Cinéma

Annecy 2021 - WIP La Sirène : La poésie sur fond de guerre Iran/Irak

Date de publication : 16/06/2021 - 08:30 - Modifié le 16/06/2021 - 11:12

Réalisatrice de longs métrages documentaires et en prises de vue réelles, la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi a choisi l’animation pour raconter l’histoire d’un adolescent qui veut se battre sans des armes au début de la guerre entre l’Iran et l’Irak.

Pour le premier WIP de ce festival 2021, le 14 juin, de retour dans la salle Pierre Lamy en présentiel, et accessible en ligne, Sepideh Farsi a présenté La Sirène, son premier long métrage en animation, accompagnée par l’auteur graphique Zaven Najjar, le producteur Sébastien Onomo (Les Films d’ici) et de Vanessa Ciszewski, coproductrice en Allemagne (Katuh Studio), une rencontre animée par Patrick Eveno.
 
La Sirène se déroule en 1980, à Abadan, capitale pétrolière de l'Iran, qui résiste au siège irakien. Omid, 14 ans, refuse de partir. Avec son grand-père, il attend son frère parti au front. À ses côtés, une galerie de personnages insolites se refuse à fuir. Chacun a ses raisons. L'étau se resserre, Abadan peut tomber à tout moment. Omid tente alors de sauver ceux qu'il aime à bord d'un navire abandonné dont il fera son arche.

Sepideh Farsi portait l’envie de faire ce projet sur fond de guerre Iran-Irak, depuis une dizaine d’années. L’idée de le réaliser en animation lui est venue rapidement mais sans alors savoir comment et avec qui. Sa rencontre d'abord avec Zaven Najjar, l’auteur graphique, a été décisive. Sa famille a lui venant du nord de la Syrie, "avec des différences mais aussi des similitudes" avec le sud de l'Iran, le projet lui a parlé. L'autre rencontre décisive sera celle plus tard avec Sébastien Onomo, des Films d'ici. Si le projet lui a paru sur le papier un peu atypique avec une réalisatrice venant de la prise de vue réelle,  le producteur a vite été convaincu par l’idée "très précise" qu’avait Sepideh Farsi et par les premières images que Zaven Najjar et elle avaient produites.
 
Le recours à l'animation est apparue à la réalisatrice comme une évidence sur ce sujet : "Je ne me voyais pas faire un film d’époque, car l’histoire se passe en 1980, ni un film de guerre. Je voulais quelque chose de cristallin. Je pensais avoir plus de liberté avec l’animation. Et même si beaucoup elle engendre beaucoup d‘autres contraintes en termes de fabrication, elle ouvre beaucoup de portes au plan artistique". Comme l’auteur du scénario, l’écrivain iranien Javad Djavahery Javad, Sepideh Frasi était adolescente en Iran, pendant la guerre : "Nous avons été marqués par les restrictions, l’ambiance, la chape de plomb qui régnait. C’est pour cette raison que le personnage principal de La Sirène est un adolescent. Il a envie de se battre mais pas comme les autres, pas avec des armes. La Sirène est un film sur fond de guerre mais pas sur la guerre. Au début, il est encore un peu en enfant puis il va prendre petit à petit des initiatives, et changer. Nous avons fait en sorte qu'il se métamorphose physiquement avec des détails subtiles" a-t-elle expliqué.

L’équipe a projeté un teaser de La Sirène datant d’il y a cinq ans, sachant que le projet a beaucoup évolué depuis. "Au fur et à mesure du développement, je me suis mise au niveau en terme de détails et de réalisme pour raconter cette histoire dans sa subtilité. On voit plus de détails et de lumière. J'ai construit les images avec des lignes fortes de lumière pour parvenir à un cadre assez graphique, puis rajouter un fourmillement de détails et donner de la vie. Et ainsi enlever le côté froid ou ordonné" a expliqué la réalisatrice.
Elle et Zaven Najjar ont illustré ce propos en montrant plusieurs planches : celle d'un cinéma emblématique de la ville, qui a brûlé avant la guerre et  pour lequel ils sont allés chercher des éléments historiques pour nourrir le travail de décor, ou aussi une image de la mosquée d’Abadan et l’Eglise arménienne, autres lieux caractérisques de cette ville qui était alors très cosmopolite. Ce travail de recherche documentaire a été assez difficile à mener car il y a eu la révolution en 1978/79, puis la guerre qui a conduit à la destruction de la ville, puis le temps, 40 ans ont passé, qui a fait son oeuvre. Mais  ce travail était nécessaire pour répondre à un besoin de véracité pour la fiction. "L’enjeu c’était de combiner ces deux approches, documentaire et fiction. Plus largement, je ne voulais pas lâcher sur le scénario, les éléments documentaires et l’acting, pour donner un plus et emmener l’image un peu plus loin" a souligné  Sepideh Farsi. "Nous n’avons pas perdu de vue la fiction, avec des éléments graphiques assez poétiques. En cherchant un équilibre, pour que la poésie vienne contrebalancer l’approche documentaire" a ajouté Zaven Najjat
 
"Nous voulions donner l’enjeu de cette époque-là : le siège d’Abadan est un épisode clé du début de la guerre Iran/Irak. La musique est aussi très particulière dans le sud de l’Iran, qui est très présente aussi dans le film" a poursuivi la réalisatrice. Sachant qu'une partie de la musique sera composée par Eric Truffaz. Sepideh Farsi recherchait aussi une approche sensorielle. "Au sud de l’Iran, à cette époque, il y avait deux aspects importants : la qualité de la lumière et la présence de la poussière. Dès le début guerre, la raffinerie brûlait, et une chape de fumée se dégageait avec des particules. Zaven a réussi à retransmettre cela".
Pour les personnages, ils ont cherché des personnages iconiques et réalistes en même temps, qui puissent "exister avec très peu de choses", en donnant des exemples sur des personnages inventés ou qui ont vraiment existé.
La palette colorimétrique était aussi un enjeu majeur : "Au départ, nous voulions travailler sur une palette réduite de cinq ou six couleurs, puis l’envie de réalisme nous l’a fait étendre" a précisé Zaven Najjar.

La Sirène aura une durée de 100 minutes, pour 1869 plans, soit un film long en animation. Mais elle a pourtant beaucoup resserré, après une première version de 2h20. Le story board a nécessité un an. La réalisatrice a insisté sur les questions de rythme et de cadres avec des "mouvements de caméra qui devaient être justes et un film très découpé". 

La Sirène est un film en 2D rendu 3D, sans aucun effet numérique, les effets étant réalisés avec After effect. Les équipes ont utilisé beaucoup de logiciels libres, notamment Blender pour l’animation 3D. Huit studios en Europe travaillent à sa fabrication, beaucoup en Allemagne, un peu au Luxembourg et en Belgique. La production qui cherche encore des partenaires, espère finaliser La Sirène pour 2022. Bac Films vend à l’international et le distribuera aussi en France.

Si Sepideh Farsi ne pensait réaliser qu’une seule fois un film en animation, l’expérience lui a toutefois déjà donné l’idée d’un prochain film documentaire en animation.

Sarah Drouhaud
© crédit photo :


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