
Cannes 2025 – Thomas Ngijol réalisateur de "Indomptables" : "Je voulais faire un film 100% africain, sans prisme occidental"
Date de publication : 21/05/2025 - 14:50
Familier de la télévision et des comédies populaires, Thomas Ngijol livre avec ce long métrage, sélectioné à la Quinzaine, une œuvre très personnelle en forme de polar, entièrement filmée au Cameroun, avec des comédiens recrutés localement.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’adapter en fiction Un crime à Abidjan le documentaire de Mosco Levi Boucault ?
Il commence à dater. Mais quand je l’ai vu, j’ai ressenti un choc, car certains éléments me semblaient familiers. La mentalité de ce commissaire entrait en connexion avec des éléments un peu personnels de ma vie. Donc il y avait quelque chose qui était à la fois loin et proche. Et puis je connais l'Afrique depuis mon plus jeune âge. Certes je suis né à Paris, mais j’ai eu l'opportunité d'y aller tous les ans depuis l'âge de 5 ans. Donc, je n'étais pas étranger à cette société et à certains comportements et j’ai fait très clairement une projection sur ce personnage et son univers. A l'époque je n'étais pas du tout dans une optique cinématographique. Mais à un moment c'est revenu un peu comme une évidence pour moi.
Pourquoi en faire une fiction et la transposer au Cameroun?
Cela part avant tout d’une envie personnelle. J’étais sorti d'un spectacle où j'avais créé, en mon for intérieur, un sorte de lien entre moi et mes enfants. Il y avait une dimension un peu émotionnelle et j'avais envie de continuer un peu dans cette voie, en m’attaquant cette fois à mon père, aux grands parents de mes enfants. Peut-être parce que la communication a toujours été un peu compliquée dans ma famille. Et en rajoutant là-dessus un personnage de flic je me suis dit que je tenais quelque chose. Je pouvais transposer des éléments personnels dans sa vie, et en mixant les deux, cela me permettait de rester crédible même en parlant de choses que je connaissais forcément moins bien. Et puis je voulais tourner en Afrique. Le transposer en France n’était pas une bonne solution. J’ai grandi dans un milieu populaire en région parisienne et je voyais facilement tous les risques de poncifs. Je voulais donc ancrer ce commissaire dans sa société, faire un film 100% africain, sans prisme occidental.
Comment avez-vous travaillé avec votre co-scénariste Patrick Rocher ?
Nous avions déjà travaillé ensemble sur Fraté. Mais cette fois j'ai longtemps travaillé un peu seul car il y avait toute une partie introspective. J’avais besoin de voir un peu ce dont j'avais envie de parler. Mais dans un second temps nous avons travaillé sur la structure afin de voir comment les deux histoires, la mienne et celle du commissaire, pouvaient cohabiter.
Et est-ce que vous avez ressenti certaines réticences du fait que vous abordiez un registre très différent de ce que vous avez fait jusqu’ici ?
J’ai ressenti très vite en effet que je n’étais pas attendu sur ce terrain-là. Or pour moi ce n’est pas une rupture, mais une continuité. Mais c’est là ou Why Not Production et Pascal Caucheteux notamment ont été super, car ils ne m'ont jamais fait douter de mon propos à partir du moment où je leur ai raconté ce que j'avais en tête, ce que j'avais envie de faire. Ils ont donné au développement toute sa chance. J'ai travaillé avec l'aide de certaines personnes de la production et ensuite les choses se sont faites assez naturellement. Le budget n'était pas fou. Mais je n'avais pas besoin de plus. Il n'y avait pas besoin de rentrer dans des dépenses un peu superflues, d’autant que ma vision de la réalisation, était brute et frontale. Je ne voulais pas magnifier l'Afrique, je voulais être vraiment dans le vif du sujet. Je ne dirai pas que j’ai tout anticipé, mais j'étais très conscient du challenge que représentait le film.
Comment avez-vous constitué votre casting ?
C'est un peu bizarre de dire ça, mais j'étais quand même un peu habité et transporté par beaucoup de choses sur ce film. Donc j'avais clairement envie d'incarner ce personnage. Pour le reste, à partir du moment où il a été établi que je tournerai au Cameroun, il n’était pas question d’aller chercher des comédiens en France. Car au Cameroun il y a des talents bruts qui connaissent la réalité du pays. Donc on a fait un grand casting avec le directeur de casting local. Et j'ai été secondé par Barbara Blancardini, ma fille, qui a travaillé avec moi sur mes sketches du studio Bagel pour Canal+ et sur Fraté. Elle me connait bien et elle a un vrai talent de détection. Donc elle a beaucoup déblayé le terrain sur place et m’a présenté différents profils, dont certains non professionnels. A mon humble avis, l’une des grandes réussites du film c'est d'avoir mis en lumière certains talents encore méconnus mais dotés d’un grand potentiel.
Parce qu'il fallait constituer deux familles en quelques sorte, celle de ce commissaire mais aussi ce groupe de policiers qui l’entourent…
Tout à fait. Et il fallait aussi rendre compte de la société, de la rue, au travers de quelques personnages, comme la vendeuse de beignets, les bandits ou le pharmacien. Il fallait que ce soit crédible et il est vrai que je suis heureux du résultat car personne ne surjoue. Je leur ai donné la possibilité d’exprimer au mieux leur potentiel. Je n'ai pas la prétention de leur avoir appris ce métier. Ils sont tellement vrais et purs dans leur jeu et dans l'univers dans lequel ils évoluent qu'il y avait juste à les valoriser comme il fallait afin qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes.
Pendant combien de temps avez-vous tourné ?
On a eu quatre semaines de tournage à Yaounde, précédées de quatre semaines de prépa. C’était court. Il a fallu se serrer la ceinture, et ça a été dur, mais il y a eu aussi beaucoup de plaisir. Certes nous avons rencontré plein de péripéties et d’obstacles mais nous avons été portés par une bonne énergie de la part de l’équipe technique. Tout le monde a donné le meilleur. Oui cela a été fatiguant par moments, mais à la fin tout le monde était heureux et ravi de l'expérience.
En termes de décors avez-vous recherché une atmosphère, une ambiance particulière ?
Je cherchais surtout la vérité. En fait, comme je l'ai dit un peu précédemment, je ne voulais pas magnifier l'Afrique, je ne voulais pas magnifier le Cameroun. Je ne voulais pas le rendre plus misérable qu'il n’est dans certains endroits ni plus chic dans d'autres. Je voulais être dans le vrai. Donc à partir de là, on a toujours recherché la vérité que ce soit au commissariat, dans la rue ou chez le commissaire. Il n'y eu aucun effet de style pour tricher quoi que ce soit. Tout a été épuré, jusqu'au maquillage.
Quel accueil espérez-vous pour votre film ?
Certes j'ai fait Indomptables en Afrique, au Cameroun, parce que c'est mon pays, parce que ça me connecte à plein de choses. Mais je suis persuadé que d'où qu'on vienne, on peut être aussi connecté à ces choses-là. Je suis fan de polar et j’adore aussi les drames asiatiques, coréens et autres. Pour moi il est temps de s'intéresser à des histoires qui se déroulent en Afrique. Je pense que les personnages du film sont assez universels et pourront intéresser beaucoup de spectateurs. J’espère que cela suscitera de la curiosité. Ce qui est magnifique dans le cinéma, c’est de voir des gens se connecter avec des personnages qui vivent à l’autre bout du monde et avec lesquels ils n’ont à priori rien à voir au premier abord. J’aimerai que ce soit le cas pour Indomptables.
Comment avez-vous reçu cette sélection à la Quinzaine ?
Je sais parfaitement tout ce que les techniciens et les comédiens ont donné. Avoir cette vitrine-là qui est mondiale, c'est juste magnifique.
Il commence à dater. Mais quand je l’ai vu, j’ai ressenti un choc, car certains éléments me semblaient familiers. La mentalité de ce commissaire entrait en connexion avec des éléments un peu personnels de ma vie. Donc il y avait quelque chose qui était à la fois loin et proche. Et puis je connais l'Afrique depuis mon plus jeune âge. Certes je suis né à Paris, mais j’ai eu l'opportunité d'y aller tous les ans depuis l'âge de 5 ans. Donc, je n'étais pas étranger à cette société et à certains comportements et j’ai fait très clairement une projection sur ce personnage et son univers. A l'époque je n'étais pas du tout dans une optique cinématographique. Mais à un moment c'est revenu un peu comme une évidence pour moi.
Pourquoi en faire une fiction et la transposer au Cameroun?
Cela part avant tout d’une envie personnelle. J’étais sorti d'un spectacle où j'avais créé, en mon for intérieur, un sorte de lien entre moi et mes enfants. Il y avait une dimension un peu émotionnelle et j'avais envie de continuer un peu dans cette voie, en m’attaquant cette fois à mon père, aux grands parents de mes enfants. Peut-être parce que la communication a toujours été un peu compliquée dans ma famille. Et en rajoutant là-dessus un personnage de flic je me suis dit que je tenais quelque chose. Je pouvais transposer des éléments personnels dans sa vie, et en mixant les deux, cela me permettait de rester crédible même en parlant de choses que je connaissais forcément moins bien. Et puis je voulais tourner en Afrique. Le transposer en France n’était pas une bonne solution. J’ai grandi dans un milieu populaire en région parisienne et je voyais facilement tous les risques de poncifs. Je voulais donc ancrer ce commissaire dans sa société, faire un film 100% africain, sans prisme occidental.
Comment avez-vous travaillé avec votre co-scénariste Patrick Rocher ?
Nous avions déjà travaillé ensemble sur Fraté. Mais cette fois j'ai longtemps travaillé un peu seul car il y avait toute une partie introspective. J’avais besoin de voir un peu ce dont j'avais envie de parler. Mais dans un second temps nous avons travaillé sur la structure afin de voir comment les deux histoires, la mienne et celle du commissaire, pouvaient cohabiter.
Et est-ce que vous avez ressenti certaines réticences du fait que vous abordiez un registre très différent de ce que vous avez fait jusqu’ici ?
J’ai ressenti très vite en effet que je n’étais pas attendu sur ce terrain-là. Or pour moi ce n’est pas une rupture, mais une continuité. Mais c’est là ou Why Not Production et Pascal Caucheteux notamment ont été super, car ils ne m'ont jamais fait douter de mon propos à partir du moment où je leur ai raconté ce que j'avais en tête, ce que j'avais envie de faire. Ils ont donné au développement toute sa chance. J'ai travaillé avec l'aide de certaines personnes de la production et ensuite les choses se sont faites assez naturellement. Le budget n'était pas fou. Mais je n'avais pas besoin de plus. Il n'y avait pas besoin de rentrer dans des dépenses un peu superflues, d’autant que ma vision de la réalisation, était brute et frontale. Je ne voulais pas magnifier l'Afrique, je voulais être vraiment dans le vif du sujet. Je ne dirai pas que j’ai tout anticipé, mais j'étais très conscient du challenge que représentait le film.
Comment avez-vous constitué votre casting ?
C'est un peu bizarre de dire ça, mais j'étais quand même un peu habité et transporté par beaucoup de choses sur ce film. Donc j'avais clairement envie d'incarner ce personnage. Pour le reste, à partir du moment où il a été établi que je tournerai au Cameroun, il n’était pas question d’aller chercher des comédiens en France. Car au Cameroun il y a des talents bruts qui connaissent la réalité du pays. Donc on a fait un grand casting avec le directeur de casting local. Et j'ai été secondé par Barbara Blancardini, ma fille, qui a travaillé avec moi sur mes sketches du studio Bagel pour Canal+ et sur Fraté. Elle me connait bien et elle a un vrai talent de détection. Donc elle a beaucoup déblayé le terrain sur place et m’a présenté différents profils, dont certains non professionnels. A mon humble avis, l’une des grandes réussites du film c'est d'avoir mis en lumière certains talents encore méconnus mais dotés d’un grand potentiel.
Parce qu'il fallait constituer deux familles en quelques sorte, celle de ce commissaire mais aussi ce groupe de policiers qui l’entourent…
Tout à fait. Et il fallait aussi rendre compte de la société, de la rue, au travers de quelques personnages, comme la vendeuse de beignets, les bandits ou le pharmacien. Il fallait que ce soit crédible et il est vrai que je suis heureux du résultat car personne ne surjoue. Je leur ai donné la possibilité d’exprimer au mieux leur potentiel. Je n'ai pas la prétention de leur avoir appris ce métier. Ils sont tellement vrais et purs dans leur jeu et dans l'univers dans lequel ils évoluent qu'il y avait juste à les valoriser comme il fallait afin qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes.
Pendant combien de temps avez-vous tourné ?
On a eu quatre semaines de tournage à Yaounde, précédées de quatre semaines de prépa. C’était court. Il a fallu se serrer la ceinture, et ça a été dur, mais il y a eu aussi beaucoup de plaisir. Certes nous avons rencontré plein de péripéties et d’obstacles mais nous avons été portés par une bonne énergie de la part de l’équipe technique. Tout le monde a donné le meilleur. Oui cela a été fatiguant par moments, mais à la fin tout le monde était heureux et ravi de l'expérience.
En termes de décors avez-vous recherché une atmosphère, une ambiance particulière ?
Je cherchais surtout la vérité. En fait, comme je l'ai dit un peu précédemment, je ne voulais pas magnifier l'Afrique, je ne voulais pas magnifier le Cameroun. Je ne voulais pas le rendre plus misérable qu'il n’est dans certains endroits ni plus chic dans d'autres. Je voulais être dans le vrai. Donc à partir de là, on a toujours recherché la vérité que ce soit au commissariat, dans la rue ou chez le commissaire. Il n'y eu aucun effet de style pour tricher quoi que ce soit. Tout a été épuré, jusqu'au maquillage.
Quel accueil espérez-vous pour votre film ?
Certes j'ai fait Indomptables en Afrique, au Cameroun, parce que c'est mon pays, parce que ça me connecte à plein de choses. Mais je suis persuadé que d'où qu'on vienne, on peut être aussi connecté à ces choses-là. Je suis fan de polar et j’adore aussi les drames asiatiques, coréens et autres. Pour moi il est temps de s'intéresser à des histoires qui se déroulent en Afrique. Je pense que les personnages du film sont assez universels et pourront intéresser beaucoup de spectateurs. J’espère que cela suscitera de la curiosité. Ce qui est magnifique dans le cinéma, c’est de voir des gens se connecter avec des personnages qui vivent à l’autre bout du monde et avec lesquels ils n’ont à priori rien à voir au premier abord. J’aimerai que ce soit le cas pour Indomptables.
Comment avez-vous reçu cette sélection à la Quinzaine ?
Je sais parfaitement tout ce que les techniciens et les comédiens ont donné. Avoir cette vitrine-là qui est mondiale, c'est juste magnifique.
Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Saloi Jeddi et Lionel Koretzky
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