Cinéma

Cannes 2025 – Entretien avec les producteurs de "Lucky Lu" présenté à la Quinzaine des Cinéastes

Date de publication : 20/05/2025 - 19:10

Basés à New York, Ron Najor (Hisako Films), Nina Yang Bongiovi (Significant Productions), Tony Yang et Asher Goldstein racontent la genèse d’un projet, emblématique de leur conception de la production indépendante.

Aviez-vous déjà travaillé avec Lloyd Lee Choi sur ses courts métrages ?
Tony Yang
Oui ! J'ai eu le plaisir d'être le producteur de Lloyd sur le court métrage Same Old, qui a inspiré Lucky Lu, que nous avons tourné en 2021. J'ai travaillé avec Norm Li, qui était le directeur de la photographie de mon film de fin d'études (ainsi que celui de Lucky Lu), et il m'a présenté Lloyd, car ils collaboraient depuis longtemps. Lloyd m'a envoyé le scénario du court métrage, et j'ai tout de suite adoré l'histoire. Il y a, ce qui semble être une éternité, nous avons tourné en pleine deuxième vague de la pandémie, en l'espace de quelques jours. C'était une équipe très réduite, mais passionnée, de moins de 10 personnes qui ont toutes cumulé plusieurs rôles pour que le court métrage voie le jour. C'était du cinéma indépendant à l'état pur, et même si c'était difficile, je pouvais voir à quel point ce processus apportait de la joie à Lloyd, Norm et à toutes les personnes impliquées. Nous avons eu l'immense chance que le court-métrage soit présenté en compétition officielle au Festival de Cannes en 2022. C'est là que Lloyd et le court-métrage ont attiré l'attention de Destin Daniel Cretton et des autres producteurs extraordinaires de cette équipe. Lloyd s'est mis à écrire le scénario du long métrage Lucky Lu presque immédiatement après Cannes 2022, et nous voici trois ans plus tard, de retour sur la Croisette avec le long métrage.

Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet de long métrage ?
Asher Goldstein
L'opportunité de raconter l'histoire d'une lutte réelle, celle de vrais travailleurs qui parviennent encore à trouver un peu d'espoir, dans un New York que l'on ne voit jamais à l'écran. Cela m'a semblé parler directement de ce qu’est le cinéma. J'aime l'idée que chaque personne rencontrée a une histoire, et Lucky Lu illustre parfaitement cette thèse. Notre réalisateur a un point de vue tellement empathique qu'il était évident qu'il saurait capturer cet univers d'une manière qui touche et qui attire dans son récit.
Ron Najor
J'ai regardé les courts métrages de Lloyd, Same Old et Closing Dynasty. Ils ont été envoyés à notre société de production par l'intermédiaire de WME. Ils étaient tous les deux fantastiques. Il y avait également un lien vers les travaux publicitaires de Lloyd. Je me suis plongé dans son travail et j'ai été stupéfait de découvrir son talent dans le domaine. Quelques semaines plus tard, Asher Goldstein et moi avons discuté avec Lloyd sur Zoom, et nous avons découvert qu’il était non seulement talentueux, mais aussi gentil et humble. Lloyd a évoqué son long métrage, Lucky Lu, qu'il développait à partir de Same Old, et nous avons exprimé notre intérêt pour lire le scénario et collaborer avec lui sur le projet.
Nina Yang Bongiovi
Destin Daniel Cretton, de Hisako Films, m'a parlé de Lloyd et de Lucky Lu en 2023, et m'a dit que Lloyd travaillait sur une version longue de Same Old. Une fois le scénario prêt, j'ai rencontré Lloyd et j'ai été tellement touchée par sa vision que j'ai voulu l'aider à réaliser son premier long métrage. C'est quelque chose qui me passionne et que je fais depuis dix ans en lançant des réalisateurs de films d'auteur, notamment Ryan Coogler, Chloe Zhao, Boots Riley, Rebecca Hall et Erica Tremblay... Lloyd est dans la même catégorie en termes de singularité dans la narration et l'art. Sa gentillesse (et bien sûr son talent) m'ont attiré vers ce projet. En tant que productrice asiatico-américaine d’Hollywood, je souhaite mettre en avant des histoires authentiques sur la résilience au sein de la communauté asiatique à l'étranger. Le fait que l'histoire se déroule dans une ville aussi dynamique qu’implacable qu’est New York apporte à ce film toutes les nuances socio-économiques nécessaires. Lucky Lu explore la paternité, les liens générationnels et la piété filiale, avec inspiration et espoir.
Tony Yang
Même si j'étais le producteur du court métrage, j’étais de loin le moins expérimenté dans le domaine de la production par rapport au reste de l'équipe. J'ai eu beaucoup de chance du fait que Lloyd avait beaucoup apprécié notre collaboration sur le court métrage et qu'il avait demandé au reste de l'équipe de m'intégrer à l'équipe pour travailler sur la version longue du film. Cela a vraiment beaucoup compté pour moi, tant sur le plan personnel que professionnel, que Lloyd me fasse confiance. Entre le tournage du court métrage et le début de Lucky Lu, j'ai eu la chance de participer à la production de deux longs métrages à New York, tous deux en mandarin et centrés sur la communauté asiatique. L'expérience acquise sur ces deux films m'a vraiment aidé à mieux comprendre ce qu'impliquait la réalisation d'un long métrage.

Comment l'avez-vous produit ? Avec quel financement ?
Asher Goldstein
Comme tous les films, celui-ci témoigne du travail d'une équipe très solide. Il a été financé de manière indépendante par des investisseurs privés aux États-Unis et en Asie.
Nina Yang Bongiovi
Nous avons reçu un soutien considérable de la part de partenaires financiers asiatiques et asiatiques-américains qui croyaient en la vision de Lloyd et en la solide équipe de production derrière le film. C'est une histoire culturellement importante qui a trouvé un écho auprès de tous nos investisseurs.
Tony Yang
Réaliser des films indépendants dans le contexte actuel de l'industrie est toujours un exploit incroyable. Pour faire écho à mes collègues producteurs, nous avions vraiment une équipe incroyable devant et derrière la caméra. Chaque membre de la production, des assistants de production aux chefs de poste, s'est vraiment donné à fond pour ce projet. Nous avions plus de 50 lieux de tournage prévus, que nous avons filmés en 22 jours à New York. Il a fallu beaucoup de communication, de coordination et de concentration à tous les niveaux pour mener à bien cette production. La vision de Lloyd était précise du début à la fin et, en tant que producteurs, nous avons dû nous mobiliser à plusieurs reprises pour relever de nombreux défis.

Le film avait-il des exigences particulières en matière de production ?
Asher Goldstein
Nous voulions que tout soit réaliste à l'écran, que tout semble authentique et vécu. Nous devions tourner à New York, dans le quartier de Chinatown. L'ambiance du film exigeait également que nous tournions en Super 16 mm, ce qui est rare de nos jours. Chacune de ces exigences a représenté des défis, mais a débouché sur une certaine beauté.
Nina Yang Bongiovi
Étant donné que le film est tourné à 90 % en mandarin, nous avons eu la chance de pouvoir compter sur une équipe et d’acteurs remarquables, la plupart étaient bilingues anglais-mandarin. C'était une expérience formidable de pouvoir partager cette langue et cette culture, ce qui nous a permis de soutenir pleinement la vision de Lloyd.

Combien de temps a duré la production du film ?
Asher Goldstein
Entre la première lecture du scénario et aujourd'hui, cela fait environ deux ans et demi au total. Ce qui est assez rapide, tout bien considéré. Nous avons tourné pendant un peu plus d'un mois l'hiver dernier à New York.
Nina Yang Bongiovi
Le développement a pris plus de deux ans, la préproduction cinq semaines, le tournage 22 jours au total et la postproduction 16 semaines.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR


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