Cinéma

Flanders Film Days 2025 - Quels documentaires pour succéder à "Soundtrack to a Coup d’État" ?

Date de publication : 07/10/2025 - 08:40

Au total, 24 documentaires représentant des courants très divers, seront présentés à Gand, dont sept entièrement achevés et visibles sur la plateforme dédiée.

La récompense reçue en 2024 par Soundtrack to a Coup d’État au Sundance Film Festival, a lancé le coup d’envoi d’une carrière de haut vol pour le documentaire de Johan Grimonprez qui propose une étude minutieuse et étoffée du contexte politique et culturel trouble encadrant l’Indépendance du Congo belge en 1960, traitée avec une approche très personnelle qui a fait mouche. Nommé pour l’Oscar du meilleur film documentaire il est sorti en France le 1e octobre.

Parmi les nombreux documentaires dévoilés durant ces deux jours figurent deux films de Volkan Üce, Mariinka (photo) de Pieter Jan De Pue (The Land of the Enlightened) ou encore le projet sur Chris Marker Nostalgia for the Future de Brecht Debackere, Little Monster de Glenn Dumortier, Mahboul de Jannes Callens et Jan Vromman et Transition Fog de Preben Verledens et Maui Druez.

LE REGARD HYBRIDE DE VOLKAN ÜCE
En 15 ans d’existence Cassette for Timescapes a produit 17 documentaires de réalisateurs flamands (longs métrages et séries) et quatre films en réalité virtuelle. "Nous nous sommes davantage concentrés sur les séries documentaires au cours des quatre dernières années" développe la productrice Emmy Oost. "Le format plus long offre, pour les documentaires comme pour les fictions, la possibilité de développer des personnages de façon plus approfondie et de mener des récits plus complexes, tout en explorant un sujet ou un thème sous différents angles. Nous voulons séduire un public plus large pour le genre documentaire, afin de lancer des échanges sur les sujets urgents de notre époque".

La société présente en WIP About Horses, Wives and Weapons qui sera réalisé par Volkan Üce. Elle avait précédemment produit All-In du même cinéaste. "J'aime la façon dont Volkan approche ses personnages de façon fictionnelle alors que ses histoires sont authentiques" raconte Emmy Oost. "Réalisateur issu de deux cultures, la belge et la turque, il nous tend constamment un miroir. Par ailleurs c’est un cinéaste qui apprécie l'engagement d'un producteur à ses côtés et qui a accueilli avec enthousiasme nos idées lors du montage. Et comme le cocktail fonctionne, nous sommes prêts à recommencer".

Le film est en fin de production, mais Cassette for Timescapes cherche des fonds supplémentaires pour financer les derniers tournages nécessaires. "Heureusement, juste avant l'été, nous avons pu mettre en place une coproduction avec la Finlande. Volkan s'y rendra à la fin de l'automne 2025 pour commencer le montage". précise la productrice. "Nous sommes toujours à la recherche d'un coproducteur et d'un financement pour combler notre dernier déficit. Cela nous permettra, comme pour All-In, d'aller plus loin dans le montage et de travailler avec d'excellents consultants européens en montage, comme les membres du Rough Cut Service. C'est incroyable de voir comment ils parviennent à optimiser une narration en quelques interventions seulement".

Pour la productrice les Flanders Film Days vont permettre de présenter le film aux programmateurs des festivals. "About Horses, Wives and Weapons sera, espérons-le, prêt pour les festivals du printemps 2026. Nous sommes également toujours à la recherche d'un agent de vente qui pourrait commencer à discuter avec les diffuseurs et les plateformes lorsque nous aurons une première version préliminaire".

Parallèlement le dernier documentaire de Volkan Üce, Two Square Meters, produit cette fois par Menuetto sera disponible sur la plateforme des Flanders Film Days. Le film étudie "l'équilibre entre religion et commerce réalisé par un directeur de pompes funèbres turc en Belgique et son homologue en Turquie. Chaque décès soulève la question fondamentale : après une vie entre deux pays et deux cultures, où appartient-on, où veut-on être enterré, dans quels deux mètres carrés ?"

LA GUERRE EN UKRAINE SELON PIETER JAN DE PUE
Au cours des vingt dernières années, Savage Films a produit une douzaine de longs métrages (Bullhead, Le Fidèle, Les Ardennes, When It Melts…) et une vingtaine de longs métrages documentaires (The Land of The Enlightened, Rien n’est Pardonné, Dragon Women, Arno-Dancing inside my Head, Yalla Baba, entre autres). "Avec nos dernières productions, comme avec Mariinka, réalisé par de Pieter Jan De Pue nous poursuivons notre ligne éditoriale consistant à travailler avec des réalisateurs et réalisatrices forts, visionnaires et charismatiques" expose Bart van Langendonck.

Au cœur de l'Ukraine orientale déchirée par la guerre, quatre frères orphelins naviguent dans le chaos et la tragédie de leurs vies brisées. Chacun d'entre eux est aux prises avec son identité et son destin lorsqu'ils rencontrent d'autres victimes de la guerre dans leur ville natale de Mariinka, qui révèlent les profondes répercussions personnelles et sociétales d'un conflit qui a remodelé leur patrie, mettant en lumière la résilience de la famille et de la communauté au milieu de la dévastation".

Le projet, qui s’appelait alors Four Brothers avait été présenté à Connext et à CPH:DOX en 2019. "Nous prévoyions de terminer le tournage dans le courant de l'année 2022" précise le producteur. "Lorsque l'invasion russe a eu lieu, nous avons dû repenser le projet, car deux des frères ont été envoyés au front et nous n'avions plus accès à eux. Nous avons donc intégré (au départ) des personnages féminins secondaires comme Natasha et Angela afin de dépeindre le conflit sous différents angles, tout en continuant à filmer Samuel, le frère adoptif, aux États-Unis". La guerre a eu également de lourdes conséquences sur le plan budgétaire. "Nous avons tourné beaucoup plus longtemps que prévu, et le budget est passé de 680 000 € à 1,4 M€. Pieter-Jan et moi-même avons dû investir beaucoup de nos propres moyens dans le film, tant en argent qu'en temps. Donc toute personne ayant la possibilité de nous aider financièrement peut encore se joindre au projet". Le tournage en 16 mm, s’est étalé sur une période de 8 ans.

Reste à se faire remarquer au milieu des nombreuses images déjà vues sur le conflit. "Je suis certain que le film se démarquera des autres films sur la guerre en Ukraine par son style visuel, son lien profond avec ses personnages et son ampleur épique" affirme Bart Van Langendonck. "Pieter-Jan a une voix unique, beaucoup de passion et de courage". 
 
QUATRE PROJETS PORTÉS PAR VISUALANTICS PRODUCTIONS
Steven Dhoedt a fondé Visualantics en 2003, avec Brecht Debackere, alors qu’ils étaient encore étudiants à l'Institut royal du théâtre, du cinéma et du son (RITCS). "Au départ, il s'agissait d'une petite structure destinée à organiser divers projets artistiques et quelques travaux en freelance" raconte Steven Dhoedt. "Un peu plus tard nous avons lancé nos premiers 'véritables' projets cinématographiques, principalement en produisant nos propres œuvres et celles de nos amis de l'académie de cinéma. En 2010, Gert Van Berckelaer, monteur et producteur de films, a rejoint l'équipe. Après la sortie de nos premiers projets (des documentaires et des courts métrages de fiction), nous avons progressivement commencé à recevoir des propositions de cinéastes et de producteurs, soit pour produire de nouveaux films, soit pour y participer en tant que coproducteur belge". La société a également coproduit Il Pleut Dans La Maison de Paloma Sermon-Daï et développe actuellement deux autres projets de longs métrages de fiction.

Visualantics présente quatre projets lors des Flanders Film Days, tous au stade de Works in progress."Chacun est très différent en termes de thème, de style visuel et d'approche" reprend Steven Dhoedt. "Ce qui les unit, c'est la vision et l'intégrité des cinéastes qui les ont réalisés. Je cherche à collaborer avec des réalisateurs émergents ou confirmés qui apportent une perspective unique, une solide éthique de travail, de l'humilité et des valeurs communes. Et si je devais identifier une ligne commune aux histoires que nous développons, je dirais que ce sont celles qui ouvrent des fenêtres sur le monde, nous emmènent dans des voyages à travers le temps, suscitent des émotions profondes et nous invitent à rechercher la connaissance et la compréhension mutuelle".

Réalisé par Brecht Debackere, Nostalgia for the Future se présente comme un essai documentaire sur la vie et l'héritage de Chris Marker. "Il ne s'agit pas tant d'un biopic traditionnel que d'une réflexion sur des thèmes que Marker aborde dans son propre travail" précise Steven Dhoedt "C'est un essai sur la mémoire, l'histoire, la nostalgie et la manière dont les images du passé façonnent notre avenir. Brecht Debackere avait réalisé EXPRMTNL, un long métrage documentaire sur le légendaire festival de films expérimentaux de Knokke. Un film sur Chris Marker semblait être la suite logique, tant sur le plan créatif que celui de la production".  Nostalgia for the Future entame à présent sa postproduction du son. Grâce au soutien d'Eurimages, le film est entièrement financé. "À ce stade, nous nous concentrons sur les discussions avec les programmateurs de festivals et sur l'obtention de préachats de diffuseurs afin de garantir la meilleure sortie possible au cours du premier semestre 2026" reprend le producteur.

Deuxième film, Transition Fog est réalisé par Preben Verledens et Maui Druez. "Ils m'ont d'abord approché avec leur premier film, I Am Golden Karen qui raconte l'histoire d'enfants de réfugiés birmans karens en quête d'identité à Bangkok" poursuit Steven Dhoedt. "Pour leur nouveau film, ils voulaient explorer les incendies de forêt de plus en plus dévastateurs dans le sud de l'Europe, non pas sous l'angle de l'horreur écologique, mais à travers un prisme plus contemplatif et inclusif. C'était une approche rafraîchissante, suffisamment convaincante pour que je me lance dans l'aventure". Le tournage est terminé, le film étant en cours de montage.

Little Monster se présente comme une quête intime, poétique et parfois douce-amère du cinéaste Glenn Dumortier pour découvrir la vérité derrière l'alcoolisme de sa grand-mère. Une histoire qui parle de la famille, de la perte, du pardon et du "monstre" invisible de la dépendance. "Nous avons rencontré Glenn Dumortier pour la première fois à Docville, où il présentait ce projet de manière informelle et improvisée" révèle son producteur. "La vision de son court métrage de fin d'études, Lendemain, nous a convaincu qu'il avait la sensibilité nécessaire pour donner vie à une histoire aussi complexe, avec un mélange parfait de poésie et d'humour. C'est une approche intime d'un sujet très délicat". Quelques scènes restent à tourner mais comme une grande partie du projet repose sur des archives, montage et tournage se chevauchent.

Enfin Mahboul, de Jannes Callens et Jan Vromman, se déroule à La Devinière, établissement psychothérapeutique pour personnes souffrant de troubles mentaux graves. Ses résidents ne sont pas considérés comme des malades. Ils sont simplement eux-mêmes et ont le droit de l'être. Les cinéastes abordent également résidents et soignants comme des égaux et à travers un atelier participatif, travaillent à la réalisation d'un film de fiction intégré au documentaire. "Ce film réuni Jan Vromman, un documentariste belge confirmé, et Jannes Calles, un nouveau talent prometteur doté d'un œil aiguisé. Leur collaboration a connu un processus de développement long et difficile, mais leur persévérance a été contagieuse" résume Steven Dhoedt. Le film est en cours de montage.

Les trois documentaires ont été soutenus par le Vaf. Mahboul et Transition Fog sont coproduits avec les sociétés francophones Dérives et Les Productions du Verger, qui ont obtenu un soutien du Centre de Cinéma et de l'Audiovisuel (CCA). Little Monster est une coproduction avec les Pays-Bas, soutenue par le Fonds néerlandais pour le cinéma via seriousFilm, et coproduite par la VRT.

LE RÔLE CRUCIAL DES FESTIVALS DANS LA CARRIÈRE DES DOCUMENTAIRES
"Si vous êtes sélectionné pour un grand festival, vous avez de bonnes chances de pouvoir diffuser le film dans les salles de cinéma de plusieurs pays et, avec un peu de chance, de vendre les droits internationaux à une grande plateforme" explique Bart Van Langendonck. "Le précédent film de Pieter-Jan, The Land of the Enlightened, a été projeté dans près de 100 festivals et je m'attends à la même chose pour Mariinka".

Même constat pour Emmy Oost : "les festivals sont extrêmement importants pour permettre à un public enthousiaste et cinéphile de voir le film dans des conditions optimales. Je ne crois plus tellement aux sorties en salles pour les documentaires. En ce sens, les festivals sont encore plus importants à mes yeux car je pense que l'avenir réside dans une approche sur mesure du public pour chaque film. Les stratégies d’impact nous permettent de viser des publics spécifiques, identifiés au préalable, afin de leur proposer nos films, même en dehors des salles de cinéma. Nous avons ce savoir-faire en Flandre, reste maintenant à prévoir les budgets nécessaires pour mener à bien ce type de travail".

"Les festivals jouent un rôle crucial dans la vie des documentaires" confirme Steven Dhoedt qui est également réalisateur. "Le budget disponible pour la promotion étant souvent limité, les festivals sont souvent la première plateforme où un film peut entrer en contact avec un public, se faire connaître et créer une dynamique pour sa sortie. Ces manifestations ne servent pas seulement à présenter des avant-premières, mais permettent aussi de lancer un dialogue autour du film et à le positionner dans un contexte culturel et social plus large".

Patrice Carré
© crédit photo : Savage Films


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