Cinéma

Congrès FNCF 2021 - Victor Hadida : "Réaffirmer la place centrale du cinéma en salles comme mode de diffusion des œuvres"

Date de publication : 23/09/2021 - 08:20

Alors que s’ouvre, dans le cadre de cette dernière journée de Congrès FNCF, la Journée des éditeurs de films, retour sur cette rencontre avec le président de la FNEF. L’occasion d’aborder aussi l’année telle que vécue par le secteur, et de se projeter sur les enjeux à venir.

Plus d’une trentaine de sociétés participent à la Journée des éditeurs de films cette année, le plus haut niveau de participation rencontré en 5 ans, comment l’expliquez-vous ?
Nous avons effectivement un très haut niveau de participation cette année, équivalent à celui de 2017. Nous étions déjà 27 éditeurs présents en 2018 mais 22 l’an passé au plus fort de la crise. Il y a aussi de nouveaux participants, signal positif d’un secteur qui aussi se renouvelle, en plus de ceux qui sont depuis longtemps fidèles à ce rendez-vous annuel de l’édition et de l’exploitation. Après 300 jours de fermeture administrative, une crise sanitaire sans précèdent, l’envie de se retrouver me semble un bon signal pour les secteurs de la création. N’oublions pas que tout part de l’humain et de ces étincelles qui naissent lors de toute rencontre.
 
Qu’est-ce que cette journée vous inspire dans ce contexte si particulier ?
Je mesure évidemment combien il est précieux de nous retrouver tous ensemble à Deauville, après toutes les difficultés et les incertitudes que notre secteur a traversé depuis 18 mois Et je vois dans cette présence très nombreuse un signal de solidarité avec les exploitants, une volonté des éditeurs-distributeurs de réaffirmer la place centrale du cinéma en salles comme mode de diffusion des œuvres. Rappelons que les éditeurs ont fait massivement le choix de garder leurs films pour la salle, y compris des films majeurs qui ont pu être programmé cet été, malgré les sollicitations des plateformes. Ils font aujourd’hui le maximum pour que le programme de cette Journée soit riche, représentatif de l’offre à venir en salle et attractif pour tous les publics.
 
Comment jugez-vous l’accompagnement du secteur de la distribution par les pouvoirs publics depuis le début de la crise ?
Les pouvoirs publics français ont été soucieux d’accompagner les secteurs culturels depuis le début de la crise, ils ont mis en place des dispositifs de soutien parfois inédits. Nous leur en sommes reconnaissants et demandons que ces dispositifs ne soient pas abandonnés trop tôt. Car dans le même temps, les pouvoirs publics ont imposé davantage de contraintes aux secteurs culturels qu’aux autres secteur accueillant du public. Je pense notamment à la décision de ne pas rouvrir les salles de spectacle en décembre 2020, et à la mise en place du pass sanitaire de manière anticipée dans les lieux culturels.
 
Nous ne remettons pas en cause les choix de politique sanitaire du gouvernement, mais il est essentiel à nos yeux que le gouvernement prenne la pleine mesure de l’impact extrêmement lourd de ces mesures sanitaires sur notre secteur. Le rendez-vous que nous avons eu le 30 août avec les ministres Roselyne Bachelot et Bruno Le Maire a été l’occasion de reconnaître cet impact. Nous avons donc demandé au gouvernement qu’il maintienne son accompagnement et débloque les moyens financiers d’une juste compensation du dommage subi. La France est l’un des plus grands pays de cinéma. Elle a encore montré lors des récents festivals combien ses talents rayonnent dans le monde, dans la diversité et la parité.
 
Alors que nous entrons dans une période pré-électorale, comptez-vous formuler des propositions particulières aux différents partis qui entrent en campagne ?
Nous appelons à une réflexion de politique industrielle, sur une perspective de 3 ou 4 ans. Notre secteur ne peut se concevoir que sur le temps long de la création. La création d’un comité de filière pourrait être une opportunité d’avoir des liens constants et un dialogue continu entre notre secteur et les pouvoirs publics, et nous permettre de mieux leur expliquer nos enjeux et de forger les bonnes stratégies, sans attendre les crises.
 
La lutte contre le piratage doit être un élément central de toute réflexion, car le manque à gagner qu’il représente est encore plus insupportable en cette période de crise aiguë. Comme pour le secteur du luxe et des marques, il y a un devoir de protection de la valeur intellectuelle créée et de nos savoir-faire. Le piratage est un vol, nous ne comprenons pas que le gouvernement se refuse à mettre en place une simple amende qui aurait un effet pédagogique. On risque une amende lorsqu’on ne porte pas son masque ou pour une incivilité, mais pas lorsque l’on pirate des œuvres. C’est incompréhensible pour nous tous. Pourtant il existe des hommes et des femmes politiques courageux, avec lesquels nous dialoguons constamment, en vain apparemment.
 
L’éducation à l’image est également primordiale pour le renouvellement de notre public, pour sa compréhension et son attachement aux œuvres découvertes ainsi.
 
Nous appelons également à un soutien plus structurel de la distribution, car c’est un maillon de la chaine particulièrement exposé, que la crise a malmené. Il faut davantage d’accompagnement sur les frais de sortie et la prise en compte des investissements financiers réalisés dans les futurs films. Le crédit d’impôt (ou à défaut un mécanisme de même objet) fait partie des outils pertinents, plus que jamais, pour pérenniser la prise de risque extrêmement élevée que représente aujourd’hui la décision de sortir un film en salles.
 
Comment avez-vous vu évoluer les relations entre distributeurs et exploitants depuis le début de la crise ?
Depuis le début de la crise, la solidarité s’est développée autour de notre secteur : exploitants et distributeurs sont totalement en ligne sur l’importance de la salle, de l’expérience collective. Nous sommes liées par le même public, la même assiette de recettes et nous ne pouvons sortir de cette crise les uns sans les autres. L’offre des distributeurs est notamment déterminante pour permettre aux salles de repartir et de rentabiliser leurs investissements. De même que, sans ces investissements en équipement de premier ordre, les œuvres ne bénéficieraient pas de ce maillage incomparable dans nos territoires et de la qualité de l’expérience collective vécue. C’est tout cela qui a forgé notre public, sa cinéphilie et, in fine, notre culture.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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