Cinéma

Annecy 2022 - WIP "Nina et les contes du hérisson" : Un film de casse avec des gamins de 10 ans

Date de publication : 17/06/2022 - 08:17

Le troisième long métrage d’Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli est produit par Parmi Les Lucioles Films, en coproduction avec les luxembourgeois de Doghouse Films.

"Le personnage principal du film s’appelle Nina au début du film. Elle a cinq ans et son père travaille dans une usine comme beaucoup de gens de son quartier. Un jour, un hérisson entre dans l’usine en passant par un trou dans le mur. Le père de Nina le remet en sécurité dehors. Mais cela lui donne des idées pour raconter des histoires le soir à sa fille. Dans chacune, le hérisson essaie de faire des nouveaux métiers, provoquant catastrophes sur catastrophes à cause de ses piquants. Puis le temps passe. Nina a 10 ans et sa vie bascule quand son père refuse de lui raconter une nouvelle histoire, contrairement à d’habitude. Il est triste et fatigué. Son usine a fermé car le directeur a volé de l’argent. Nina est bouleversée. Son meilleur ami Mehdi lui raconte que selon une rumeur, l’argent volé par le directeur serait encore dans l’usine. Nina décide de partir à la recherche de cet argent pour le redistribuer à ceux qui en ont besoin. Mais cela ne va pas être aussi simple car l’usine est surveillée par un gardien et son chien" a pitché en introduction, Alain Gagnol, co-réalisateur du film avant d’ajouter en guise de baseline "c’est donc un film de casse avec des gamins de 10 ans".

"Je me suis inspiré d’une idée de roman que j’avais eue il y a 20 ans. Car j’ai une mémoire très sélective. J’ai du mal à me souvenir de ce que j’ai fait deux jours auparavant, mais je peux me rappeler de quelque chose que j’ai écrit il y a cinq ans". Particulièrement sensible au film de genre, écrivant aussi des romans noirs, Alain Gagnol a pensé le scénario en termes de suspense et de décalage avec des enfants se préparant comme de vrais professionnels pour leur expédition. Et le personnage de Nina a été traité comme une héroïne contemporaine.
 
La question du public cible a été abordée très en amont. "C’était les 5-8 ans, d’où l’idée d’une héroïne de 10 ans qui a grandi au début du film. Et se posait la question des prescripteurs puisque cette tranche d’âge ne va pas au cinéma seule" explique le producteur Jérôme Duc-Maugé (Parmi les Lucioles Films). "Il faut donc faire en sorte que parents et grands-parents aient envie de voir le film. D’où l’idée de traiter ce sujet de la perte d’emploi par exemple".

Même s’il s’inscrit dans la continuité graphique des deux films précédents des cinéastes, Nina et les contes du hérisson marque une évolution avec des perspectives moins déformées et des personnages plus réalistes, ce qui n’est pas sans conséquences sur l’animation. Une évolution aussi en termes de technique avec un passage de la craie et du papier au 100% numérique. "Sur notre film précédent, Phantom boy, les décors étaient faits directement sur Photoshop, mais je travaillais encore sur papier" rappelle Alain Gagnol.
 
Un long casting a été fait pour les voix. "La difficulté avec des enfants d’une dizaine d’années est qu’ils ont des tessitures de voix très proches, qu’ils soient garçons ou filles. Donc le risque était de ne pas les distinguer l’un de l’autre". Outre la sélection des jeunes comédiens un important travail de direction d’acteurs a été effectué sous la supervision de Marie Bureau. Pour rendre le côté cartoonesque du hérisson, qui permet de dédramatiser certaines situations, les cinéastes ont fait appel à Guillaume Bats, humoriste atteint de la maladie des os de verre, qui confère à sa voix un timbre bien particulier. Par ailleurs Audrey Tautou incarne le personnage de la mère et Guillaume Canet le père.
 
A la question de savoir comment se pratiquait la coréalisation, avec Jean-Loup Felicioli, Alain Gagnol a expliqué qu’ils avaient mis au point leur méthode de travail lors de la réalisation de leurs nombreux courts métrages. "Une fois qu’on a validé le scénario, je fais un premier storyboard très jeté, sans me préoccuper du graphisme, car l’idée est de se concentrer sur la mise en scène, le choix des cadrages, les premières idées de montage. En amont, Jean-Loup a déjà fait des illustrations que je peux intégrer au storyboard. Ensuite il peut affiner le storyboard en fonction de son graphisme, changer la mise en scène. Mais dans les trois quarts du temps, on voit les choses de la même manière. Et pour le dernier quart où on a des petites divergences, on a mis au point un système très simple : on cède. Si je veux faire quelque chose, il me dit oui et vice versa".
 
Le long temps passé en préparation leur permet en fin de compte de libérer pas mal de temps par la suite et d’entrer ensuite pleinement dans la subtilité de l’animation, de faire des ajustements en cours de route. Autre particularité, les deux cinéastes travaillent depuis longtemps avec les mêmes collaborateurs. "On ne perd comme ça pas de temps, car au début de toute nouvelle collaboration il faut arriver à comprendre ce que veut le réalisateur" a raconté Xavier Cruz, animateur 2D. "Il faut tout de même savoir qu’à chaque film il y a une difficulté supplémentaire car ils évoluent et il faut le faire avec eux. Et Nina est un film plus réaliste, ce qui demande plus de travail et plus de temps".
 
Par ailleurs le personnage du hérisson devait être abordé avec une technique différente, proche de celle des cartoon des années 20, façon Félix le chat ou Oswald le lapin, ancêtre de Mickey. "L'idée de Jean-Loup et d'Alain était qu’il puisse sortir du film par rapport aux autres personnages, puisqu’il était imaginé par Nina. En regardant de vieux dessins animés, on s’est aperçu qu’ils travaillaient en silhouettes. Mais animer le hérisson selon ce style a pris plus de temps et a donc coûté plus cher, par rapport aux personnages en couleur".
 
Collaboratrice de longue date des deux cinéastes, la cheffe modèle couleur Maryse Tuzi a dû aussi s’adapter à leur changement de technique. Travaillant au début en utilisant des craies aquarellables tenant bien sur celluloid, elle est ensuite venue au crayon sur papier, puis au numérique, en travaillant sur des layouts séquencés.
 
Les coproducteurs luxembourgeois de Doghouse Films ont ensuite raconté de leur côté avoir démarré l’aventure sur le film en 2018 à Annecy. Il leur a fallu trouver leur place en tant que nouveaux partenaires, une partie de leur équipe allant travailler à Valence afin d’établir un contact humain. A présent la continuation de leur collaboration passe par l’enregistrement de la musique au Luxembourg avec un orchestre symphonique et un orchestre de jazz.

Patrice Carré
© crédit photo : Parmi les Lucioles Films / Doghouse


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