
Cannes 2025 – Lloyd Lee Choi réalisateur de "Lucky Lu" : "C’est l’histoire de la persévérance d'un travailleur invisible"
Date de publication : 20/05/2025 - 19:05
Scénariste et réalisateur coréano-canadien vivant à Brooklyn, Lloyd Lee Choi a réalisé le court métrage, Same Old, qui a fait sa première mondiale en compétition au 75e Festival de Cannes. Lucky Lu, présenté à la Quinzaine est son adaptation en long métrage.
Comment décririez-vous Lucky Lu en quelques mots ?
La persévérance d'un travailleur invisible.
Y a-t-il un lien direct avec votre précédent court métrage Same Old ?
Lucky Lu est une adaptation du court métrage Same Old. Dans le court, nous suivions Lu pendant une nuit, tandis que dans le long métrage, l'histoire s'étend sur deux jours.
Pourquoi êtes-vous revenu sur ce personnage de livreur à vélo ?
L'idée m'est venue pendant le confinement à New York. Je commandais à manger tous les jours et chaque soir, un livreur masqué différent me livrait mon repas. À cette époque, ils étaient considérés comme des travailleurs essentiels, au même titre que les médecins et les infirmières. Ils risquaient leur vie pour nourrir la ville. Je me suis intéressé à qui étaient ces livreurs.
Ils sont devenus omniprésents dans le paysage new-yorkais, un peu comme les taxis jaunes. Ils sont partout autour de nous, jour et nuit, et j'ai été fasciné par leur vie au travail et en dehors. Leurs familles, leurs enfants, leurs dilemmes personnels et leurs rêves. Après le court métrage, j'ai senti qu'il y avait une histoire plus profonde et plus riche à explorer, et c'est ainsi qu'a commencé mon aventure avec Lucky Lu.
Avez-vous écrit le scénario seul ?
J'ai écrit le scénario après la première de Same Old à Cannes, lorsque Hisako Films s'est joint à l'équipe pour aider à développer le film. J'ai commencé par une ébauche et j'ai mis plusieurs mois à terminer la première version. C'était un défi intéressant d'adapter un scénario de court métrage en long métrage. Je savais que la simplicité d'un court ne pouvait pas facilement être développée en long, j'ai donc dû trouver une nouvelle approche, de nouveaux enjeux et une autre façon de créer une dynamique émotionnelle pour cette nouvelle durée.
En ce qui concerne vos producteurs chez Hisako et Significant, aviez-vous déjà travaillé avec eux auparavant ?
Non cela a été ma première collaboration avec Hisako et Significant. Dès le début, ce fut un partenariat de rêve. Hisako a été la première société à se joindre à nous pour aider à développer le scénario. Nous avions prévu de commencer la production en 2023, mais elle a été retardée d'un an en raison des grèves. Cela nous a permis de peaufiner le scénario pendant un an. Pendant ce temps, j'envoyais des versions préliminaires à Tony, qui avait produit mon court métrage. C'était quelqu'un que je voulais sur le film depuis le début et qui savait comment réaliser un film indépendant dans cette ville. Significant s'est joint à nous l'année dernière et a servi de force motrice. Tout s'est passé très vite, en presque exactement un an, du financement à la première à la Quinzaine des cinéastes. Pour un premier long métrage, je n'aurais pas pu rêver mieux. Tout le monde est animé par de bonnes intentions et de la gentillesse.Je suis très reconnaissant de leur soutien et de leur amour pour ce projet.
Comment avez-vous constitué votre distribution ?
Avec l'aide des producteurs, nous avons pu faire parvenir le scénario à Chang Chen, qui était en tête de notre liste pour incarner Lu. Il a été séduit par le personnage, qui est désormais père, et je l'ai d'abord rencontré sur Zoom, avant d’aller le voir en personne. Je n'oublierai jamais cette rencontre de huit heures avec un acteur que j’admire depuis longtemps, alors que je souffrais d'un terrible décalage horaire. Une fois qu'il a accepté, le film a pris une dimension réelle. Notre prochain défi était de trouver notre petite Queenie, qui allait porter la moitié du film et, d'une certaine manière, en être le cœur émotionnel. Nous avons commencé les auditions pour Queenie environ six mois avant le début du tournage et avons cherché dans tout le pays. Trouver une actrice de 7 à 9 ans parlant couramment le mandarin et dotée d’un esprit curieux et tranquille était assez difficile. Mais quand la cassette de démo de Carabelle est arrivée elle m'a immédiatement captivée. Elle n'avait jamais joué auparavant, c'était donc une décision risquée, mais je ne pouvais pas m'empêcher de l'imaginer dans ce rôle. Dès qu'elle est arrivée sur le plateau, je pense qu'elle a époustouflé tout le monde par son jeu, mais aussi par son éthique et son professionnalisme. C'est une star.
Où et quand avez-vous tourné ?
Nous avons tourné à New York de mi-décembre à fin janvier, en plein hiver. Je voulais découvrir des lieux qui n'ont pas souvent été vus dans les films sur New York. Les coulisses de la ville et de Chinatown. Nous avons volontairement évité les monuments emblématiques de New York et les quartiers pittoresques, car nous voulions créer un univers un peu plus réel et oppressant.
Avez-vous développé une méthode de travail spécifique ?
Le directeur de la photographie Norm Li et moi avons très tôt discuté du langage du film et de la manière dont nous voulions créer une certaine tonalité qui soit à la fois réaliste et posée. Nous avons décidé de garder une caméra fixe et de ne la bouger que lorsque cela était justifié. Nous voulions avoir l'impression de ne jamais empiéter sur l'intimité des personnages, de les observer simplement, sans chercher à embellir les choses gratuitement. Nous avons évité certains plans et essayé de minimiser les angles de prises de vues afin de respecter les règles que nous nous étions fixées. De plus, nous avons fait le choix de tourner sur pellicule, ce qui, dans le cadre d'une production indépendante, nous obligeait à être très prudents.
Des anecdotes sur les difficultés rencontrées lors du tournage ?
Tourner à New York est un rêve dans lequel se mêlent inspiration et déchirements. Les rues de la ville offrent une atmosphère et une vie incroyables. Mais il faut aussi savoir que tout peut changer à tout moment. Comme Lucky Lu se déroule en grande partie dans les rues, la météo a toujours constitué une menace. La neige et la pluie étaient toujours au rendez-vous, et j'avais l'impression que nous étions constamment en train de courir pour fuir le mauvais temps. Le dernier jour, on prévoyait 12 cm de neige le matin. Nous redoutions cette journée. Avec la continuité et l'histoire qui se déroulait sur deux jours, cela risquait de ruiner complètement notre journée de tournage. Mais nous n'avions pas le choix et avons pris le risque. À chaque heure, la neige fondait juste assez pour nous permettre de tourner. Une heure de plus, puis une autre... et nous avons enfin tourné notre dernière scène. J'ai levé les yeux et la neige a commencé à tomber. C'était comme si la ville nous disait : "Vous avez terminé". Je me souviendrai toujours du moment où je suis sorti du bar après le pot de fin de tournage et où j'ai vu une magnifique couverture de neige recouvrir la ville... C'était surréaliste.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Nous avons terminé le film début mai seulement... notre superviseur de post-production s’est s'envolé pour Cannes avec le DCP le 13 mai. Le calendrier a été très chargé depuis la fin du tournage (fin janvier) jusqu'à la finalisation du montage, puis la finition du film. Lorsque nous avons appris que nous étions invités à la Quinzaine des cinéastes nous n'avions que deux semaines pour faire le l’étalonnage et le mixage afin d'être prêts pour la première. Je dois rendre hommage à notre incroyable monteur, Brendan Mills, et à toute l'équipe de post-production d'Elemental Post, qui ont tous travaillé sans relâche pour que nous puissions être prêts à temps.
Le résultat final est-il similaire au film que vous aviez imaginé au départ ?
Oui, mais en beaucoup mieux. Je suis ravi du travail de nos acteurs, qui ont donné tant de vie et d'émotion à chaque personnage. Tous les membres de l'équipe se sont investis corps et âme dans ce film, qui dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer.
La Quinzaine, est-ce le cadre idéal pour votre travail ?
Faire sa première à la Quinzaine des Cinéastes est un rêve absolu. Tant de films de mes cinéastes préférés ont été présentés ici, et avoir l'impression de marcher dans leurs traces est à la fois surréaliste et inspirant. J'ai hâte de réaliser mon prochain film.
Avez-vous de bons souvenirs de la présentation de votre court métrage à Cannes en 2022 ?
La première de mon court métrage à Cannes a changé ma vie. C'était le premier court que je considérais comme mien, et Cannes était le premier festival auquel j'assistais en tant que cinéaste. Cela m'a ouvert de nombreuses portes, m'a inspiré et m'a permis de travailler avec des talents incroyables pour ce premier long métrage.
La persévérance d'un travailleur invisible.
Y a-t-il un lien direct avec votre précédent court métrage Same Old ?
Lucky Lu est une adaptation du court métrage Same Old. Dans le court, nous suivions Lu pendant une nuit, tandis que dans le long métrage, l'histoire s'étend sur deux jours.
Pourquoi êtes-vous revenu sur ce personnage de livreur à vélo ?
L'idée m'est venue pendant le confinement à New York. Je commandais à manger tous les jours et chaque soir, un livreur masqué différent me livrait mon repas. À cette époque, ils étaient considérés comme des travailleurs essentiels, au même titre que les médecins et les infirmières. Ils risquaient leur vie pour nourrir la ville. Je me suis intéressé à qui étaient ces livreurs.
Ils sont devenus omniprésents dans le paysage new-yorkais, un peu comme les taxis jaunes. Ils sont partout autour de nous, jour et nuit, et j'ai été fasciné par leur vie au travail et en dehors. Leurs familles, leurs enfants, leurs dilemmes personnels et leurs rêves. Après le court métrage, j'ai senti qu'il y avait une histoire plus profonde et plus riche à explorer, et c'est ainsi qu'a commencé mon aventure avec Lucky Lu.
Avez-vous écrit le scénario seul ?
J'ai écrit le scénario après la première de Same Old à Cannes, lorsque Hisako Films s'est joint à l'équipe pour aider à développer le film. J'ai commencé par une ébauche et j'ai mis plusieurs mois à terminer la première version. C'était un défi intéressant d'adapter un scénario de court métrage en long métrage. Je savais que la simplicité d'un court ne pouvait pas facilement être développée en long, j'ai donc dû trouver une nouvelle approche, de nouveaux enjeux et une autre façon de créer une dynamique émotionnelle pour cette nouvelle durée.
En ce qui concerne vos producteurs chez Hisako et Significant, aviez-vous déjà travaillé avec eux auparavant ?
Non cela a été ma première collaboration avec Hisako et Significant. Dès le début, ce fut un partenariat de rêve. Hisako a été la première société à se joindre à nous pour aider à développer le scénario. Nous avions prévu de commencer la production en 2023, mais elle a été retardée d'un an en raison des grèves. Cela nous a permis de peaufiner le scénario pendant un an. Pendant ce temps, j'envoyais des versions préliminaires à Tony, qui avait produit mon court métrage. C'était quelqu'un que je voulais sur le film depuis le début et qui savait comment réaliser un film indépendant dans cette ville. Significant s'est joint à nous l'année dernière et a servi de force motrice. Tout s'est passé très vite, en presque exactement un an, du financement à la première à la Quinzaine des cinéastes. Pour un premier long métrage, je n'aurais pas pu rêver mieux. Tout le monde est animé par de bonnes intentions et de la gentillesse.Je suis très reconnaissant de leur soutien et de leur amour pour ce projet.
Comment avez-vous constitué votre distribution ?
Avec l'aide des producteurs, nous avons pu faire parvenir le scénario à Chang Chen, qui était en tête de notre liste pour incarner Lu. Il a été séduit par le personnage, qui est désormais père, et je l'ai d'abord rencontré sur Zoom, avant d’aller le voir en personne. Je n'oublierai jamais cette rencontre de huit heures avec un acteur que j’admire depuis longtemps, alors que je souffrais d'un terrible décalage horaire. Une fois qu'il a accepté, le film a pris une dimension réelle. Notre prochain défi était de trouver notre petite Queenie, qui allait porter la moitié du film et, d'une certaine manière, en être le cœur émotionnel. Nous avons commencé les auditions pour Queenie environ six mois avant le début du tournage et avons cherché dans tout le pays. Trouver une actrice de 7 à 9 ans parlant couramment le mandarin et dotée d’un esprit curieux et tranquille était assez difficile. Mais quand la cassette de démo de Carabelle est arrivée elle m'a immédiatement captivée. Elle n'avait jamais joué auparavant, c'était donc une décision risquée, mais je ne pouvais pas m'empêcher de l'imaginer dans ce rôle. Dès qu'elle est arrivée sur le plateau, je pense qu'elle a époustouflé tout le monde par son jeu, mais aussi par son éthique et son professionnalisme. C'est une star.
Où et quand avez-vous tourné ?
Nous avons tourné à New York de mi-décembre à fin janvier, en plein hiver. Je voulais découvrir des lieux qui n'ont pas souvent été vus dans les films sur New York. Les coulisses de la ville et de Chinatown. Nous avons volontairement évité les monuments emblématiques de New York et les quartiers pittoresques, car nous voulions créer un univers un peu plus réel et oppressant.
Avez-vous développé une méthode de travail spécifique ?
Le directeur de la photographie Norm Li et moi avons très tôt discuté du langage du film et de la manière dont nous voulions créer une certaine tonalité qui soit à la fois réaliste et posée. Nous avons décidé de garder une caméra fixe et de ne la bouger que lorsque cela était justifié. Nous voulions avoir l'impression de ne jamais empiéter sur l'intimité des personnages, de les observer simplement, sans chercher à embellir les choses gratuitement. Nous avons évité certains plans et essayé de minimiser les angles de prises de vues afin de respecter les règles que nous nous étions fixées. De plus, nous avons fait le choix de tourner sur pellicule, ce qui, dans le cadre d'une production indépendante, nous obligeait à être très prudents.
Des anecdotes sur les difficultés rencontrées lors du tournage ?
Tourner à New York est un rêve dans lequel se mêlent inspiration et déchirements. Les rues de la ville offrent une atmosphère et une vie incroyables. Mais il faut aussi savoir que tout peut changer à tout moment. Comme Lucky Lu se déroule en grande partie dans les rues, la météo a toujours constitué une menace. La neige et la pluie étaient toujours au rendez-vous, et j'avais l'impression que nous étions constamment en train de courir pour fuir le mauvais temps. Le dernier jour, on prévoyait 12 cm de neige le matin. Nous redoutions cette journée. Avec la continuité et l'histoire qui se déroulait sur deux jours, cela risquait de ruiner complètement notre journée de tournage. Mais nous n'avions pas le choix et avons pris le risque. À chaque heure, la neige fondait juste assez pour nous permettre de tourner. Une heure de plus, puis une autre... et nous avons enfin tourné notre dernière scène. J'ai levé les yeux et la neige a commencé à tomber. C'était comme si la ville nous disait : "Vous avez terminé". Je me souviendrai toujours du moment où je suis sorti du bar après le pot de fin de tournage et où j'ai vu une magnifique couverture de neige recouvrir la ville... C'était surréaliste.
Quand le film a-t-il été terminé ?
Nous avons terminé le film début mai seulement... notre superviseur de post-production s’est s'envolé pour Cannes avec le DCP le 13 mai. Le calendrier a été très chargé depuis la fin du tournage (fin janvier) jusqu'à la finalisation du montage, puis la finition du film. Lorsque nous avons appris que nous étions invités à la Quinzaine des cinéastes nous n'avions que deux semaines pour faire le l’étalonnage et le mixage afin d'être prêts pour la première. Je dois rendre hommage à notre incroyable monteur, Brendan Mills, et à toute l'équipe de post-production d'Elemental Post, qui ont tous travaillé sans relâche pour que nous puissions être prêts à temps.
Le résultat final est-il similaire au film que vous aviez imaginé au départ ?
Oui, mais en beaucoup mieux. Je suis ravi du travail de nos acteurs, qui ont donné tant de vie et d'émotion à chaque personnage. Tous les membres de l'équipe se sont investis corps et âme dans ce film, qui dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer.
La Quinzaine, est-ce le cadre idéal pour votre travail ?
Faire sa première à la Quinzaine des Cinéastes est un rêve absolu. Tant de films de mes cinéastes préférés ont été présentés ici, et avoir l'impression de marcher dans leurs traces est à la fois surréaliste et inspirant. J'ai hâte de réaliser mon prochain film.
Avez-vous de bons souvenirs de la présentation de votre court métrage à Cannes en 2022 ?
La première de mon court métrage à Cannes a changé ma vie. C'était le premier court que je considérais comme mien, et Cannes était le premier festival auquel j'assistais en tant que cinéaste. Cela m'a ouvert de nombreuses portes, m'a inspiré et m'a permis de travailler avec des talents incroyables pour ce premier long métrage.
Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : DR
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