Cinéma

Congrès FNCF 2021 - L’exploitation mobilisée au Forum de discussion

Date de publication : 22/09/2021 - 08:03

Si le traditionnel rendez-vous avec les instances fédérales a permis de prendre la température d’un secteur encore sous le choc de l’instauration anticipée du pass sanitaire cet été, les échanges on fait ressortir de nombreux sujets chauds au-delà de la crise, dont l’éducation à l’image, le renouvellement du matériel, la chronologie des médias et la lutte contre le piratage.

"Depuis l’an dernier, nous avons traversé beaucoup d’épisodes difficiles, et d’autres plus enthousiamant", a ainsi lancé, bille en tête, Richard Patry dans son discours préambule en ouverture du Forum de discussion de ce 76e Congrès FNCF. Le président de la fédération a ainsi souhaité revenir sur les évènements marquants de ces douze derniers mois, la fermeture des salles fin octobre 2020, la non-réouverture du 15 décembre, la réouverture "tambour battant" de mi-mai, la levée des jauges et "trois semaines extraordinaires début juillet". Et ce, jusqu’à "la déception, le désarrois, l’épreuve que nous avons dû subir, dans la mise en place chaotique du pass sanitaire, précipitée et désordonnée, non-concertée", provoquant une "chute de fréquentation de 50% sur les trois premières semaines" d’application.

Face à ce bilan obscure, le dirigeant fédéral contrebalançait par une projection plus optimiste, souhaitant tourner la page, tout en saluant au passage les aides gouvernementales et remerciant en outre les équipes du CNC pour leur accompagnement du secteur durant ces durs et longs mois. "Aujourd’hui, une sortie de crise est possible", enchaîna ainsi le président des exploitants, citant la " hausse des vaccinations", "l’éventualité de l’assouplissement du pass sanitaire", "l’ouverture des cinémas dans le monde entier", "une offre de films très large, dès cet automne" et surtout "une mobilisation très large du public, à nos côtés".

"Il s’agit donc de tous nous mettre en situation de repartir, par des actions individuelles et collectives : il faut retrouver le public", a martelé Richard Patry. "En particulier le public jeune, par les dispositifs d’éducation à l’image, mais aussi, par le pass culture et les actions régionales ou locales. Il faut se désendetter, et reprendre le cercle vertueux des investissements, qui fait notre force depuis 30 ans. Investir, pour rénover les salles existantes, les améliorer (…) pour mieux accueillir le public de demain. Cela ne va pas sans un plan de financement massif." Et le dirigeant fédéral d’évoquer le développement d’un tel dispositif dans cadre du "plan de relance" en préparation chez les pouvoirs publics.

Citant ensuite la lutte contre le piratage, la chronologie des médias, le financement du cinéma français par les acteurs de la SVàD, Richard Patry a ainsi déclaré vouloir "affirmer la position des salles de cinéma sur ces sujets".
 
"Tous ensemble, nous allons montrer, et continuer à montrer, que les exploitants de salle de cinéma sont unis et solidaires, pour construire le cinéma de demain. Dans lequel ils garderont une place primordiale, irremplaçable, exclusif."
 
Dans l'incertitude, la petite exploitation prend les devants sur l'accès aux films
Revenant longuement sur les 7 mois de fermeture des salles intervenus depuis le précédent Congrès, Sonia Brun, rapporteuse de la branche petite exploitation, a ainsi exprimé les inquiétudes de ses pairs face à l’incertitude du marché : "Nous ignorons toutes et tous quel sera l’état du marché à court et à moyen termes. Il est impossible d’apprécier la santé de notre secteur d’activité, à la seule analyse de ces trois derniers mois."

Ceci établi, l’exploitante a enchaîné en relevant les différentes problématiques exprimées par sa branche le matin même. "La pandémie a été un révélateur de nos fragilités", en premier lieu desquelles la rapporteuse a cité notamment une vague de "déprime" au sein des équipes, constat devant mener à une "réflexion sur l’attractivité de nos métiers, si l’on veut faire évoluer nos exploitations". Et la rapporteuse de demander "la mise en place d’un plan global de formation par la fédération, ainsi qu’une évolution de la convention collective et de la grille des salaires. Le monde a changé, nous devons nous adapter."

Autre sujet récurrent au sein de la branche, l’accès aux oeuvres a évidemment été abordé. "Il est nécessaire de faire évoluer le modèle de diffusion des films, qui ne doit plus être sélectif par établissement, mais envisagée à l’échelle d’un territoire donné", a expliqué Sonia Brun. Et cette dernière d’annoncer la création d’un groupe de travail spécifique au sein de la petite exploitation, avec l’ambition d’impliquer notamment le Médiateur du Cinéma et, "dans un deuxième temps", la branche moyenne exploitation.

La porte-parole a poursuivi en appelant à une "réponse politique" au phénomène de piratage des œuvres audiovisuelles, ainsi qu’à un "signal politique fort" sur le sujet spécifique de l’éducation à l’image. Concernant le renouvellement du matériel, la branche a souhaité que la question soit "calmement abordée", et que la branche soit représentée au sein du comité de concertation numérique ou de ce qui lui succèdera. Sonia Brun a conclu son rapport en abordant la question du plein-air : "il est nécessaire de revoir les règles d’encadrement et d’exploitation de ces séances", qui doivent "être exclusivement mis en place pour les exploitants, par les exploitants".

Endettement, renouvellement, piratage et tarifs scolaires au menu de la moyenne exploitation
Représentée sur la scène du CID par Sylvie Jaillet, la branche moyenne exploitation a tenu, en préambule, à relativiser le regain de fréquentation depuis la reprise, témoignant que la branche accuse "une baisse de -20% à -30%". Non sans aborder le choc de l’application anticipée du pass sanitaire, alertant sur une dégradation de l’image de la profession et de la relation avec les spectateurs. "Si les choses s’améliorent progressivement, l’expérience cinéma est fortement perturbée, et un climat de tension règne dans nos halls et sur nos réseaux sociaux." La branche a ainsi demandé l’abandon de l’extension du pass sanitaire obligatoire pour les 12 à 18 ans, envisagée au 30 septembre, alertant sur un effet "dévastateur pour notre secteur".

La rapporteuse a par la suite approfondi le sujet de l’endettement, dont le niveau demeurerait problématique face à la vague d’investissements nécessaires pour renouveler le matériel existant. "Le remboursement des PGE et le renouvellement de notre matériel numérique demeurent de vraies préoccupations. L’accompagnement du renouvellement du parc de cabines s’impose à nous. L’observatoire du numérique doit urgemment être réactivé."
Concernant la lutte contre le piratage, la branche a envisagé de profiter de l’opportunité des élections présidentielles approchantes pour appeler "les candidats à s’engager" et ce "dans une politique ferme de sanctions". Et la rapporteuse d’appeler à ce qu’un "film de sensibilisation" soit diffusé en salle, et notamment lors des séances scolaires.

"Nous sommes tous très enthousiastes par la reprise des dispositifs d’éducation à l’image", a enchaîné la porte-parole. "Nous restons conscients que l’organisation des séances pour cette saison va imposer de nouvelles contraintes, qui vont peser une fois de plus sur nos trésoreries." Et la branche d’appeler à une "réévaluation des politiques tarifaires" des dispositifs scolaires en fonction.

Pass sanitaire, recrutement, investissements et piratage : la grande exploitation alerte
Prenant place pour incarner la branche grande exploitation, Laurence Meunier a également dénoncé la mise en place anticipée du pass sanitaire : "ce nouveau frein à la fréquentation a vu se cumuler au préjudice financier des pertes d’exploitation drastiques, de plus de 37% pour la grande exploitation, un véritable préjudice moral". Et les membres de la branche de saluer les aides obtenues, tout en restant "cependant inquiets des nouvelles pertes d’exploitation liée à la situation sanitaire pour la fin d’année".

La porte-parole a souligné également les doutes de ses pairs face à la perspective du pass sanitaire étendu, qui risque éune nouvelle fois de fragiliser l’exploitation française, alors que "nous étions satisfaits de constater que les jeunes revenaient au cinéma depuis la reprise". Et la branche d’appeler à une réelle compensation de ces nouvelles pertes d’exploitation, liées au choix au gouvernement de prendre les cinémas comme moyens d’incitation à la vaccination". Ainsi qu'à "un arrêt du contrôle du pass sanitaire dans les cinémas dès le 15 novembre", afin de diminuer l’impact des ressources dédiées sur les résultats de fin d’année.

"La crise sanitaire a modifié les priorités des salariés sur le marché du travail", a constaté la rapporteuse, qui souligne des "difficultés croissantes de recrutement" au sein de la branche. Un phénomène "qui pourrait avoir des répercussions importantes pour le fonctionnement de nos entreprises".

La branche a cité également "la relance des activités et des investissements" comme une "priorité totale", appelant là un accompagnement spécifique des pouvoirs public pour l’"ensemble des salles françaises, dans toute leur diversité".
 
Enfin, dans le cadre des discussions "inévitables" autour de la chronologie des médias, la grande exploitation a tenu à souligner la nécessité de la lutte contre le piratage. "Ce phénomène, largement amplifié par les mesures sanitaires, est un véritable fléau à combattre, et nous regrettons que les amendes pénales espérées aient rencontré l’opposition du gouvernement."
 
"La fenêtre salle est pour l'instant respectée"
Répondant aux réactions et questions de l’assemblée réunie au CID, Richard Patry a tenu ensuite à rassurer quant à la place de la salle dans les nouvelles négociations liées à la chronologie des médias. "Je pense que les salles ont un bel avenir devant elles sur ce sujet (…) parce que nous amenons une vraie valeur ajoutée et créons du désir autour de l’œuvre pour les autres médias."

"Dans les discussions, la fenêtre salle à 4 mois est respectée et le cadre actuel est pour l’instant maintenu", a témoigné Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la FNCF. "Le principal enjeu est surtout de faire rentrer les plateformes (de SVàD, Ndr) dans ce cycle de chronologie des médias, que tout le monde considère comme un cycle de création de valeur." Et le président de la fédération d'ajouter qu’il "espère parvenir à un accord d’ici la fin d’année" sur le sujet.
 
Egalement prégnant au sein des échanges qui suivirent, l’éducation à l’image "est un des sujets majeurs que nous aurons à porter dans les prochains mois", selon Richard Patry. "C’est un sujet sur lequel nous pouvons avoir des revendications fortes, et qui doit être traité au niveau le plus haut de l’Etat. La problématique demeure de faire travailler ensemble deux ministères, la Culture d’un côté et l’Education nationale de l’autre. Nous devons collectivement nous en emparer, c’est le moment de le faire à l’approche des élections présidentielles."

Interpelée, Magali Valente, directrice du Cinéma au CNC, a confirmé que ce dernier a "essayé de saisir" le sujet, "à la fois sur le temps scolaire mais aussi hors temps scolaire. Nous avons tout à fait conscience que ce sont des dépenses de long terme : il s’agit surtout de financer des dispositifs tout au long de l’année, sur plusieurs années en fait." Le Centre prévoit ainsi de financer ces dispositifs, "avec un certain nombre d’actions par mois", via le Fonds jeunes cinéphiles, avec un « budget conséquent, pas complètement arrêté, mais qui devrait tourner autour des 5M€." Les détails seront préciser le lendemain, lors de la Rencontre avec les pouvoirs publics.

Sylvain Devarieux
© crédit photo : SDE


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