Cinéma

Annecy 2021 - WIP Saules aveugles femmes endormies : "Un film qui parle de l’égarement et du réveil"

Date de publication : 19/06/2021 - 08:30

Longtemps porté sur les seules épaules de son réalisateur Pierre Foldes, le film, coproduit et fabriqué entre quatre pays, devrait être prêt pour février 2022.



En introduction, Emmanuel-Alain Raynal (Miyu Productions) a rappelé en quelques mots le parcours de production de ce projet aussi singulier qu’attachant. Après une première rencontre avec Pierre Foldes pour un montage dans une configuration qui n’avait pas abouti, il a retrouvé le cinéaste qui venait de signer avec Tom Dercourt (Cinéma Defacto). "Ils étaient en recherche d’un coproducteur délégué qui puisse les accompagner sur la fabrication et le financement du film. Et cela a été un vrai plaisir de les rejoindre sur ce film dont la narration a été posée dès le début par Pierre, d’après différentes nouvelles de Haruki Murakami."

Soutenu notamment à l’avance sur recettes du CNC, le film est fabriqué entre les quatre studios français de Miyu Productions, situés dans des régions qui ont rejoint le financement, Auvergne-Rhône-Alpes Cinéma entrant en coproduction. Le film sera distribué par Gebeka* et vendu à l’international par The Match Factory. Mais le budget de 6 M€ n’a pu être réuni que grâce à une coproduction internationale, associant les Luxembourgeois de Doghouse Films, deux producteurs canadiens, Micro_Scope et l’Unité centrale, et les Pays-Bas via An Original Pictures.

Le synopsis tient en trois lignes : "Un chat perdu, un crapaud géant volubile et un tsunami aident un représentant commercial sans ambition, sa femme frustrée et un comptable schizophrène à sauver Tokyo d'un tremblement de terre et retrouver un sens à leur vie." Plutôt qu’un résumé, Pierre Foldes a préféré évoquer une scène du film centrée sur le personnage central masculin "qui a perdu sa femme et son chat et est sur le point de perdre son boulot. Alors qu’il cherche son chat, il rencontre une jeune femme qui, peu à peu, l’incite à s’endormir. L’orage va le réveiller et il se met alors à écrire un haïku à celle qui l’a quitté. C’est un film qui parle de l’égarement et du réveil. Certains ont parfois des prises de conscience qui les aident à se rendre compte que le chemin qu’ils ont adopté n’est peut-être pas le meilleur, en tout cas n’est pas celui qu’ils avaient imaginé."

À l’image de son film, Pierre Foldes est un cinéaste au parcours singulier. Le compositeur et orchestrateur a quitté New York pour aller vivre à Budapest où il s’est remis à la peinture, avant de commencer à réaliser des courts métrages en animation. "Au départ, je voulais adapter des nouvelles de Murakami en mélangeant différentes techniques. Il a aimé mes films courts et ma façon d’aborder le scénario qui était composé de nouvelles enchevêtrées. J’ai alors pu commencer le développement, tant graphique que narratif." Un moodboard envoyé à Cartoon Movie va permettre à son projet d’être sélectionné au stade de concept. "Pour bricoler un teaser, j’ai dû développer une technique d’animation un peu particulière, en apprenant moi-même certains rudiments notamment sur After Effects."

L’association avec Tom Dercourt résulte du fait que Pierre Foldes envisageait au départ le film en mêlant différentes techniques, dont de la prise de vues réelles. "Mais rapidement, j’ai vu les limites de la technique que j’avais développée en termes de production. J’ai alors commencé à en développer une autre, avec laquelle j’ai notamment animé le personnage du crapaud pour faire des tests." L’arrivée de Miyu dans la boucle va mettre fin à cette longue période de travail en solitaire.

"Lorsque nous avons rencontré Pierre, il avait défini, tout seul, non seulement un style, mais aussi un pipeline très personnel qui lui permettait d’arriver au résultat souhaité très rapidement", raconte Tanguy Olivier, directeur des productions chez Miyu Productions. "Le défi qui se présentait à nous était de réussir à organiser les choses pour arriver à les standardiser, de façon à ce que toute une équipe puisse entamer le travail sans trahir l’esprit originel. Le pari était de réussir à nous adapter et nous avons donc fait en sorte que cette technique que Pierre avait mis au point tout seul, soit viable en termes de production et puisse se transmettre et se répartir entre différents sites."

Un nouveau teaser va être à nouveau présenté au Cartoon Movie, le projet étant cette fois passé à l’étape du développement. Une petite équipe est réunie pour le réaliser mais aussi opérer des développements graphiques et tester cette nouvelle technique d’animation, dans laquelle les têtes des personnages sont notamment sculptées en 3D, tout se faisant ensuite en 2D. Un gros changement d’habitude pour la plupart des animateurs, qui ont dû apprendre à utiliser différemment certains outils. "Harmony de Toon Boom, qui nous beaucoup soutenus, nous a heureusement permis d’effectuer tout ce travail un peu particulier", tient à préciser Tanguy Olivier.

Julien De Man, le directeur artistique, va alors lancer différentes recherches, tant sur les décors que les personnages, avant que la production ne puisse véritablement commencer. Principe de base, tout part de prises de vues réelles faites avec des acteurs, réalisées au Canada chez l’Unité Centrale. "Nous avons tourné l’ensemble du film en studio et avons ensuite fait un montage très proche du storyboard", explique Pierre Foldes. Des images qui vont servir ensuite d’inspiration aux animateurs et à la décoration pour rajouter des informations et des éléments. "Le principe est de procéder par couches différentes. On n’a pas mis de capteurs sur les visages des acteurs, l’idée étant que l’animateur s’empare ensuite des expressions des comédiens pour les traduire d’une façon ou d’une autre en suivant mes indications. Je tiens par exemple à ce qu’il y ait des mouvements de tête, que les visages des personnages soient très expressifs", précise le cinéaste.

L’animation a été distribuée entre plusieurs sites, à Paris, Valence, Arles et au Luxembourg, le principe de base étant qu’un même animateur effectue toutes les étapes de travail sur un même plan, ce qui a permis de garder plus facilement une cohésion du graphisme des personnages et de leurs mouvements. Les dernières retouches d’animation sont en cours, le compositing, pris en charge par l’Unité centrale à Montréal, venant d’être lancé.

Et la musique sera également composée par Pierre Foldes, "dans le sens d’une partition orchestrale mais avec un son particulier, qui devra sembler très proche, nécessitant une prise de son bien précise. Je pense pour le moment à une bande originale qui s’apparentera à un sound design orchestral." Une campagne Kickstarter vient d’être lancée pour le financement de cette dernière étape.

*Détenu par Hildegarde, propriétaire du Film français.

Patrice Carré
© crédit photo :


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