
Congrès FNCF 2025 - L'exploitation privée et indépendante tire la sonnette d'alarme
Date de publication : 24/09/2025 - 13:25
Xavier Orsel, exploitant de plusieurs salles indépendantes, a profité du Forum de discussion de la manifestation pour lire un texte, rédigé au nom de l'association Cinéo, où il alerte sur la situation économique des cinémas privés et indépendants.
Il a été accueilli par une salve d'applaudissements et, même, une standing ovation. A l'occasion du Forum de discussion du 80e Congrès de la FNCF, qui se tenait ce mercredi 24 septembre au matin, Xavier Orsel, exploitant de salles à Mulhouse, Asnières, Etampes et Marseille, a pris la parole pour lire un texte rédigé au nom du groupement de cinémas privés et indépendants Cinéo, alertant sur la situation financière des salles de cette typologie d'exploitation.
Le voici, in extenso :
"Nous sommes nombreux parmi les exploitants présents à avoir vécu le nouvel âge d’or de l’exploitation cinématographique , qui avait débuté au milieu des années 1990 et qui s’est achevé en 2019. 2019, qui a été la seconde meilleure année en entrées de cette période dorée.
Tout nous laissait penser alors que l’avenir serait radieux. C’était compter sans une succession de chocs exogènes qui allaient mettre notre métier à genoux : des crises de la Covid-19 à ses succédanées, la crise énergétique et les batailles entre géants de l’entertainment autour des plateformes.
Nous avons fait de notre mieux pour résister à la tempête. Nous avons mobilisé nos équipes, nous avons réduit tous nos coûts, nous avons emprunté et pris le risque d’investir dans de nouveaux outils pour différencier notre proposition.
Puis nous avons travaillé. 50 heures par semaine, 75 heures, 100 heures ? Combien d’heures pour certains ? Est-ce réellement un concours ?
Nous avons vu certains de nos confrères et consoeurs renoncer à leurs salaires, d’autres injecter leur propre argent dans leur PME pour payer le salaire de leurs collaborateurs. Nous avons vu quelques exploitants faire des AVC, des dépressions, des crises cardiaques. Quelques uns se sont mêmes étonnés que nous ayons échappés à des suicides…
Certains d’entre nous ont jeté l’éponge, d’autres ont fait faillite. Ils y ont perdu les uns leur gagne-pain, les autres leur patrimoine.
Nous avons tous vécu une vexation quant à la perte de nos réussites passées qui se sont transformées en difficultés de nos vies quotidiennes, professionnelles et personnelles.
Puis nous avons travaillé. 50 heures par semaine, 75 heures, 100 heures ? Combien d’heures pour certains ? Est-ce réellement un concours ?
Nous avons vu certains de nos confrères et consoeurs renoncer à leurs salaires, d’autres injecter leur propre argent dans leur PME pour payer le salaire de leurs collaborateurs. Nous avons vu quelques exploitants faire des AVC, des dépressions, des crises cardiaques. Quelques uns se sont mêmes étonnés que nous ayons échappés à des suicides…
Certains d’entre nous ont jeté l’éponge, d’autres ont fait faillite. Ils y ont perdu les uns leur gagne-pain, les autres leur patrimoine.
Nous avons tous vécu une vexation quant à la perte de nos réussites passées qui se sont transformées en difficultés de nos vies quotidiennes, professionnelles et personnelles.
Alors oui, nous avons du mal à régler nos factures et toute la chaîne cinématographique en pâtit. Nous vous prions, chers fournisseurs de la filière et chers éditeurs, de nous en excuser. Mais il faut aussi mesurer ce que sont les discussions avec nos banquiers comme avec nos actionnaires depuis 2020. Sommes-nous encore crédibles à dire que demain tout ira bien ?
Alors oui, tout ce qui hier pouvait encore paraître acceptable devient difficile à supporter.
Il est difficile d’accepter des délais de paiement qui se raccourciraient, des séances en plein programme en seconde semaine sans spectateurs, des taux de location qui ne baissent pas en troisième semaine, des factures qui continuent de marquer une inflation qui elle a disparu des statistiques, des salaires qui voudraient augmenter pour, bien légitimement, espérer préserver le pouvoir d’achat de nos collaborateurs.
Et de temps en temps nous sombrons dans l’incompréhension. Nous peinons à comprendre en quoi l’évolution des règles du jeu sur nos engagements de programmation ou sur nos classements art et essai bénéficieront à la diversité dans la filière. Car que se passera-t-il si nous baissons les bras parce que lors de l’examen de notre subvention art et essai d’aucun ont jugé que notre travail de terrain dans la profondeur de nos territoires méritait une note de 1 sur 20 ? Ou une baisse de 20% de nos subventions alors que notre nombre de séances art et essai était en augmentation ?
Il est difficile d’accepter des délais de paiement qui se raccourciraient, des séances en plein programme en seconde semaine sans spectateurs, des taux de location qui ne baissent pas en troisième semaine, des factures qui continuent de marquer une inflation qui elle a disparu des statistiques, des salaires qui voudraient augmenter pour, bien légitimement, espérer préserver le pouvoir d’achat de nos collaborateurs.
Et de temps en temps nous sombrons dans l’incompréhension. Nous peinons à comprendre en quoi l’évolution des règles du jeu sur nos engagements de programmation ou sur nos classements art et essai bénéficieront à la diversité dans la filière. Car que se passera-t-il si nous baissons les bras parce que lors de l’examen de notre subvention art et essai d’aucun ont jugé que notre travail de terrain dans la profondeur de nos territoires méritait une note de 1 sur 20 ? Ou une baisse de 20% de nos subventions alors que notre nombre de séances art et essai était en augmentation ?
Le sentiment d’inéquité est un poison lent pour notre filière. Entre ceux qui ne sont pas soumis à l’économie de marché et les puissants qui jouent des rapprochements de géants du monde capitalistique, comme par exemple ceux envisagés dernièrement par Paramount et Warner, quelle peut bien être la place de la salle de cinéma dans nos territoires ? Elle n’existera pas sans l’équilibre de nos comptes. Et sans cet équilibre, la filière cinématographique française perdrait une de ses plus fortes singularités : le maillage de son territoire.
Je sais pourquoi je me lève le matin, et ce n’est pas pour faire fortune. Je veux offrir à nos spectateurs une évasion, une opportunité de s’ouvrir à d’autres vies que la leur, à d’autres pensées, d’autres imaginaires. Je veux que des gens d’horizon différents partagent dans la pénombre de nos salles les mêmes interrogations, les mêmes émotions, les mêmes rires. Je veux que ce qui nous rassemble soit plus fort que ce qui nous séparerait. Je veux contribuer à nous faire vivre heureux ensemble. Alors, oui, j’espère que nous surmonterons aussi cette crise et que le cinéma opérera encore longtemps sa magie dans les yeux de nos enfants."
Kevin Bertrand
© crédit photo : DR
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