Cinéma

Annecy 2025 - Mickaêl Marin et Véronique Encrenaz : "L’idée est de se pencher sur cet aspect rétrospectif mais aussi de regarder devant nous"

Date de publication : 10/06/2025 - 08:03

Œuvrant au cœur de l’événement depuis plus de 20 ans, les deux chevilles ouvrières de Citia et du Mifa font le point sur une édition anniversaire du marché qui s’annonce exceptionnelle à plus d’un titre, en dépit de la crise que traverse le secteur de l’animation.

De quelle façon allez-vous célébrer les 40 ans du Mifa ?
Véronique Encrenaz : Nous en parlerons de plusieurs façons au cours des différents panels. Ce sont les 40 ans du Mifa, mais cela recoupe aussi 40 années d’animation à travers le monde. L’idée est donc de se pencher sur cet aspect rétrospectif mais aussi de regarder devant nous. À titre d’exemple, une intervention au Campus évoquera ces 40 ans, notamment par le biais des possibilités ouvertes au fil des ans par la technologie, mais s’intéressera aussi à ce qu’il faut imaginer pour l’avenir. Cette période sera racontée de différentes façons tout au long de la semaine. Et, bien sûr, quelques festivités sont prévues, puisqu’il y aura notamment un cocktail dédié.
Mickaël Marin : Cette année, nous célébrons 65 ans de festival et 40 ans de Mifa, ce sera une belle édition très diverse. Car il me paraît aussi très important d’évoquer toute la dimension apportée par les industries connexes à l’animation, comme le jeu vidéo, l’édition et même la musique. Le Mifa a été très moteur là-dessus. Par ailleurs, la synergie entre le festival et le marché n’a cessé de se renforcer au fil des ans, avec des retombées pour les professionnels, les artistes et leurs œuvres. À titre d’exemple, lorsque nous avons célébré le Mexique, c’est parce que Véronique Encrenaz nous disait depuis quelque temps qu’il se passait vraiment quelque chose là-bas. Pour l’Afrique, célébrée en 2020 et en 2021, l’idée venait surtout du Mifa, car avec les projets labellisés Animation du monde, ils avaient une bonne vision de l’avancement de l’industrie au sein de plusieurs pays, comme l’Afrique du Sud. Et lorsque nous avons choisi, avec Marcel Jean, de faire un focus sur la Hongrie cette année, il m’a semblé évident que cela ferait sens aussi pour le marché, car certains de leurs studios étaient déjà venus à Annecy par le passé. C’est donc tout un ensemble qui fonctionne de façon harmonieuse. En outre, les différents dispositifs que nous avons progressivement mis en œuvre et que nous renforçons régulièrement ont eu des effets bénéfiques pour de nombreux territoires.

Comment se présente cette édition 2025 ?
MM. : Le Mifa est encore agrandi cette année. Ce faisant nous sommes conscients d’avoir pris un risque, mais c’est en période de crise qu’il faut faire preuve d’un peu d’au- dace au service de l’intérêt général, puisque je rappelle que Citia est un établissement public.
VE. : Tout d’abord en chiffres, nous avons effectivement agrandi cette année le chapiteau des exposants pour pouvoir accueillir de nouveaux pays, ce qui représente 600 m2 en plus, pour arriver à une surface totale de 10 000 m2. Cela englobe toute la partie industrie du Mifa à l’Impérial Palace et le Campus qui est l’espace dévolu aux jeunes talents. Il y aura environs 200 stands et un nombre similaire d’évènements. Et l’espace XR&Games que nous avions lancé l’année dernière à la chambre des métiers et de l’artisanat de Haute-Savoie réintègre les lieux historiques du Mifa à l’Imperial. Il sera situé au premier étage du chapiteau, près des nouvelles technologies.
 
Pourquoi avoir choisi de faire revenir cet espace XR&Games à l’Impérial ?
VE. : L’année dernière, nous avons choisi de répondre à une demande des professionnels. Quand nous les avions rencontrés à Venise, ils nous reprochaient de ne pas avoir créé un espace dédié où ils pouvaient se retrouver. Ils étaient un peu perdus dans le Mifa. Nous avons donc choisi de créer un lieu un peu à part, où ils pourraient plus facilement se repérer. Cela s’est avéré utile pour certains mais pas pour la majorité. Donc, cette année, nous avons maintenu un espace qui leur est dédié, mais au milieu de tout le monde. Ensuite, tout le contenu XR&Games, conférences ou pitchs, sera réparti en fonction de la cible. Il y aura des prises de parole côté Campus pour les étudiants, sur un plan peut-être plus artistique ou axé formation. Et côté Impérial, à destination de l’industrie, se tiendront les conférences qui évoqueront les outils VR au service de l’animation ou le temps réel dans les cinématiques, par exemple. Sans oublier bien sûr les pitchs expériences immersives.
 
La crise que traverse le secteur se fait-elle ressentir au niveau de la participation étrangère ?
VE. : Malgré les difficultés rencontrées actuellement par l’industrie de l’animation – principalement en France, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni –, nous avons pu constater que l’industrie mondiale poursuit sa croissance, avec des pays moins touchés par la crise actuelle et qui continuent de se développer, d’investir fortement dans les industries créatives et de se structurer. Côté européen, je citerai l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, les pays de l’Est, comme la République tchèque notamment, qui annonce un nouveau crédit d’impôt, ou la Pologne. Et l’Écosse a choisi de se détacher du pavillon United Kingdom. Pour l’Asie, c’est le retour confirmé de la Chine. La Corée est toujours présente. Le Japon s’affiche de plus en plus en recherche de talents et de collaborations, ce qui laisse à penser que le pays est en train d’écrire une nouvelle histoire. L’Asie du Sud-Est est aussi très présente avec la Thaïlande, la Malaisie et les Philippines, qui confirment un investissement important dans l’animation. Le Vietnam est là pour la première fois cette année, ainsi que le Myanmar (ex-Birmanie), qui fait son entrée avec un premier projet sélectionné aux Pitchs Mifa. Du côté de l’Amérique latine, la situation de certains pays entrave la mise en œuvre de soutiens nécessaires. Le Brésil n’aura malheureusement pas de pavillon cette année, même si ses professionnels et artistes seront là. Mais l’Argentine maintient sa présence, ainsi que le Chili, le Mexique, ou le Pérou, qui continue son développement. La Colombie viendra en force, notamment grâce à l’Institut français et l’attaché audiovisuel français. Le Costa Rica tiendra son propre stand pour la première fois. Relativement à l’Afrique, de nombreux pays font part de leur souhait d’investir massivement dans les industries créatives dont l’animation et le jeu vidéo, vus comme des sources de développement importantes. Les évolutions sont rapides, et on constate déjà l’arrivée de contenus de qualité. Je peux citer comme exemple le Nigeria et le Ghana qui sont là depuis quatre ans. Cela commence à se voir dans les sélections, puisque nous aurons notamment un long métrage nigérian dans les Pitchs Mifa, et un court métrage congolais est également en sélection. Enfin, l’Océanie, avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, présente pour la première fois avec une ombrelle, sera de la partie avec la volonté de développer plus de contenus originaux.
 
Et le focus du festival sur la Hongrie se répercute-t-il comme chaque année au Mifa ?
VE. : Tout à fait puisqu’un pavillon réunira l’ensemble des professionnels et étudiants de l’animation du pays au premier étage du chapiteau. Et quelques événements dédiés viendront mettre en lumière l’industrie de l’animation hongroise tout au long de la semaine. Une session de pitchs permettra de découvrir cinq projets hongrois, et un panel industrie sera l’occasion de faire connaître l’éco- système du pays. Du côté des talents, le réalisateur Áron Gauder, prix du jury en 2023 pour Les 4 âmes du coyote, sera le parrain du Campus Mifa et viendra donner une master class. Et Mome, l’université des arts et du design de Budapest, interviendra dans un panel sur la formation des nouvelles générations de l’animation.
 
À quelles évolutions peut-on s’attendre pour le Campus Mifa ?
VE. : La place des étudiants est primordiale à Annecy et au Mifa. Nous avons donc souhaité éditorialiser davantage les quatre journées du Campus afin de clarifier l’offre et de donner une plus grande visibilité à son contenu. Le mardi, huit écoles présélectionnées seront amenées à faire participer un groupe d’étudiants qui pitcheront leurs projets sur scène. Le mardi ainsi que le mercredi seront les deux jours dédiés au recrutement. De nombreuses sociétés reviennent à Annecy qui reste le lieu incontournable pour découvrir de nouveaux talents, même si la tendance actuelle est malheureusement à la baisse. Pas moins de 25 studios seront présents pour offrir de nouvelles opportunités de carrière. Enfin, le vendredi sera consacré à la musique avec, notamment, des rendez-vous en one-to-one entre réalisateurs, producteurs et compositeurs.
 
Les Pitchs Mifa montent-ils encore en puissance ?
MM. : Oui et à tel point que le Mifa est devenu l’événement professionnel dans lequel sont présentés le plus de projets d’animation en développement.
VE. : Nous avons reçu 917 projets de 92 nationalités différentes pour les seuls Pitchs Mifa. Nous en avons sélectionné 48 qui seront présentés lors de sept sessions. Il y aura une nouveauté, cette année, avec une séance dédiée aux documentaires animés. Nous en avions reçu beaucoup l’an dernier, et il y aura une conférence à ce sujet. Nous réfléchissons d’ailleurs à l’organisation à l’avenir d’une journée qui serait dédiée au documentaire. Et nous aurons 25 sessions de pitchs partenaires, ce qui est énorme. Nous n’en avons jamais eu autant, puisque cela représente plus de 120 projets venus de tous les continents.
 
Le Mifa est donc le plus important marché du monde dédié à l’animation...
MM. : Ah oui, je le confirme.
 
Pour finir, qu’est ce qui le distingue par rapport à d’autres évènements similaires ?
MM. : Les événements et les lieux sont accessibles à toutes et tous : nous accueillons des étudiants, mais aussi des jeunes professionnels qui peuvent côtoyer les plus expérimentés. Quel que soit le format sur lequel vous travaillez, l’activité de votre société, votre expérience dans le secteur ou votre pays d’origine, vous avez votre place au Mifa. C’est un endroit inclusif par nature. Je pense que c’est lié à l’esprit d’origine, même si le marché a évidemment énormément évolué en 40 ans. Nous avons toujours voulu cette convivialité, et elle s’est maintenue très naturellement. Annecy ne sera jamais un club fermé.

Recueilli par Patrice Carré
© crédit photo : Annecy Festival


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