Cinéma

Annecy 2019 - Marcel Jean : "Nous savions que 2019 serait une année exceptionnelle"

Date de publication : 11/06/2019 - 08:30

Le délégué artistique du festival fait le point sur les deux nouvelles sections compétitives, détaille le focus consacré au Japon et explique l’ouverture au grand public.

Cette année, le festival compte une nouvelle section compétitive baptisée Contrechamp. Serait-ce le Un certain regard du Festival d’Annecy ?
Pour faire simple, je serai tenté de dire que c’est un peu ça. La grande salle de Bonlieu peut être trop imposante pour certains films assez fragiles s’adressant à un public exigeant. Nous pensions qu’il était temps de les mettre davantage en valeur. Par le passé, certains de ces longs métrages se retrouvaient en compétition, d’autres hors compétition. Mais ce hors compétition est une notion qui tend à disparaître, voire à s’amenuiser un peu partout. Que ce soit à Cannes ou Berlin, à présent quasiment toutes les sections sont compétitives. À Annecy ,la durée du festival, sur six jours, ne permettait pas d’avoir une compétition officielle comportant plus de dix titres. Or à présent nous recevons quasiment 100 longs métrages chaque année et plus de 10 d’entre eux méritent une attention particulière. Ce hors compétition n’était donc plus satisfaisant. Un film comme Zero Impunity est l’exemple parfait de ce que nous voulons faire avec Contrechamp.

Cela va dans le sens du renforcement de la visibilité de cette animation adulte qui est au cœur des débats…
Nous réagissons en effet à cette actualité et à l’état des lieux de la production. Historiquement, on retrouvait cette animation adulte dans le court métrage, tandis que le long restait le terrain d’une animation familiale et grand public. Mais au fur et à mesure du passage des courts métragistes vers le long, parallèlement à une certaine démocratisation des moyens de production, on voit la situation se transformer.

Le fait que la VR soit aussi devenue une section compétitive traduit de même une hausse de niveau…
Nous le pressentions mais c’est allé encore plus vite que prévu. L’an passé, quand nous avons pris cette décision, nous pensions arriver à présenter huit à dix projets de qualité. Mais nous en avons reçu beaucoup plus, ce qui va au-delà de notre capacité d’accueil à Bonlieu. La compétition regroupe donc les projets qui ont des ambitions artistiques clairement affirmées. Les autres expériences, plus ludiques et familiales, ont été installées dans un grand dôme monté dans la cour des haras, destiné aux festivaliers mais aussi au grand public.

Qu’est-ce qui vous a incité à mettre le Japon à l’honneur cette année ?
Je rappelle au passage que le Japon fut le premier pays mis en avant par Annecy il y a une vingtaine d’années. Cet hommage est construit autour de trois axes. Tout d’abord la présence d’un invité d’honneur en la personne de Yôichi Kotabe. Il a été l’un des grands collaborateurs de Takahata et Miyazaki et sera en mesure d’évoquer son travail en leur compagnie.
Mais nous avons voulu aussi nous intéresser à la prochaine génération, afin de nous projeter dans l’avenir. Beaucoup de jeunes cinéastes japonais seront ainsi présents, certains faisant du court métrage, d’autres commençant à travailler pour la télévision. L’idée est d’avoir leur point de vue sur la situation actuelle au Japon. Et lors d’une table ronde, le vendredi dans la petite salle de Bonlieu, nous essaierons de percevoir en leur compagnie l’avenir de cette animation japonaise. Tout cela sera éclairé par des courts métrages et des séries télévisées de ces dernières années qui seront présentés sous forme de rétrospectives.
Enfin, le troisième axe passe par la redécouverte de quelques oubliés, en l’occurrence des auteurs très peu exportés en dehors du Japon. Le plus souvent car ils ont travaillé dans des studios différents, ce qui a complexifié la chaîne des droits, ou parce qu’ils ont réalisé des courts métrages dialogués qui n’avaient jamais été traduits.

Et toujours un travail sur la parité, notamment du côté de votre comité de …
Nous avons rapidement voulu être pionniers de ce côté-là, sans attendre qu’une pression quelconque ne vienne de l’extérieur. Nous nous sommes donc fixés des exigences. Vous vous souviendrez qu’en 2015 nous avions un jury entièrement féminin avec des séances spéciales consacrées à des réalisatrices. Nous avons rapidement accepté de signer la charte l’an dernier, ce qui a été une manière d’accélérer le calendrier puisque nous en avons profité pour réorganiser les comités de sélection afin d’atteindre cette parité. Nous avons d’ailleurs publié nos chiffres.
Nous constatons ainsi que 38% des courts métrages professionnels soumis ont été réalisés ou coréalisés par des femmes et que ces films représentent 40% des œuvres sélectionnés dans cette catégorie. Du côté des films de fin d’études, 66% des titres soumis ont été réalisés ou coréalisés par des femmes et ils représentent 64,5% des films sélectionnés. On remarque que les femmes demeurent toujours moins présentes dans le champ de la production télévisuelle puisqu'elles signent moins du tiers de la sélection. Mais, globalement, le déficit en termes d’équité apparaît surtout dans la production de longs métrages. À peine 10% des œuvres soumises ont été réalisées ou coréalisées par des femmes. Elles signent seulement 12% des films sélectionnés.

Par ailleurs, vous avez choisi d’ouvrir encore plus le festival au grand public…
Mickaël Marin, qui a pris la succession de Patrick Eveno à la tête de Citia, est arrivé avec une feuille de route ferme et claire dans sa volonté d’inscrire davantage la manifestation dans le quotidien des Annéciens. Pendant longtemps, cela se limitait aux projections sur le Pâquier. Or nous nous sommes rendus compte que les studios partenaires répondaient à cette volonté d’ouverture avec beaucoup d’enthousiasme. Aux projections en plein air qui sont au nombre de 15 et se dérouleront dans différents lieux, s’ajoutent des expositions, le dôme VR avec notamment les expériences Playmobil. Et le dernier samedi du festival sera consacré à des avant-premières très alléchantes.

Trois longs métrages d’animation français présentés à Cannes cette année ont été sélectionnés également à Annecy. Un cap a été franchi en matière de qualité de cette animation adulte ?
Cette reconnaissance est une excellente nouvelle. Funan, qui a reçu le Cristal à Annecy l’an dernier, est aussi un film qui s’adresse à un public adolescent et adulte. Un débat est en cours pour savoir si cette animation appartient ou non au cinéma. Or l’animation n’est pas un genre en soi, c’est un ensemble de techniques. Le découpage et la mise en scène de J’ai perdu mon corps prouvent que Jérémy Clapin est un grand cinéaste. Nous le savions déjà au travers de ses courts métrages et sommes très heureux de voir que l’ensemble du cinéma français semble s’en rendre compte aujourd’hui. Comme nous suivons le cycle de production des longs métrages français, nous savions que 2019 serait une année exceptionnelle.
Et cela va au-delà de ces trois films, je pense à celui de Anca Damian qui n’était pas à Cannes. Cela se retrouve également dans le court métrage avec le retour de réalisateurs comme Franck Dion ou Regina Pessoa qui ont reçu des Cristal par le passé. Et nous aurons hors compétition la première mondiale du nouveau film de Konstantin Bronzit. Mais ce haut niveau ne concerne pas seulement la France, puisque c’est la même chose pour le Japon. Nous en avions fait le constat en allant à Tokyo en 2017 avec Mickaël Marin. Trois longs métrages japonais figurent ainsi cette année dans la compétition officielle.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : © Gilles Piel


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