Cinéma

Cannes 2022 – Léa Mysius, réalisatrice des "Cinq Diables" : "J’aborde le cinéma de manière très physique et sensuelle"

Date de publication : 23/05/2022 - 16:25

La Quinzaine des réalisateurs a sélectionné ce deuxième long métrage de la réalisatrice, remarquée en 2017 à la Semaine de la Critique avec Ava.

Comment présentez-vous Les cinq diables en quelques mots ?
Les Cinq diables est une histoire de famille, de transmission et de magie. J’avais envie d’un personnage de petite fille à la fois étrange et burlesque qui porte le poids d’un passé qu’elle ne connaît pas. Son don magique pour les odeurs qui la transporte dans des souvenirs qui ne sont pas les siens va lui permettre de comprendre les secrets de sa famille, de son village et de sa propre existence.
 
Tout ce qui a trait aux sens vous fascine ?
Oui! Je crois que c’est parce que j’aborde le cinéma de manière très physique et sensuelle. Ce que j’aime filmer ce sont les corps, les peaux, les regards… Là il s’agit d’un sens qui a rapport à l’invisible - l’odorat - et j’avais vraiment envie de réfléchir à comment filmer cet invisible. Comment sentir les odeurs, les matières, les fluides au cinéma. Comment cet invisible peut nous transporter dans un autre invisible : les rêves et les souvenirs. Et comment entrevoir derrière les images qui se montrent les images qui se cachent.
 
Vous avez à nouveau écrit avec Paul Guilhaume. Comment collaborez-vous ensemble ?
Concrètement c’est moi qui écris mais nous parlons tout au long du processus et Paul m’aide à restructurer, à réfléchir, à aller plus loin mais pas trop non plus parce que j’ai tendance à m’emballer. Travailler avec lui dès le scénario me permet de penser l’image en même temps que l’histoire, de ne jamais dissocier les deux. Pour Les Cinq diables nous avons trouvé cette idée d’un film toujours en mouvement et ça a orienté l’écriture des scènes, le rythme.

Sur quelle base avez vous fait le choix de vos interprètes ?
Du désir d’une comédienne, Adèle Exarchopoulos, et de la découverte d’une petite fille qui nous a tout de suite fascinée, Sally Dramé. Ensuite on a réfléchi en termes de ressemblance mais ça allait plutôt de soi parce que mon goût pour certains traits de visages - de très grands yeux, des lèvres charnues, une intensité dans le regard très particulière - font que les comédiens que je choisis « font famille » même s’ils ne sont pas censés jouer des frère et soeur ou des parents/enfant.
 
Où et quand avez-vous tourné ?
Nous avons tourné en mars 2021 en Rhône-Alpes pas loin de Grenoble et en Ile-de-France. Nous devions tourner en effet un an plus tôt mais nous avons été stoppés deux jours avant de commencer par le premier confinement. C’était un moment très étrange comme pour beaucoup de gens. Les camions ont fait demi-tour, on est rentrés chez nous et on s’est enfermés avec la mort qui planait et un tournage reporté sans date précise.
 
Ce temps d’arrêt vous a-t-il amené à reprendre le scénario, à revoir des éléments ?
Oui. Finalement cet arrêt a été extrêmement bénéfique. Même si nous avons été affaiblis financièrement et qu’il a fallu trouver de nouveaux financements, artistiquement ça a été un vrai gain. C’est rare d’avoir les comédiens, les décors, les costumes, le découpage, etc, et de pouvoir repenser le film en profondeur. Le scénario a été vraiment amélioré je pense et la deuxième prépa a permis d’être vraiment solides quand le tournage s’est finalement lancé.
 
Vous avez opéré des choix de mise en scène particuliers ?
Le choix fort de mise en scène est celui du 35mm.  Etant donné que nous pouvons tourner peu de rushes, ça implique une rigueur sur le plateau qui influe sur tout le reste : beaucoup de répétitions en amont, une équipe concentrée, un découpage précis. Ce dispositif ne doit cependant pas verrouiller les choses et laisser une liberté d’invention sur le plateau. Il faut plutôt voir cette préparation comme un socle sur lequel on peut s’appuyer pour ensuite improviser si besoin et aller plus loin. L’idée de ce film comme je le disais plus haut était d’être toujours en mouvement. On a donc eu recours à beaucoup de machinerie.
 
Le film a été terminé quand en fin de compte ?
Il y a un mois ou deux. Nous avons pu prendre le temps pour la post-production avec des pauses très bénéfiques en montage ce qui permet de prendre du recul à moindre frais. J’ai beaucoup aimé cette post-production où j’ai eu le temps de vraiment réfléchir, d’essayer des choses, d’en mûrir d’autres.
 
Qu’attendez-vous de cette sélection à la Quinzaine des réalisateurs après être venue à la Semaine ?
Je suis ravie de montrer le film à la Quinzaine des réalisateurs dans une sélection aussi riche et variée. Ça donne envie! La salle est très belle et le côté non compétitif me plaît aussi beaucoup. J’ai hâte de voir et d’entendre les premières réactions des spectateurs parce qu’on fait des films pour les montrer. J’accompagne aussi en tant que scénariste Stars at Noon de Claire Denis qui est en compétition officielle. Ça va être un festival de Cannes intense !

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Paul Guilhaume


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