Cinéma

Flanders Film Days 2025 - Un cinéma expérimental inscrit dans la tradition flamande

Date de publication : 07/10/2025 - 08:32

Neuf longs métrages expérimentaux participent à cette première édition, la plupart portés par des structures à but non lucratif, fonctionnant comme des plateformes qui se consacrent aux projets artistiques audiovisuels de leurs membres.

Les neuf longs métrages expérimentaux présentés à Gand cette année sont à différents stades de leur production. Seul master_slave de Omar A. Chowdhury sera pitché, cinq autres titres étant présentés au stade de Works in Progress : The Colour of our Time de Hayder Helo Al Lamy, In Between Revolutions de Ruben Desiere, It Rains Differently de Dušica Dražić, Kastom Kopiraet de An Van Dienderen et Christina Stuhlberger et Under the Walnut Tree: A Tale of Five Sisters (photo) réalisé par Adina Azar Khan. Et trois titres expérimentaux achevés récemment seront accessibles en ligne :  Don’t Take It Personally réalisé par Jelena Jureša, An Exercise in Assembling de Mohanad Yaqubi et Reem Shilleh et The Swirling Tangle de Lucile Desamory.

"Ces dernières années, plusieurs films expérimentaux soutenus par le Vaf ont rencontré un beau succès dans de grands festivals internationaux comme Prism d’An Van Dienderen (sélectionné à CPH:DOX et au New York Film Festival) ou hold on to her de Robin Vanbesien (Berlinale)" explique Karla Putterman, directrice intendante du Vaf. "L’hybridation croissante du cinéma nous incite à présenter ces œuvres aux côtés des fictions et documentaires plus classiques".

EXPRMNTL, UNE EXPÉRIENCE RESTÉE DANS LES MÉMOIRES
Il faut bien avoir à l’esprit que la Belgique est historiquement le premier pays à avoir créé un festival dédié au cinéma expérimental. Créé en 1949 par Jacques Ledoux, sous le nom de festival international du cinéma expérimental de Knokke-le-Zoute avant de devenir EXPRMNTL, il n’a connu que cinq éditions en 1949, 1958 (à Bruxelles), 1963, 1967 et 1974. A chaque fois le festival a offert une vitrine aux avant-gardes audiovisuelles, certaines projections provoquant de mini scandales. Des cinéastes tels que Peter Kubelka, Jonas Mekas et Agnès Varda y ont fait leurs débuts. Et en 2016 le réalisateur flamand Brecht Debackere a consacré un documentaire à EXPRMNTL.

UN SYSTÈME DE PRODUCTION BASÉ SUR DES STRUCTURES À BUT NON LUCRATIF
Parmi les neuf titres expérimentaux présentés à Gand, cinq sont portés par Escautville. Basée à Anvers cette organisation à but non lucratif se présente comme une plateforme qui se consacre à la production, à la distribution et à la promotion des projets artistiques audiovisuels de ses membres fondateurs. Ses productions embrassent un large spectre en termes de formats allant des films à écran unique aux installations vidéo multicanaux, voire occasionnellement, aux scénographies audiovisuelles pour la scène. Autant d’explorations qui entendent remettre en question les notions traditionnelles du cinéma.

Autre structure à but non lucratif fonctionnant également sous forme de plateforme Dagvorm Films présente deux projets lors des Flanders Film Days : Under the Walnut Tree: A Tale of Five Sisters (photo), réalisé par Adina Azar Khan qui est en session de WIP et Kapital Europe. Réalisé par Ben De Raes, cofondateur de la plateforme, il a été tourné au cours de l’été dernier et est sorti dans les salles belges en début d’année. Il sera disponible sur la plateforme des FFD.
 
"Dagvorm Films fonctionne davantage comme une plateforme que les cinéastes bruxellois peuvent utiliser pour professionnaliser leur travail audiovisuel" explique Ben De Raes. "Elle me permet d’accompagner les réalisateurs tout au long du processus, parfois de très près, parfois de plus loin. Actuellement, les films réalisés sous notre égide vont du court métrage de fiction au long métrage documentaire, en passant par des œuvres ludiques et expérimentales. Parfois, je m'implique dès le début, d'autres fois, j'apporte mon soutien à un stade plus avancé. Le principe le plus important est que les réalisateurs puissent également travailler de manière indépendante, car cela nous permet de fonctionner avec des budgets très modestes, tout en produisant des films de grande valeur. Comme le marché du financement est très concurrentiel nous essayons de tirer le meilleur parti des maigres ressources dont nous disposons. Produire de cette manière est une solution économique et même écologique. Elle repose sur la proximité et le soutien personnel".

UNE PREMIÈRE POUR DAGVORM FILMS
Under the Walnut Tree: A Tale of Five Sisters se présente comme le premier long métrage documentaire créatif accompagné par Dagvorm Films. "Il est profondément ancré dans des éléments de performance et de cinéma expérimental" précise Ben De Raes. "C'est un projet ambitieux sur lequel Adina, la réalisatrice, garde un contrôle créatif total, et je lui apporte mon soutien en coulisses. Nous nous sommes rencontrés à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand et avons des relations en commun. Comme j’ai appris le cinéma avec des amis je souhaite continuer à travailler dans cet esprit. Pour moi, Dagvorm Films est également un espace permettant de développer un réseau ou une communauté de cinéastes qui se soutiennent mutuellement et nouent des amitiés parallèlement à leur travail". 
 
Le parcours de Adina Azar Khan est particulier. "Elle est née dans la république russe du Daghestan juste après l'effondrement de l'Union soviétique, dans une région marquée par la violence" raconte son producteur. "Pour nous deux, l'invasion russe de l'Ukraine a été un choc, et c'est sans doute l'une des raisons qui nous a poussés à vouloir travailler sur ce projet. Cela a accéléré la nécessité de répondre à la question pressante qui trottait dans la tête d'Adina : qu'arrive-t-il aux femmes qui restent à la maison pendant que les hommes mènent une nouvelle guerre ? Que pouvons-nous apprendre d'elles ?"

Under the Walnut Tree: A Tale of Five Sisters est actuellement en phase de montage, Davgorm recherchant des soutiens supplémentaires pour la postproduction. "Le film a été réalisé avec un budget très limité, mais il s'agit d'un projet ambitieux avec de nombreuses séquences tournées au Daghestan. Pour le mener à bien, nous espérons trouver un coproducteur prêt à investir dans la postproduction du son. Ou un nouvel ami très généreux qui pourrait nous offrir un soutien financier supplémentaire !"

Ben De Raes espère entrer en contact avec des partenaires pour la distribution et de la vente lors des Flanders Film Days. "C'est la première fois que nous abordons le processus de cette manière, c'est donc très excitant. J'ai hâte de rencontrer certaines personnes que je suis depuis plusieurs années". Pour autant la production de films expérimentaux n’est pas un long fleuve tranquille et les capacités du marché en la matière sont assez limitées. "Le fait que nous soyons tous passionnés par notre métier et que la réalisation de films ne soit pas notre seule activité économique nous aide beaucoup. Pour ma part, j'alterne entre l'écriture, la réalisation et la production, et les autres cinéastes travaillent également dans différents contextes, de l'agriculture à la réalisation de vidéos sur commande, en passant par le théâtre.

Autre film réalisé sous la bannière de Dagvorm Films, Kapital Europe, réalisé par Ben De Raes sera proposé en ligne. "Il a été écrit en tenant compte des principes du cinéma expérimental, mais grâce au processus de casting et au financement, il a évolué pour devenir un film de fiction à part entière" précise son réalisateur. "Il est sorti en Belgique, mais n'a pas encore fait l'objet d'une première internationale. Nous sommes impatients de le présenter en dehors de son contexte local. Personnellement, je me suis davantage orienté vers la réalisation de films de fiction et j'écris actuellement plusieurs nouveaux scénarios. J'espère pouvoir présenter l'un de ces projets d'ici l'année prochaine".

Si Dagvorm peut faire figure de poids plume au regard de certains autres acteurs du marché, sa légèreté lui confère un avantage certain. "Cela nous permet de garder le contrôle et de rester en quelque sorte en dehors d’un certain cadre industriel" argumente Ben De Raes. "C'est une sorte de cinéma artisanal. Je pense que de plus en plus de gens en Flandre et à Bruxelles partagent cette approche".

Patrice Carré
© crédit photo : Dagvorm Films


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