Cinéma

Congrès FNCF 2025 – Laurent Desmoulins : "Nous restons convaincus que les spectateurs répondront présents dès lors que l'offre sera au rendez-vous"

Date de publication : 22/09/2025 - 10:50

Elu en juin président de la commission de branche de la grande exploitation de la FNCF, Laurent Desmoulins, par ailleurs directeur général de CGR Cinémas, livre un regard plutôt optimiste sur le marché français dans un contexte marqué par les difficultés rencontrées par la branche, toujours fortement affectée par la baisse de la fréquentation.

Vous êtes devenu en juin président de la commission de branche de la grande exploitation de la FNCF, en remplacement de René Kraus. Qu'est-ce qui a motivé votre candidature ?
Une volonté de mettre à profit mon expérience et mon expertise au service de la grande exploitation. Cela fait près de 30 ans que j'évolue au sein du groupe CGR, deuxième circuit national. Après plus de deux ans à la direction générale du groupe, je ressentais le besoin de m'investir davantage dans une mission de représentation, afin de porter une parole collective et de relever de nouveaux défis au profit de l'ensemble de la profession. La grande exploitation fait face à de nombreux enjeux qui exigent une voix forte et unie. Après plusieurs années marquées par des bouleversements, de la crise sanitaire à une reprise encore fragile, en passant par de nouvelles formes de concurrence et l'évolution des usages, il m'a semblé naturel de mettre mon expérience et mon énergie au service des circuits et de la branche. Mon ambition est claire : défendre nos intérêts tout en ouvrant des perspectives d'avenir, pour que la grande exploitation demeure un pilier essentiel de la fréquentation en France.
 
Si la fréquentation était, fin août, en recul de 15,1 % par rapport à 2024, beaucoup de professionnels évoquent une baisse nettement plus prononcée au sein de la grande exploitation. Qu'en est-il ?
Oui, nous observons effectivement un recul plus marqué que les -15,1 % annoncés à l'échelle nationale si l'on s'en tient aux performances de la grande exploitation. Pour CGR, en année civile, la baisse à fin août s’élève à 21 %. Depuis le 1er avril, début de notre exercice fiscal, elle atteint même 25 %. Quel secteur d'activité est capable de résister face à des baisses aussi drastiques ? Ce chiffre mérite cependant d'être nuancé : il résulte avant tout d'un calendrier de sorties défavorable, d'un premier semestre moins riche en films porteurs, et d'une consommation culturelle toujours contrainte par les arbitrages budgétaires des ménages. La grande exploitation est, par nature, plus exposée : notre modèle repose largement sur les blockbusters et les grands rendez-vous fédérateurs. Or, certaines sorties américaines que nous attendions comme locomotives estivales ont déçu. Superman ou Les 4 Fantastiques, par exemple, n'ont pas franchi le cap des 2 millions d'entrées en France alors qu'ils ont rencontré un vrai succès outre-Atlantique. Cela interroge sur l'évolution du goût du public français pour cette typologie de films. Heureusement, d'autres titres comme Jurassic World : renaissance ou F1, le film affichent plus de 3 millions d'entrées et montrent que, lorsque le film trouve son public, l'adhésion reste massive. C'est ce qui nous rend confiants : le line-up des mois prochains est solide, et l'expérience cinéma continue de susciter l'envie. Nous restons convaincus que les spectateurs répondront présents dès lors que l'offre sera au rendez-vous.
 
Dans ce contexte de fréquentation en net recul, quelle est la situation financière de vos membres, et notamment des circuits, qui ont beaucoup investi ces dernières années ?
La situation est contrastée. Qu'il s'agisse de circuits ou d'exploitants indépendants, certains ont lourdement investi ces dernières années pour moderniser ou renouveler leurs équipements, développer des formats premium, améliorer le confort et l'expérience spectateur. Ces investissements pèsent mécaniquement sur la trésorerie dans une période de ralentissement de la fréquentation. Mais ce sont aussi ces efforts qui nous permettent aujourd'hui de rester compétitifs face aux autres formes de loisirs. La grande exploitation garde une certaine solidité, mais nous devons rester vigilants et veiller à ce que le cadre économique permette à ces investissements d'être amortis.
 
Cette fréquentation en berne est-elle susceptible de freiner les développements – déjà fortement ralentis depuis la Covid – de la grande exploitation, et en particulier des circuits ?
Incontestablement, la crise sanitaire a ralenti nos projets, et la fréquentation actuelle n'aide pas à relancer rapidement de nouveaux développements. Nous sommes plus prudents, plus regardants en termes de stratégie d'investissement. Il n'est plus question de planter des drapeaux sans logique économique comme cela a pu être le cas par le passé, lorsque la fréquentation était telle que les erreurs d'implantation pouvaient être compensées par les locomotives des circuits. Néanmoins, nous ne sommes pas dans une logique d'arrêt, mais plutôt d'adaptation. Les circuits continuent de travailler sur des projets ciblés, sur la rénovation, sur le premium et sur l'innovation technologique. La dynamique est là, mais elle demande du temps et un environnement plus stabilisé pour s'exprimer pleinement.
 
Depuis quelque temps, bon nombre de membres de la grande exploitation pointent du doigt les salles associatives, publiques et parapubliques, perçues comme étant à l'origine d'une "concurrence déloyale" en raison notamment des tarifs moins élevés qu'elles pratiquent dans les zones de chalandise où sont également situés leurs cinémas. Partagez-vous objectivement ce constat ?
C'est un sujet sensible – dont je partage le constat – et auquel les circuits ou indépendants sont confrontés dans plusieurs localités. Nous ne contestons pas la légitimité des salles publiques, associatives ou parapubliques dans leur mission culturelle. Mais il est clair que, lorsqu'elles pratiquent des tarifs significativement plus bas et s'implantent dans des zones où des circuits commerciaux existent déjà, cela crée des distorsions de concurrence. Notre objectif n'est pas de stigmatiser, mais d'alerter : il est essentiel que l'équilibre des zones de chalandise soit respecté, faute de quoi c'est l'ensemble du tissu d'exploitation qui s'affaiblit. Cela est d'autant plus vrai lorsque l'on accuse une telle baisse de fréquentation au niveau national et que certaines municipalités envisagent, sans prise en compte de la situation déjà bien fragile, la création de nouvelles salles.
 
Les engagements de programmation représentent un sujet sensible au sein de la branche. À ce titre, comment accueillez-vous les nouvelles lignes directrices publiées par le CNC en mai ?
Les engagements de programmation constituent depuis longtemps un point d'équilibre délicat. Les nouvelles lignes directrices publiées par le CNC apportent des clarifications et vont dans le sens d'un dialogue plus apaisé. Les échanges de ces derniers mois ont permis d'obtenir l'adhésion de l'ensemble de la profession. Bien évidemment, chacun se doit d'entamer des discussions avec le CNC car chaque localité a ses spécificités et il est impossible de ne pas adapter les engagements en conséquence. L'important, pour la grande exploitation, est que la diversité de programmation soit garantie, sans pour autant fragiliser les salles qui assurent une large diffusion des films auprès du public.
 
Le compte de soutien à l'exploitation a été revu, au profit notamment de la grande exploitation, en avril dernier. Comment accueillez-vous cette revalorisation, que la branche appelait de ses vœux ?
C'est une décision que nous saluons. La revalorisation du compte de soutien était attendue depuis longtemps. Elle a permis d'améliorer les pourcentages des taux de retour au niveau des dernières tranches, ce qui favorise mécaniquement les salles qui génèrent beaucoup de TSA. Même si le taux moyen est en deçà des autres branches (les trois principaux circuits représentent depuis dix ans près de 50% du marché national mais bénéficient de moins de 30% des subventions du CNC à l’exploitation, soutien automatique inclus), cette refonte permet de reconnaître l'effort constant des circuits et la contribution déterminante que nous apportons à la fréquentation nationale. C'est une bouffée d'oxygène, mais aussi un signal positif pour l'avenir : investir dans la grande exploitation, c'est investir dans la vitalité du cinéma en France et surtout apporter un rééquilibrage qui paraissait nécessaire en termes d'équité dans les taux de retour moyens par établissement.
 
Quel regard portez-vous sur la première recommandation – relative à l'organisation massive d'avant-premières et aux sorties anticipées de films – issue du comité de concertation distributeurs-exploitants ?
Cette recommandation va dans le bon sens. Il est normal d'éviter autant que possible d'organiser des avant-premières le samedi, jour le plus fort de la semaine qui se doit d'avoir un maximum de sorties nationales exposées. Retirer des titres en exploitation au profit d'un film en avant-première n'a de sens que si cette opération a un caractère événementiel, avec la présence de leurs équipes. Ces événements sont plébiscités par le public et créent une dynamique collective. Mais il faut veiller à ce qu'ils ne se fassent pas au détriment d'une exploitation équitable des films sur tout le territoire. Nous soutenons aussi la logique visant à réguler les sorties anticipées du lundi et du mardi, stratégie souvent motivée par une volonté de grossir les résultats du mercredi. Cela se fait au détriment de la diversité.
 
Lors de la prise de parole de sa rapporteure, Laurence Meunier, durant le Forum de discussion du 79e Congrès de la FNCF, la grande exploitation avait demandé une redéfinition des critères d'évaluation des projets au sein des CDACis afin notamment "d'éviter le suréquipement et les distorsions de concurrence". Un an plus tard, ce dossier a-t-il avancé ?
La priorité a été donnée, avec la fédération, aux sujets jugés fondamentaux tels que les engagements de programmation, la refonte du retour du compte de soutien automatique ou la réforme art et essai. C'est un dossier de fond, et nous avons effectivement demandé une redéfinition des critères pour éviter le suréquipement et les distorsions de concurrence. Un an plus tard, il est juste de dire que les choses avancent lentement, mais cela fait toujours partie de nos préoccupations. Le sujet est complexe, car il touche à des enjeux d'aménagement du territoire et à des équilibres politiques locaux. Nous continuerons à porter ce dossier avec constance, car c'est une condition essentielle pour préserver la cohérence du parc de salles français, surtout dans ces périodes où beaucoup d'entre nous sont fragilisés par la baisse des entrées.

Propos recueillis par Kevin Bertrand
© crédit photo : Florian Frouin


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