sur six aujourd’hui en France.

Propos recueillis par Emmanuelle Miquet
© crédit photo : Miyu Productions


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