
Congrès FNCF 2025 – Olivier Aubry et Anne-Claire Brunet-Dupuy : "Nous vivons une véritable crise structurelle"
Date de publication : 22/09/2025 - 10:30
Les coprésidents de la commission de branche de la moyenne exploitation alertent sur la situation financière difficile dans laquelle se trouvent aujourd’hui bon nombre de leurs membres, en particulier les salles privées et indépendantes.
Vous avez été élus coprésidents de la commission de branche de la moyenne exploitation de la FNCF en juin. Qu’est-ce qui vous a convaincu de former ce binôme ?
Anne-Claire Brunet-Dupuy : Cela fait plusieurs années déjà que je suis investie au sein de la branche. La préservation et la défense des salles de cinéma, notamment indépendantes, me tient à cœur. Pourquoi la présidence ? D’abord, parce qu’avec Olivier, nous nous connaissons bien. Nous nous retrouvons autour de la défense des salles de cinéma, un parler-vrai, et, surtout, une véritable prise de conscience : actuellement, nous avons besoin d’être très présents auprès de nos partenaires et institutions afin de les sensibiliser à nos difficultés, qui sont en train de mettre en péril bon nombre de nos collègues.
Olivier Aubry : Cette coprésidence est intéressante puisqu’elle réunit la moyenne exploitation basse et la moyenne exploitation haute [appartiennent à la moyenne exploitation les salles – hors circuits – réalisant entre 80 000 et 450 000 entrées par an, Ndlr], ce qui permet d’avoir une bonne représentativité des membres de notre branche.
A-C. B-D. : La moyenne exploitation regroupe des typologies de salles très diversifiées, à l’image du parc français.
Anne-Claire Brunet-Dupuy : Cela fait plusieurs années déjà que je suis investie au sein de la branche. La préservation et la défense des salles de cinéma, notamment indépendantes, me tient à cœur. Pourquoi la présidence ? D’abord, parce qu’avec Olivier, nous nous connaissons bien. Nous nous retrouvons autour de la défense des salles de cinéma, un parler-vrai, et, surtout, une véritable prise de conscience : actuellement, nous avons besoin d’être très présents auprès de nos partenaires et institutions afin de les sensibiliser à nos difficultés, qui sont en train de mettre en péril bon nombre de nos collègues.
Olivier Aubry : Cette coprésidence est intéressante puisqu’elle réunit la moyenne exploitation basse et la moyenne exploitation haute [appartiennent à la moyenne exploitation les salles – hors circuits – réalisant entre 80 000 et 450 000 entrées par an, Ndlr], ce qui permet d’avoir une bonne représentativité des membres de notre branche.
A-C. B-D. : La moyenne exploitation regroupe des typologies de salles très diversifiées, à l’image du parc français.
La fréquentation nationale s’élevait, sur les huit premiers mois de 2025, à moins de 100 millions d’entrées, soit un recul de 15,1% par rapport à 2024. Où la moyenne exploitation se situe-t-elle par rapport à ces chiffres ?
O.A. : Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une fourchette comprise entre -20% et -30%...
O.A. : Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une fourchette comprise entre -20% et -30%...
Depuis plusieurs années, Cédric Aubry, président de la commission de branche de la moyenne exploitation jusqu’à votre élection, alerte sur une dégradation préoccupante de la trésorerie de nombre de vos membres. Au regard de la chute de fréquentation évoquée, la situation s’est-elle détériorée encore davantage ?
A-C. B-D. : Pour les salles indépendantes du haut de la moyenne exploitation [dont fait partie le CinéCentre de Dreux, qu’elle exploite, Ndlr], et malgré la prudence dont leurs exploitants ont fait preuve, les trésoreries sont tellement mal en point que cela met en danger non seulement leur capacité d’investissement mais également la préservation-même de leurs équipes. Bon nombre d’exploitants avec qui j’ai échangé récemment me disent qu’ils sont au pilotage au mois-le-mois, voire à la quinzaine.
O.A. : J’ai également eu des retours de certains collègues qui ne sont pas loin d’être en cessation de paiement. Aujourd’hui, nous vivons une véritable crise structurelle. Ce n’est pas seulement un trou d’air. Au sein de la moyenne exploitation, une branche majoritairement composée de salles privées et indépendantes, la trésorerie fond comme neige au soleil depuis le début de l’année.
A-C. B-D. : Pour les salles indépendantes du haut de la moyenne exploitation [dont fait partie le CinéCentre de Dreux, qu’elle exploite, Ndlr], et malgré la prudence dont leurs exploitants ont fait preuve, les trésoreries sont tellement mal en point que cela met en danger non seulement leur capacité d’investissement mais également la préservation-même de leurs équipes. Bon nombre d’exploitants avec qui j’ai échangé récemment me disent qu’ils sont au pilotage au mois-le-mois, voire à la quinzaine.
O.A. : J’ai également eu des retours de certains collègues qui ne sont pas loin d’être en cessation de paiement. Aujourd’hui, nous vivons une véritable crise structurelle. Ce n’est pas seulement un trou d’air. Au sein de la moyenne exploitation, une branche majoritairement composée de salles privées et indépendantes, la trésorerie fond comme neige au soleil depuis le début de l’année.
Dans ce contexte, qu’attendez-vous des pouvoirs publics ? Un plan d’aide en direction des cinémas en difficulté, par exemple ?
A-C. B-D. : Les salles les plus en danger n’auront pas le temps d’attendre jusqu’à la fin de l’année qu’un plan soit mis en place…
O.A. : Sans faire de misérabilisme, nous sommes seuls. Aujourd’hui, nous ne voyons pas nos autorités de tutelle se manifester. Il y a une crise dans la filière cinématographique, et elles ne semblent pas s’en apercevoir. Ce que nous sommes en train de vivre est catastrophique, nous sommes réellement au pied du mur. Des solutions et des fonds ont été trouvés pour l'enveloppe art et essai, pour les circuits itinérants et pour l'augmentation du barème de la TSA en faveur de la grande exploitation [la moyenne en a également bénéficié, mais dans une moindre mesure, Ndlr]. Nous attendons maintenant des solutions pour la moyenne exploitation, privée et indépendante.
A-C. B-D. : Les salles les plus en danger n’auront pas le temps d’attendre jusqu’à la fin de l’année qu’un plan soit mis en place…
O.A. : Sans faire de misérabilisme, nous sommes seuls. Aujourd’hui, nous ne voyons pas nos autorités de tutelle se manifester. Il y a une crise dans la filière cinématographique, et elles ne semblent pas s’en apercevoir. Ce que nous sommes en train de vivre est catastrophique, nous sommes réellement au pied du mur. Des solutions et des fonds ont été trouvés pour l'enveloppe art et essai, pour les circuits itinérants et pour l'augmentation du barème de la TSA en faveur de la grande exploitation [la moyenne en a également bénéficié, mais dans une moindre mesure, Ndlr]. Nous attendons maintenant des solutions pour la moyenne exploitation, privée et indépendante.
Comment vous projetez-vous sur la suite ? Le dernier trimestre réserve une offre de films plus porteuse – sur le papier en tout cas – que les derniers mois…
O.A. : Sincèrement, c’est un discours que je ne veux pas entendre. Depuis la fin de la crise sanitaire, on nous dit chaque année de ne pas nous inquiéter, que nous ferons à nouveau 200 millions d’entrées l’année suivante. C’est un discours qu’un chef d’entreprise ne peut pas entendre aujourd’hui. 2024 devait être une superbe année, et nous n’avons fait que 180 millions d’entrées. 2025 devait l’être à son tour, et c’est une catastrophe. Nous enregistrons aujourd’hui des baisses de fréquentation équivalentes à celles que nous connaissions à la sortie de la Covid.
A-C. B-D. : Même si toutes les promesses de la fin d’année se réalisent, cela suffirait à peine à éponger nos coûts de fonctionnement sur les mois concernés. Nous faisons tous beaucoup d’efforts, à travers les animations notamment, afin d’essayer de fidéliser du mieux possible nos clients, mais cela ne suffit plus.
O.A. : Sincèrement, c’est un discours que je ne veux pas entendre. Depuis la fin de la crise sanitaire, on nous dit chaque année de ne pas nous inquiéter, que nous ferons à nouveau 200 millions d’entrées l’année suivante. C’est un discours qu’un chef d’entreprise ne peut pas entendre aujourd’hui. 2024 devait être une superbe année, et nous n’avons fait que 180 millions d’entrées. 2025 devait l’être à son tour, et c’est une catastrophe. Nous enregistrons aujourd’hui des baisses de fréquentation équivalentes à celles que nous connaissions à la sortie de la Covid.
A-C. B-D. : Même si toutes les promesses de la fin d’année se réalisent, cela suffirait à peine à éponger nos coûts de fonctionnement sur les mois concernés. Nous faisons tous beaucoup d’efforts, à travers les animations notamment, afin d’essayer de fidéliser du mieux possible nos clients, mais cela ne suffit plus.
L’éducation à l’image cristallise de nombreuses interrogations et inquiétudes, entre gel du budget de la part collective du pass Culture – depuis rouvert –, prise en compte des préconisations du rapport Geffray et désengagement progressif des collectivités. Quelle est la position de la branche sur ce dossier ?
O.A. : J’ai récemment reçu un mail d’une coordination de Lycéens et apprentis au cinéma indiquant qu’il fallait se manifester rapidement auprès des lycées pour pouvoir poser des options sur les séances à venir [sur la part collective du pass Culture, Ndlr]. Cela veut dire que les premiers cinémas à contacter les établissements scolaires seront les premiers servis. Je trouve scandaleux de fonctionner de la sorte. Certaines salles ont la chance de bénéficier de services dédiés ou de bénévoles pour aller chercher des subventions, contacter des écoles. Mais, pour des chefs d’entreprise comme nous, qui disposent de très peu de personnel, il est très difficile de faire ce travail. L’enveloppe doit être répartie équitablement.
A-C. B-D. : N’oublions pas qu’une grande partie des difficultés que nous connaissons aujourd’hui sont liées à des problématiques extérieures à la Culture : la formation des enseignants, l’encadrement des sorties scolaires, des professeurs moins investis qu’auparavant… Les salles font de plus en plus les frais de décisions qui ne leur appartiennent pas. Nous sommes tous convaincus qu’il faut faire ce travail d’éducation à l’image, mais nous ne sommes pas réellement aidés. Concernant le rapport Geffray, je trouve que c’est une bonne chose qu'il existe et, surtout, que l'éducation à l'image ne tombe pas aux oubliettes, et le pass Culture avec.
O.A. : J’ai récemment reçu un mail d’une coordination de Lycéens et apprentis au cinéma indiquant qu’il fallait se manifester rapidement auprès des lycées pour pouvoir poser des options sur les séances à venir [sur la part collective du pass Culture, Ndlr]. Cela veut dire que les premiers cinémas à contacter les établissements scolaires seront les premiers servis. Je trouve scandaleux de fonctionner de la sorte. Certaines salles ont la chance de bénéficier de services dédiés ou de bénévoles pour aller chercher des subventions, contacter des écoles. Mais, pour des chefs d’entreprise comme nous, qui disposent de très peu de personnel, il est très difficile de faire ce travail. L’enveloppe doit être répartie équitablement.
A-C. B-D. : N’oublions pas qu’une grande partie des difficultés que nous connaissons aujourd’hui sont liées à des problématiques extérieures à la Culture : la formation des enseignants, l’encadrement des sorties scolaires, des professeurs moins investis qu’auparavant… Les salles font de plus en plus les frais de décisions qui ne leur appartiennent pas. Nous sommes tous convaincus qu’il faut faire ce travail d’éducation à l’image, mais nous ne sommes pas réellement aidés. Concernant le rapport Geffray, je trouve que c’est une bonne chose qu'il existe et, surtout, que l'éducation à l'image ne tombe pas aux oubliettes, et le pass Culture avec.
La prise de parole de votre ancienne rapporteure, Sylvie Jaillet, lors du Forum de discussion du 79e Congrès de la FNCF, avait été l’occasion de pointer des "exigences des plans de sortie [qui] apparaissent comme complètement disproportionnées au regard du nombre de copies et surtout du potentiel de certains films. La discussion [avec les distributeurs, Ndlr] est parfois impossible". Est-ce encore le cas aujourd’hui ?
A-C. B-D. : Malheureusement, ceux qui avaient déjà des exigences fortes, avec même très souvent une impossibilité de dialoguer, sont restés sur ce créneau. La situation ne s’est pas apaisée, l’écoute n’est toujours pas revenue.
O.A. : On nous demande toujours de faire le maximum de séances possible. Nous le faisons, mais, parallèlement, nous voyons que des salles situées aux alentours des nôtres n’ont pas les mêmes obligations de séances que nous.
A-C. B-D. : Notre spécificité, en tant qu’indépendants, c’est la qualité de l’accueil, la convivialité… Nous ne sommes pas reconnus, pas félicités.
O.A. : Nous en avons la preuve avec la réforme du classement art et essai. Dans la moyenne exploitation, des salles privées proposent jusqu’à 30% de séances de films art et essai, ce qui est énorme pour des cinémas de cette typologie. Et, au moment du classement, elles se retrouvent avec de notes très basses, de l’ordre de 0 à 3 sur 20. On demande à la moyenne exploitation de proposer de la diversité. Nous en proposons, mais, pour toute considération, nous recevons des notes médiocres et des subventions en baisse par rapport aux années précédentes. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond…
A-C. B-D. : Malheureusement, ceux qui avaient déjà des exigences fortes, avec même très souvent une impossibilité de dialoguer, sont restés sur ce créneau. La situation ne s’est pas apaisée, l’écoute n’est toujours pas revenue.
O.A. : On nous demande toujours de faire le maximum de séances possible. Nous le faisons, mais, parallèlement, nous voyons que des salles situées aux alentours des nôtres n’ont pas les mêmes obligations de séances que nous.
A-C. B-D. : Notre spécificité, en tant qu’indépendants, c’est la qualité de l’accueil, la convivialité… Nous ne sommes pas reconnus, pas félicités.
O.A. : Nous en avons la preuve avec la réforme du classement art et essai. Dans la moyenne exploitation, des salles privées proposent jusqu’à 30% de séances de films art et essai, ce qui est énorme pour des cinémas de cette typologie. Et, au moment du classement, elles se retrouvent avec de notes très basses, de l’ordre de 0 à 3 sur 20. On demande à la moyenne exploitation de proposer de la diversité. Nous en proposons, mais, pour toute considération, nous recevons des notes médiocres et des subventions en baisse par rapport aux années précédentes. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond…
Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : DR
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