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Télévision

Annecy 2016 - Philippe Alessandri (SPFA): "Notre prochain combat, augmenter le volume de production d’animation française"

Date de publication : 15/06/2016 - 08:43

Des récentes réformes à la vitalité du cinéma animé français salué à Cannes, l’actualité est dense pour le Syndicat des producteurs de films d’animation. Dans l’attente de sa conférence de presse, mercredi 15 juin, au Mifa, son nouveau président détaille les enjeux du secteur.

Quel premier bilan tirez-vous des différentes réformes appliquées à l’animation, dans le but principal de relocaliser les productions au sein de l’Hexagone et donc soutenir l’emploi ?
Il y a un double effet : le renforcement du crédit d’impôt, dont le taux passe de 20% à 25%, et la réforme du compte de soutien animation, dix ans après la précédente, qui, je le rappelle de façon synthétique et en caricaturant un peu, octroie plus d’argent aux producteurs faisant le choix de relocaliser en France une grosse partie de l’animation et du lay-out, et, à l’inverse, défavorise financièrement ceux qui continuent à sous-traiter intégralement ces tâches en Asie. Les effets se font déjà ressentir. Beaucoup de producteurs envisagent de produire très largement leurs séries en France : animation, lay-out, en plus de la préproduction, du compositing et de la postproduction qui se faisaient déjà souvent dans l'Hexagone. Certains ont choisi de fonctionner avec des prestataires. D’autres de créer leurs studios (Xilam, Superprod, Samka Productions, GO-N Productions…, Ndlr), comme c’est mon cas avec Watch Next Media. Il y a donc un désir très fort des producteurs de jouer le jeu, de tenter le coup. Maintenant, le défi n’est pas gagné.

En quoi ?
Parce que le surcoût de la relocalisation en France est très élevé.

À combien l’estimez-vous par budget ?
De l’ordre de 20%.

Et que les aides du CNC ne compensent pas ?
Non, pas en totalité. Dans la plupart des cas, les producteurs français devront continuer d’aller chercher des compléments de financement à l’étranger, en amont ou en aval de la production. Aujourd’hui, pour 1 € investi par les diffuseurs français, nos séries d’animation génèrent 1,40 € de recettes export. Il faudra maintenir, voire augmenter, ce ratio pour accompagner l’effort de relocalisation.

Avec quelles conséquences certains producteurs pourraient-ils renoncer ? Allez-vous demander à rediscuter avec le CNC ?
Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif et nous n’en sommes pas à ce que les producteurs fassent marche arrière. Ils vont se livrer à l’exercice avec l’envie de réussir ce pari. Ce n’est qu’à la fin de ce premier cycle de production, probablement en 2017, que les leçons pourront être tirées. Ce pari, nous devons le gagner tous ensemble, y compris avec les techniciens. La maîtrise des coûts est indispensable pour réussir ce pari de la relocalisation.

La création des studios, en plus de l’extension de ceux existants, provoque déjà des problèmes de recrutements, particulièrement dans les villes très prisées par l’animation, comme Angoulême. Les aviez-vous anticipés ?
C’est l’un des effets induits par la réforme et nous l’avions anticipé en effet. Pour l’instant, il ne semble pas y avoir de problèmes de recrutements à proprement parler, mais les studios mettent plus de temps à constituer leurs équipes. Face à cette pression assez forte sur l’emploi, à Angoulême, notamment, des initiatives ont été prises et le pôle Magelis a lancé une recherche de talents partout en France et même à l’étranger, en Italie, par exemple. Il y a des tensions par région. Comme à Angoulême donc, où l’essentiel des studios s’est concentré en province alors qu’il y a des écoles dans toute la France.

Cette situation pourrait-elle dessiner une nouvelle cartographie de l’implantation des studios, comme on l’entend déjà dire, avec l’attractivité nouvelle de certaines villes dotées d’écoles : Nantes à proximité de l’école Pivaut …
C’est tout à fait possible. Cela a commencé avec Lyon, où Xilam s’est installé, alors qu’il y avait des studios de jeux vidéo mais pas d’animation, et pourrait se poursuivre. C’est ce qui s’est passé lors de la première réforme, entre 2005 et 2015, si l’on regarde rétrospectivement. 2005 est très comparable à 2016 : mise en place du crédit d’impôt, avec un taux de 20%, et, réforme du Cosip avec l’introduction d’un bonus 1 et d’un bonus 2 pour les producteurs qui effectuaient plus de travail en France. Sur cette période, on a vu apparaître de nouvelles régions de l’animation sur la carte : Toulouse avec TAT Productions, Annecy avec Caribara, le Nord où s’est développé Pictanovo. Pour l’instant, le gros bénéficiaire semble être la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.

Avez-vous évalué le nombre d’emplois générés par les réformes en année 1 ?
Les premiers bilans pourront être réalisés fin 2016, début 2017. Ce que l’on peut dire, toujours d’après les observations de la première réforme, c’est qu’entre 2005 et 2015, la masse salariale dans le dessin animé a doublé. Selon les chiffres d’Audiens, elle est passée de 2 500 à 5 000 équivalents temps plein. Lors des discussions sur la réforme, notre objectif était d’augmenter de 30% la masse salariale. Nous pourrions même faire mieux mais pour ça, il faut aussi que nous arrivions à augmenter le volume de production qui, en France, plafonne depuis des années. Après avoir gagné le combat d’un meilleur financement sur le marché domestique pour nous permettre de relocaliser la fabrication, notre prochain combat sera d’augmenter le nombre d’heures de production.

Comment y parvenir dans un contexte mouvant, entre les incertitudes à Canal+ et les chiffres du CNC qui témoignent d’un mouvement à la faveur de France 4 au détriment de France 3, à France Télévisions ?
Canal+ Family n’est pas un sujet d’inquiétude pour l’instant. Nous sommes sur la bonne dynamique d’Annecy 2015 où le diffuseur nous annonçait une augmentation substantielle de son budget. On le ressent de par l’intérêt qu’il manifeste pour les projets et les conventions de développement lancées. Par ailleurs, je me réjouis, tout comme mes adhérents, que Canal+ soit devenu un client à part entière. Lagardère ayant également fait le choix de cette stratégie pour Canal J, Gulli et Tiji, nous sommes passés de trois clients – TF1, France Télévisions, M6 – à cinq. Même si leurs investissements sont plus ou moins grands et que le volume commandé diffère.

Pouvez-vous préciser la notion de "client à part entière" ?
Auparavant, chacune des quatre chaînes de Canal+ – Télétoon+… – pouvait se positionner sur des projets différents et en deuxième fenêtre sur des séries d’autres chaînes. Aujourd’hui, Canal+ et Lagardère ont décidé de réunir leur capacité d’investissements afin d’apporter une somme plus substantielle sur quelques projets dont ils deviennent le groupe de diffusion, et donc de se passer de France Télévisions, TF1…

Comment analysez-vous les chiffres de France Télévisions ?
Ils traduisent un décalage dû à la réforme. Car, selon les chiffres dont nous disposons dans le cadre du suivi de l’accord SPFA-France Télévisions, le groupe public a bien respecté son investissement annuel d’environ 29 M€, mais 19 M€ ont été enregistrés au CNC. La différence correspond à des séries pour lesquelles les producteurs ont reçu des lettres de commande en 2015 mais dont la production n’a démarré qu’en 2016 parce qu’ils avaient prévu de relocaliser la production, et ont donc attendu la mise en place des soutiens.

Pour autant, le transfert des cases jeunesse de France 3 et-ou France 5 sur France 4, la chaîne 100% famille du groupe dès la rentrée, qui n’a ni les mêmes audiences ni les mêmes investissements, est-ce un sujet ?
Absolument. Nous souhaitons que ni France 3 ni France 5 n’abandonnent leurs cases jeunesse. Et nous sommes heureux de voir France 4 monter en puissance, même si nous estimons que cette montée en puissance n’est pas suffisante en termes d’investissement. Alors que l’offre jeunesse de France Télévisions a considérablement augmenté avec France 4, son investissement reste relativement faible : 26 M€ par an – 3 M€ des 29 M€ étant dédiés au long métrage – pour 7,5% de son obligation patrimoniale, contre 260 M€ dans la fiction, donc dix fois plus. Les enfants de 4-14 ans, c’est 15% de la population française, or l’animation est l’un des genres les moins financés à France Télévisions.

Quelle est votre demande ?
Une augmentation substantielle de France 4. Jusqu’à présent, l’essentiel de son budget de 40 M€ servait à financer un prime-time et un access destinés aux jeunes adultes. Demain, cette tranche horaire devenant familiale, la chaîne aura davantage l’opportunité de s’appuyer sur les catalogues du groupe et ainsi consacrer une partie des 40 M€ au financement de la grille de journée. Un engagement renforcé de France 4 est aussi important d’un point de vue économique qu’éditorial. Dans la répartition actuelle du groupe, France 3 finance des séries pour les 6-8 ans, cible qui regarde la télévision le matin, souvent en fratries, avant de partir à l’école, et France 5, elle, des programmes pour les préscolaires. Aucune chaîne publique ne s’intéresse aux 8-10 ans en revanche. C’est pourquoi France 4 doit prendre le relais sur cette cible car elle a des besoins de programmation le week-end et en fin d’après-midi, après l’école, qui ne peuvent être satisfaits par les séries de France 3 et France 5, trop jeunes.

En matière de long métrage, plaidez-vous toujours pour que France 2 Cinéma finance de l’animation au côté de France 3 ?
Nous sommes inquiets de la situation du long métrage français absolument paradoxale. Leur qualité fait l’unanimité, et ce, dès le stade des courts métrages, qui raflent beaucoup de prix à l’international. Pour autant, trois films ont été agréés en 2015 au CNC, alors que nous étions arrivés à une moyenne de huit par an depuis 2005. On est donc revenu au niveau du début des années 2000. La situation n’est pas conjoncturelle mais résulte de ce qu’il est plus difficile qu’avant de monter un long métrage d’animation. Parce que ces films sont moins financés que ceux en prises de vues réelles par les filiales cinéma des chaînes et parce qu’il manque dans le cinéma d’animation un système de financement public semblable à celui de la télévision, à savoir un soutien spécifique. C’est grâce à celui-ci que l’on a pu relocaliser la production et prendre une belle place à l’international. On ne peut pas se satisfaire que les gros films français comme Le Petit Prince ou Ballerina soient produits au Canada.

Le Festival de Cannes a validé la vitalité de l’Hexagone, avec une sélection de films animés d’une ampleur inédite – La tortue rouge, Ma vie de Courgette… – couronnée d’un excellent accueil. Qu’attendez-vous de leurs sorties qui vont être particulièrement scrutées, a fortiori après une saison difficile ?
Nous n’avons pas attendu la sortie de ces films pour tirer le signal d’alarme. Depuis quelques mois, nous avons alerté les pouvoirs publics, comme les chaînes de télévision, en leur disant : on a un écosystème, des talents extraordinaires et des films très réussis, mais qui se financent difficilement et ont parfois du mal à émerger en salle. Donc mettons-nous autour de la table et tous ensemble réfléchissons à ce que nous pouvons faire. Si on est capable de fabriquer Les Minions en France, il n’y a pas de raisons qu’on ne soit pas capable de faire des films français de grande ambition. Des films d’auteurs et grand public, des films en 2D, en 3D et en stop motion. Le SPFA incarne cette diversité, à l’image du cinéma français. À l’occasion de la réforme de l’agrément menée par Alain Sussfeld, dont les propositions viennent d’être rendues, le dialogue a été ouvert avec le CNC. La discussion est maintenant lancée.

Propos recueillis par Emmanuelle Miquet
© crédit photo :


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