Cinéma

Lumière MIFC 2018 - Anne-Laure Brénéol : "Former le public de nos sorties patrimoine de demain"

Date de publication : 17/10/2018 - 08:45

Alors que le MIFC pose, jeudi matin, la question du renouvellement du spectatorat du cinéma classique, notamment par le biais des actions destinées au jeune public, la dirigeante de Malavida évoque son expérience de la distribution d’œuvres de patrimoine destinées aux plus jeunes.

La distribution de films de patrimoine destinés au jeune public demeure l’une des spécialités de Malavida, qu’est-ce que cela représente au sein de votre activité ?
Cet axe compte pour près de la moitié de notre activité globale. Par choix, nous étions tout d’abord engagés sur le cinéma de patrimoine sans forcément penser au jeune public. Mais assez vite, nous avons lancé des programmes en DVD, comme les deux So British ou La ferme des animaux. Nous avons ensuite développé l’activité en salle à partir de 2012.

Qu’est-ce qui vous a convaincu dans cette démarche ?
En matière de cinéma de patrimoine, nous faisions le même constat sur les films enfants que sur les films "adultes" : une quasi absence de proposition sur cette période des années 1950 à 1970 qui nous tient pourtant à cœur. Nous savions qu'il y avait là un vivier de films où piocher pour participer à la diversité des regards proposés et des nationalités, des styles et techniques d'animations... afin de résister à l'uniformisation ambiante. Les résultats de nos premières sorties nous ont confortés dans ce choix. Les résultats en salle, sans être extraordinaires, étaient prometteurs : les enfants réagissaient bien à nos programmes. Leur intérêt pédagogique séduisait les publics scolaires, même si nous n'intégrions pas encore les dispositifs, réveillant l'attrait pour les filmographies européennes. Par exemple la République tchèque, avec une école d’animation à la qualité inégalée – on citera Karel Zeman ou Hermina Tyrlova.

Quel regard portez-vous sur l’évolution de ce marché de niche depuis vos débuts ?
Le marché s’est indéniablement développé. Il y a surtout un travail de qualité mené par de nombreux distributeurs à destination du jeune voire du très jeune public, avec des accompagnements qui séduisent aussi bien les enseignants, les salles et les parents.

Ce type de cinéma bénéficie-t-il de possibilités de diffusion et de promotion plus favorables et accessibles que les autres sorties de films classiques ?
L’idée est de favoriser au maximum la découverte et le partage. Tout d’abord auprès des exploitants. Par exemple, nous avons décidé de ne plus demander de MG sur ces sorties jeune public, et par extension ensuite pour toutes les sorties patrimoine. Toujours dans l’optique de faciliter au maximum la diffusion, nous éditons systématiquement des documents, tirés à 15 000 exemplaires à nos frais. Et ce, indépendamment des éventuels soutiens de l’Afcae ou l’ADRC, qui sont des partenaires essentiels pour nous, mais ne peuvent nous suivre sur tous les projets.

La table ronde de jeudi matin au MIFC se penche sur les actions auprès des publics jeunes et le renouvellement du spectatorat du cinéma de patrimoine. Pensez-vous que les deux sont liés ?
C’est certain : nous formons le public pour nos futures sorties. Nous avons découvert, à de multiples reprises, à quel point les enfants n’avaient aucune barrière et aucune idée préconçue pour aborder, dès 3 ans, un film en noir et blanc ou muet. Ils n’ont pas les réticences de certains parents. Les films classiques fonctionnent toujours bien auprès des enfants. Ce sont les premiers spectateurs et les plus importants, car ils montrent toujours beaucoup d’enthousiasme.

Vous êtes également éditeur vidéo et tenez une boutique à Paris. Comment se porte le cinéma de patrimoine jeune public en vidéo ?
Il se maintient très bien. D’autant que nous bénéficions, désormais, d’un effet label autour de Malavida, qui fait que des fidèles de plus en plus nombreux suivent nos éditions et les achètent de manière systématique. Nous pratiquons aussi une politique tarifaire très incitative sur ce créneau, tout en maintenant un niveau très qualitatif dans chaque édition, avec du contenu et un bel habillage. En général, nous rencontrons un taux de conversion de 10% par rapport aux entrées salle. Il est à noter aussi que la presse et l’effet médiatique obtenus lors d’une sortie salle influent beaucoup plus sur les ventes DVD de ce type de films que pour les autres titres classiques.

Quels sont les enjeux autour de la sortie de Bamse au pays des voleurs, le 24 octobre ?
Bamse…, ce n’est pas du patrimoine, mais ça va le devenir ! En fait, pour ce personnage emblématique de la culture suédoise, nous prenons le processus à l’envers. Nous sortons donc ce long de Christian Ryltenius, qui est un film récent, une production de 2014, afin de faire connaître Bamse et son univers, avant de sortir les courts métrages anciens. Avec l’ambition de former le public. Et les premiers signes sont positifs : les totes bags et le matériel promotionnel commencent à être demandés, et nous avons même reçu une proposition de partenariat de l’enseigne MacDonald’s pour sa publication Air for Kids. Ce n’est pas un vecteur de communication habituel pour nous, et il représente un gros investissement, mais il peut nous permettre de renforcer la notoriété du petit Bamse auprès d’un public très large et populaire, et pas forcément cinéphile.

Votre actualité à Lumière, c’est également la projection événementielle du Départ de Jerzy Skolimowski, Ours d’or à Berlin en 1967, en sa présence. Quelles seront les particularités de sa ressortie en salle, le 21 novembre ?
En fait, Le départ peut aussi intéresser un public jeune. Le film est très burlesque, il y a beaucoup d’énergie et une mise en scène très visuelle. Il plaît énormément aux enfants. Après Cannes Classics et la projection magique sur la plage, la présentation à Lyon s’inscrit dans une grande actualité autour de Jerzy Skolimowski, que nous accompagnons depuis des années. Nous avions déjà repris ce film en salle en 2011, mais nous souhaitions le restaurer et le retravailler avec les moyens actuels, et notamment le son, afin de présenter aujourd’hui une copie toute neuve et de qualité. Nous restituons donc le film avec une bande-son merveilleuse, mettant en valeur la musique extraordinaire de Krzysztof Komeda. Nous allons d’ailleurs éditer un vinyle de cette bande originale. Et nous proposons aux salles un ciné-concert avec l’ADRC. Après cette sortie, nous allons ressortir quatre autres films du cinéaste, dont le mythique Bateau phare, en mars prochain.

Propos recueillis par Sylvain Devarieux
© crédit photo : DR


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