Cinéma

Congrès FNCF 2025 - Victor Hadida (FNEF) : "Une Journée des éditeurs de films particulièrement scrutée"

Date de publication : 25/09/2025 - 08:05

Alors que la Fédération nationale des éditeurs de films s'apprête à célébrer la 30e édition de la journée dédiée, coroganisée avec la FNCF au sein de son congrès, retour avec son président sur les enjeux de l’évènement, l’occasion d’aborder différents sujets qui traversent son secteur.  

Dans un marché à la fréquentation déficiente depuis le début de l’année, cette édition 2025 de la Journée des éditeurs de films revêt-elle une importance particulière ?
Nous fêtons cette année la 30e édition de la Journée des éditeurs de films. Elle est toujours très attendue par la profession car elle permet d’avoir une vision à quasiment 360 degrés de l’offre de films à venir, avec comme toujours des premières images exclusives et des indications sur les calendriers. Dans un marché où rien n’est possible sans une offre attractive et renouvelée, c’est une source d’information essentielle. C’est aussi le moment où l’on peut apprécier, plus qualitativement, l’année qui s’annonce. Et vous avez raison, elle sera particulièrement scrutée cette fois-ci dans le contexte de basse fréquentation observée depuis début 2025.
 
Justement, comment jugez-vous l’offre du prochain trimestre ?
Le trimestre à venir comporte des titres forts, comme L’étranger, le nouveau Kaamelott, Chien 51, Jean Valjean, la suite d’Avatar, l’adaptation du bestseller La femme de ménage. Des films cannois et de festivals sont aussi attendus, je pense notamment à Nouvelle vague qui vient d’être présélectionné pour les Oscars. Nous pourrons aussi compter sur une offre américaine améliorée après les grèves à Hollywood, on a pu le constater cet été. La seconde partie de Wicked et Zootopie 2, font partie des films qui devraient faire évènement. Et par ailleurs, je suis confiant pour 2026, au vu des films français et américains porteurs qui sont annoncés. On en aura un aperçu à la Journée des éditeurs. Du côté du public, le cinéma reste une sortie culturelle plébiscitée, y compris par le public jeune. En 2024, 65% des Françaises et Français sont allés au moins une fois au cinéma, et 80% des moins de 25 ans ! Sur le papier, les conditions semblent donc réunies pour que 2026 soit une année forte.
 
Quel est votre analyse sur cette crise de la fréquentation en 2025 ?
La fréquentation des 8 premiers mois de l’année 2025 est 16% en dessous de celle de l’année dernière. Cette baisse semble d’autant plus marquée qu’on se compare inévitablement à l’année précédente, avec ses trois films français aux performances exceptionnelles : Un p’tit truc en plus, Le comte de Monte-Cristo et L’amour ouf, qui ont cumulé 25 millions d’entrées. Ils avaient touché de larges publics et avaient particulièrement bien fonctionné auprès des plus de 60 ans, un public solide du cinéma. Or, selon l’institut Vertigo, c’est justement la fréquentation des plus de 60 ans qui a le plus fléchi au premier semestre 2025 (-20% par rapport au premier semestre 2024). Une des questions est donc de savoir si le marché sera chaque année capable de faire émerger des événements de ce type. Cela ne s’est pas encore produit en 2025 mais, comme indiqué, des propositions fortes arrivent. Et par ailleurs, quel est le niveau que peuvent atteindre les autres films, quand les hyper-succès se concentrent de plus en plus sur quelques titres ? On observe que certains genres résistent bien : les films de genre et familiaux. Plusieurs œuvres d’auteurs ont aussi connu récemment de très beaux succès. Mais on ne peut pas éluder le fait que les performances sont tendanciellement moins bonnes dans toutes les catégories, par rapport à l’avant-Covid.
Le phénomène est transversal, puisque que la répartition entre films français et films étrangers reste stable : de l’ordre de 55% pour les films américains, 35 % pour les films français et 10% pour les autres nationalités. La raison se trouve en partie dans l’évolution des usages. Force est de constater que les spectateurs du cinéma ont réduit la fréquence de leurs visites : les "assidus" viennent un peu moins souvent, lorsque les « réguliers » deviennent plus occasionnels. De fait, une offre très riche est disponible sur d’autres écrans, sans compter le temps que les Français passent chaque jour sur les réseaux sociaux. Aller au cinéma devient une décision plus sélective. En conséquence, une charge importante pèse sur les épaules des producteurs, qui doivent tenir compte de ces tendances, et des distributeurs qui ont pour mission d’éditer et de promouvoir les films. Nous devons les rendre désirables et incontournables, ce qui nécessite des investissements accrus en frais de sortie.
 
Quel est l’impact sur les sociétés de distributions membres de la FNEF ?
Toute baisse de la fréquentation nous impacte directement puisque les sociétés de distribution se rémunèrent essentiellement sur une part du ticket d’entrée : lorsque les Français vont moins au cinéma, nous percevons immédiatement moins de recettes d’exploitation, alors même que nous avons déjà dépensé les frais d’édition et de communication pour nos sorties, et que nous nous sommes engagés auprès des producteurs à leur reverser un minimum garanti. Les trésoreries sont inévitablement fragilisées. De plus, les films génèrent moins de fonds de soutien automatique, donc moins de capacité de réinvestissement à l’avenir pour les films français. Nous sommes également exposés aux retards de paiement croissants des salles de cinéma. Et côté métier, ces changements d’usages nous amènent à faire évoluer la communication sur les films : il devient impératif d’événementialiser les sorties, de les rendre attractives pas uniquement sur les gros films d’ailleurs. Au premier semestre 2025, le taux de recommandation des films mesuré par Vertigo est stable par rapport au même semestre 2024 (autour de 63%) : on n’est donc pas sur une problématique de déception des films vus.
 
La réforme des aides à la distribution, entérinée cet été par le CNC, peut-elle atténuer les effets d’un marché atone ?
C’est une réforme de fond qui va dans le bon sens, celui de faciliter les réinvestissements dans les films de demain, en minima garanti ou en frais d’édition. Je pense ici au réajustement du soutien automatique, que nous appelions de nos vœux et qui est une mesure juste. La réforme du soutien sélectif comporte par ailleurs des éléments non-négligeables pour le quotidien des sociétés, comme la meilleure valorisation des dépenses de marketing et de promotion internes. Ce n’est pas susceptible de soutenir seule l’activité de distribution, car les décisions d’investir dans un film sont multifactorielles, mais ce sont des ajustements qui vont compter et qui témoignent d’une bonne analyse par le CNC de notre rôle moteur dans la filière.
 
Quels sont les prochains sujets institutionnels sur lesquels la FNEF entend se pencher dans les prochains mois ?
Nous serons évidemment très attentifs au maintien des fondamentaux du CNC à l’occasion de la prochaine loi de finances. Le modèle français fonctionne bien, et les outils mis en place par le CNC sont plus que jamais structurants lorsque le marché fluctue. Plus spécifiquement sur l’édition- distribution : notre sujet-clé est évidemment la capacité des éditeurs de films à investir dans les frais de sortie. Aussi, tout outil de politique économique et tout aménagement réglementaire permettant de nous donner plus d’envergure, plus de souffle, est important. Nous poursuivrons donc sans relâche nos actions de lutte contre le piratage, avec des propositions d’améliorations législatives pour que nos procédures en justice– qui donnent des résultats - soit plus efficaces.
Nous souhaitons également que soient mis à l’étude les moyens de consolider nos recettes secondaires : l’exploitation vidéo et les achats des diffuseurs audiovisuels. Ce sont des éléments d’équilibrage financier qui comptent beaucoup pour nombre de distributeurs. Nous resterons enfin très impliqués dans le Comité de concertation mis en place par la CNC sur les sujets qui concernent distributeurs et exploitants. Le dialogue est important à maintenir en cette période avec une compréhension mutuelle et réciproque, car nos destins respectifs sont liés. Les recommandations du CNC ont un rôle à jouer pour améliorer le fonctionnement du secteur.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : Julien Lienard pour LFF


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