Cinéma

Annecy 2019 - L’animation japonaise à un tournant de son histoire

Date de publication : 13/06/2019 - 08:19

Mercredi, la première conférence de la journée a fait le point sur les enjeux cruciaux auxquels doit faire face le secteur du pays, mis à l’honneur cette année.

En 1999, le Japon avait été le premier territoire mis en avant par le festival. Le pays a connu, au cours de ces 30 dernières années, un âge d’or incarné par des studios tels que Toei et Ghibli et des réalisateurs devenus de véritables icônes, à l’instar de Miyazaki et Takahata. L’un de leurs plus proches collaborateurs, Yôichi Kotabe, est d’ailleurs l’invité d’honneur de la manifestation cette année. Mais à présent se pose la question de la relève. Si le cinéma d’animation japonais connait un renouveau qualitatif, comme en témoigne la présence en compétition de trois longs métrages en provenance de l’archipel (photo d’illustration : The Wonderland de Keiichi Hara), les défis à relever sont nombreux.

Le premier est lié au déclin démographique sans précédent du pays, dont le taux de natalité est de l’ordre de 1,44. Sans inversion de la tendance, en 2060, les seniors devraient représenter 40% d’une population tombée à 87 millions d’habitants, contre 128 millions aujourd’hui. Le Japon compterait alors un jeune pour 4,4 personnes âgées. Les effets en sont déjà tangibles pour l’animation. La diminution du nombre d’enfants a eu notamment des répercussions mathématiques sur le marché du jeune public, ce dernier devenant de moins en moins rémunérateur. Quant au marché grand public, il a été très impacté par le piratage.

À l’autre bout de la chaîne, le secteur connait également une pénurie de jeunes animateurs. Mais l’explication n’est pas seulement d’ordre démographique. Historiquement, les salaires des animateurs ont toujours été très bas. "Il y a 20 ans, on dormait au bureau en étant payés 1 500 $ par mois, confirme Hiroshi Kumada qui dirige à présent le studio Volo Inc. Il fallait souffrir pour exercer ce métier et faire longuement ses preuves avant de pouvoir espérer monter en grade." En cause également un grand morcellement de la production avec l’existence de nombreux intermédiaires, la sous-traitance étant la règle. Résultat, la part allouée à la création se trouve réduite.

Heureusement les temps changent. L’arrivée des grandes plateformes comme Netflix ou encore Crunchyroll a permis d’injecter de l’argent frais dans le secteur, ce qui a débouché sur de légères hausses des salaires. Mais si les animateurs 3D trouvent également de l’emploi dans le secteur du jeu vidéo, la situation reste difficile pour ceux qui se sont spécialisés dans la 2D. 80% d’entre eux sont actuellement free-lance, beaucoup, trop précarisés, tentant de quitter le secteur. Pourtant, les studios japonais sont constamment à la recherche de nouveaux talents. Certains nouent des partenariats avec des écoles comme les Gobelins ou The Animation Workshop au Danemark.

Longtemps repliée sur elle-même, l’animation japonaise a dû apprendre à s’ouvrir à l’international et à faire preuve d’audace en termes de production. De nombreuses collaborations se sont nouées avec les États-Unis, certaines structures se spécialisant dans la mise en relation d’entreprises étrangères avec des studios japonais à même de répondre à leurs demandes. Et Crunchyroll a ouvert un studio à Los Angeles et un autre à Tokyo, en vue de produire de nouveaux contenus qui seront diffusés à partir de 2020.

Le jour de l’ouverture du festival, le studio Ponoc, fondé en 2015 par un ancien producteur de chez Ghibli, Yoshiaki Nishimura, qui s’est spécialisé dans des films d’animation dessinés et peints à la main, annonçait que le CIO venait de lui confier la réalisation d’un court métrage inspiré par les valeurs olympiques. Il sera projeté à l’occasion de la tenue des Jeux Olympiques qui se dérouleront à Tokyo du 24 juillet au 9 août 2020. Un film de commande certes, mais surtout le symbole de la reconnaissance d’une nouvelle génération.

Patrice Carré
© crédit photo : Fuji Television Network Inc., Signal MD


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